Depuis dix jours, la Résolution 1975 donne à l’Onuci et la force Licorne le droit de détruire les armes lourdes de Gbagbo. « Une dizaine de blindés et de canons » avaient été détruits la semaine dernière, avaient déclaré des sources proches du ministère français de la Défense. Les positions de Gbgabo, y compris la Présidence et des camps militaires, avaient subi d’intenses pilonnages.
Les défections se succédaient dans les rangs de l’armée loyaliste et pour l’hebdomadaire Jeune Afrique, Il ne restait plus à Gbagbo que le petit millier contre plus de cinquante mille au début de la crise postélectorale en décembre 2009. Mais coup de théâtre vendredi et samedi : d’assiégé, Gbagbo assiège à son tour et mitraille l’hôtel du Golf, le QG du président élu. Dimanche soir, la dernière ligne droite est amorcée. Cette fois-ci, le boulanger est bien cuit.
Commandos français ou exploit de Wattao ?
Intenses et ciblés, les bombardements reprennent. Ban-Ki Moon justifie : « la poursuite de l’utilisation d`armes lourdes contre les populations civiles et les Casques bleus, ainsi que les attaques contre le quartier général du gouvernement légitime, m`ont poussé, une fois de plus, à ordonner à l’ONUCI d’utiliser tous les moyens nécessaires pour empêcher l`utilisation des ces armes ». Faux, s’indigne le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello. Pour lui l’Onu n’est qu’une marionnette, c’est la France qui tire les ficelles. Et pour lui, l’ancienne puissance n’avait pas « d`autre objectif que d` assassiner le chef de l`Etat».
Le porte-parole s’est manifestement trompé puisque Gbagbo a été pris vivant dans la matinée hier. Sur Rfi, Don Mello une fois de plus est formel : ce sont les forces de Licorne au sol qui, au milieu des bombardements aériens, ont fait irruption à la résidence des Gbagbo vers 10h30 hier pour arrêter le président sortant et sa famille, selon un plan bien huilé qui s’appellerait Opération Hydre. Gbagbo le savait et avait demandé à ses troupes de ne plus combattre, le jeu n’en valant pas la chandelle, selon son porte-parole.
Le ministère français de la Défense, bien sûr, nie toute arrestation de Gabgbo par Licorne. Et le porte parole des Forces Républicaines, Sidiki Konaté invite à ne pas prendre au sérieux les propos de Don Mello qui, pour lui, est terré depuis des jours. Ce sont, à ses dires, les Forces Républicaines qui ont bel et bien cassé la porte de la cave avant de faire sortir la mère, le fils et l épouse de Gbagbo et l’ancien président lui-même. Tous seront amenés alors à l’hôtel du Golf. Qui a arrêté Gbagbo, paraît en tout cas, une question déterminante pour l’opinion à la fois africaine et française. Si c’est l’armée de Ouattara, même appuyée par Licorne, « c’est moins grave que si c’était le fait de forces spéciales françaises » diagnostique t-on dans plusieurs capitales africaines. « Parce que la France redevient une puissance coloniale en allant jusque-là ». Symptomatique du raccourci : dans une contribution publiée sur connexionivoirienne.net, le communicant ivoirien Serge Nzi, depuis la Suisse, invoque Toussaint Louverture, Lumumba, Samory Touré. Il prévient que Gbagbo n’est pas fini et peut encore avoir le statut de martyr. Sa mort renforcerait la thèse de la conspiration contre l’ethnie Beté. La thèse avait des victimes célèbres : Victor Biaka Boda, Adrien Dignan Bally, Victor Capri Djédjé, Gris Camille, Christophe Kragbé Gnangbé, Charles Bauza Donwahi.
La thèse de Gbagbo martyr ne convainc pas tout le monde. Un universitaire Dioula qui dit avoir subi l’enfer du fait de son ethnie rectifie « nous refuserons de toutes nos forces que le bourreau soit transformé en victime. Et sans les moyens de l’Etat, Gbagbo n’aurait pas pu sévir à cette échelle. On ne réécrira pas cette histoire ». Il passe en revue les années Gbagbo et dénonce, pêle-mêle : « les charniers, les escadrons de la mort, le pillage et la terreur, l’arrogance d’un petit clan ». Il faut, au contraire, selon l’intellectuel que le président sortant comparaisse devant la Cpi comme Milosevic et Taylor. Et les proches de Ouattara aussi suspectés de crimes contre l’humanité? « Absolument. Personne ne doit échapper ».
Adam Thiam
Le républicain 12/04/2011