Dix heures du matin dans l’antre d’Eagle Square. Des milliers de dignitaires nigérians -chefs traditionnels, religieux ou politiques- affluent dans leurs plus belles tenues, un carton d’invitation à la main. Des Haoussas du Nord, des Yorubas du Sud-Ouest et des hommes de la région du delta du Niger, un chapeau noir vissé sur la tête. Un borsalino très exactement identique à celui qu’arbore fièrement le président élu, Goodluck Jonathan.
Vêtu d’un costume bleu marine paré d’une banderole verte, ce diplômé de zoologie que rien ne prédestinait vraiment aux les plus hautes fonctions est le premier Nigérian issu de l’ethnie Ijaw à prêter serment ce 29 mai en tant que quatorzième président de la fédération.
Une vingtaine de chef d’Etat venus pour l’occasion
« Mesdames et Messieurs, bienvenue à cette cérémonie » glisse en français une voix colorée d’un léger accent anglais. « Prenez place, s’il vous plaît ». Une attention qui n’a rien d’étonnant vu le nombre de chefs d’Etat des pays de la région présents à Abuja.
François Bozizé de la République centrafricaine est là, l’Ivoirien Alassane Ouattara aussi, le Sénégalais Abdoulaye Wade ou encore le Burkinabé Blaise Compaoré. Au total, une vingtaine de chefs d’Etats africains ainsi que les délégations des pays occidentaux font face à la grande place où se déroule la cérémonie.
Quatre heures, pendant lesquelles, les militaires paradent en costume, bleu, blanc, rouge et vert. Puis c’est au tour d’un millier d’enfants d’esquisser une danse. Vient ensuite la prestation de serment solennelle et le lever du drapeau nigérian, signe du début d’un nouveau mandat de quatre ans.
Une cérémonie sous haute sécurité
Par crainte d’attentats à la bombe, la sécurité a été considérablement renforcée ce dimanche. Dix milles hommes, policiers et militaires, ont été déployés. Les réseaux téléphoniques ont également été coupés. Après les affrontements qui ont endeuillé l’élection présidentielle du 16 avril dernier -et qui, selon les ONG ont fait plus de 800 morts en trois jours- aucun faux pas n’est permis.
Goodluck Jonathan ne le sait que trop bien. Dans son discours à la nation, il s’est ainsi engagé à poursuivre les réformes entreprises depuis son arrivée au pouvoir en mai 2010, suite au décès d’Umaru Yar’Adua. Fort d’un scrutin jugé relativement libre et transparent par la communauté internationale, il s’est également fait le défenseur de la démocratie sur le continent.
Un président rassembleur
Goodluck Jonathan s’est aussi et surtout posé en rassembleur. « Ensemble nous allons unir notre nation et améliorer le niveau de vie de toutes les populations, que ce soit dans le Nord ou le Sud, à l’Est ou à l’Ouest », a-t-il déclaré. « Nous ne laisserons personne exploiter nos différences et nous monter les uns contre les autres ».
A ce titre, il a d’ailleurs appelé tous les candidats malheureux à se joindre à son combat « pour bâtir un nouveau Nigeria ». Une adresse à peine voilée à l’attention de son principal adversaire Muhammadu Buhari et à ses supporters du Nord qui ont contesté les résultats de l’élection.
Faut-il voir dans ces mots le signe d’une ouverture politique permettant d’unifier un pays rongé par les divisions Nord / Sud ? Seule l’annonce de la composition du nouveau gouvernement déterminera les intentions du nouveau président nigérian et sa réelle marge de manœuvre à la tête de l’Etat.
Par Julie Vandal 30/05/2011