Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), les trois composantes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont annoncé leur fusion le mercredi 8 février 2023. En effet ce jour, les leaders de ces trois mouvements touaregs se sont réunis au stade de Kidal pour annoncer leur fusion «en une seule entité politique et militaire». Une décision prise au moment où la CMA a pris ses distances avec la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali au nom de laquelle le gouvernement n’a cessé de faire des concessions et de concéder des sacrifices énormes.
Qu’est-ce que la fusion des mouvements de la CMA en une seule entité politique et militaire va stratégiquement changer pour le Mali ? Pour les responsables du HCUA, du MNLA et du MAA, elle vise à écrire «une nouvelle phase de l’histoire». Celle de l’imaginaire Azawad ? Sans doute. Qu’est-ce que cette décision va fondamentalement changer dans le processus de paix et de réconciliation nationale ?
Pas grand-chose puisque nous voyons mal cette nouvelle organisation s’inscrire dans une autre logique que le traditionnel chantage sur Bamako. Et cela avec le regard complaisant de la supposée médiation internationale. Cette fusion consacre un fait : les leaders de ces mouvements ont toujours tiré les avantages (politiques, économiques et matériels) de l’Accord pour la paix et la Réconciliation (APR), mais ils n’ont jamais œuvré pour la paix.
La mise en œuvre de l’APR a toujours été une priorité pour les autorités maliennes. Ainsi, les participants à la 46e session ordinaire du Comité de suivi de l’Accord (CSA), qui s’est tenue à Bamako le 11 octobre 2022), ont reconnu «la nécessité de redistribuer les dividendes de la paix à la population» tout en recommandant la mise en oeuvre de 16 projets de développement au profit des régions du nord. Et curieusement, la CMA a fait volte-face à la veille de la 47e session (prévue le 29 novembre 2022) en émettant des réserves sur le niveau de représentation du gouvernement. Par la suite, le Représentant spécial du Secrétaire général et le président du CSA ont rencontré le ministre de la Réconciliation qui a réaffirmé l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre l’Accord.
N’empêche que les réunions d’octobre et de novembre du CSA n’ont pas pu se tenir à cause de la politique de chaise vide pour laquelle la CMA semble avoir désormais opté. Et pour se donner bonne conscience, elle a publié un communiqué le 10 décembre 2022 pour déplorer ce qu’elle considérait comme «un manque d’engagement politique du gouvernement à l’égard du processus de paix et a demandé que les parties discutent de l’avenir de l’Accord dans un lieu neutre, en vue de procéder à un examen décisif de sa viabilité». Ce qui a été naturellement refusé par le gouvernement malien.
La CMA dans une logique de rupture depuis l’élection d’Alghabass Ag Intalla à sa présidence tournante
Les 20 et 21 décembre, les mouvements signataires se sont réunis dans le contexte du Cadre stratégique permanent. A cette occasion, ils ont de nouveau appelé à la tenue d’une réunion visant à discuter de la viabilité de l’Accord et ont annoncé la suspension de leur participation aux mécanismes de suivi du CSA et de la mise en œuvre de ce dernier. Et c’est dans cette logique que leur fusion a été annoncée le 8 février 2023.
« Si le gouvernement du Mali ne veut plus de l’Accord pour la paix et s’il pense qu’il y a mieux que cet accord, qu’il nous le dise très clairement. De notre côté, nous sommes prêts à s’adonner à l’exercice qu’il aurait choisi…», avait menacé Alghabass Ag Intalla en marge de la 6e session de haut niveau du Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali (CSA) tenue à Bamako le 2 septembre 2022. Et tout ce qui se passe aujourd’hui est la suite logique de cette menace à peine voilée.
Personne n’est ainsi dupe. Cette fusion était attendue car c’est une étape d’un plan savamment élaboré par les rebelles-terroristes. Elle est souhaitée par le HCUA qui pèse sur toutes les décisions de la CMA. Ce n’est un secret pour personne que le MNLA est l’ombre de lui-même sur les plans politique et militaire depuis qu’il a courbé l’échine devant le MUJAO. Quant au MAA, il a été fragilisé par sa scission entre deux groupes entre la CMA et la Plateforme.
Et depuis qu’il a pris la présidence tournante de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) en juillet 2022, Alghabass Ag Intalla, n’a cessé de poser des actes allant dans le sens de la rupture avec la République. Dès sa prise de fonction, il a immédiatement rappelé sa volonté de voir fusionner les groupes qui composent la CMA afin d’avoir plus de poids et d’influence face au gouvernement.
C’est ainsi que, en dépit des efforts du gouvernement et les concessions faites lors de la réunion de niveau décisionnel tenue à Bamako du 1er au 5 août 2022 par ce dernier, Alghabass Ag Intalla et compagnie ont continué d’inventer des prétextes pour bouder l’APR. La CMA est donc appelée à disparaître dans les jours à venir au profit de cette nouvelle organisation. Selon une déclaration publiée par la Coordination, cette fusion a été motivée par la dégradation de la situation sécuritaire de l’Azawad ; les « attentes légitimes des peuples de vivre en paix chez elles…»…
Des hommes de paille des services secrets français
Cette dégradation sécuritaire résulte des décisions de la CMA qui considère la présence d’autres Forces de défense et de sécurité (FDS) comme une menace pour ses activités illicites (terrorisme, trafic d’armes, de drogues…). La preuve est que le bataillon de la nouvelle armée reconstituée (qu’il faut impérativement extraire de ce piège) est toujours cantonné dans la ville de Kidal. Elle n’a jamais pu être déployée comme il se doit pour les besoins de défense et de sécurité de la région de l’Adrar des Ifoghas. Et même pour circuler dans la ville, ses éléments ont besoin de la bénédiction des maîtres des lieux. Dans les zones de Ménaka et Ansongo, le Gatia et le MAA (aile dissidente) n’ont jamais réellement bénéficié du soutien des troupes de la CMA contre l’EIGS qui continuent de décimer les populations civiles.
Alghabass Ag Intalla et ses compagnons sont les hommes de paille des services secrets français qui sont toujours à la manœuvre pour démontrer qu’il n’y aura pas de paix au Mali sans implication de la France. Et pour cela, ils sont aujourd’hui prêts à pactiser avec Iyad Ag Ghali qui est le véritable maître de Kidal à travers le HCUA. Mais, si les leaders avaient misé sur l’apaisement du climat diplomatique entre Paris et Alger pour accentuer la pression sur Bamako, ils doivent revoir leur copie puisque le torchon brûle à nouveau entre la France et l’Algérie.
En effet, la relation entre Paris et Alger est entrée dans une nouvelle période de crise le 8 février 2023 avec la décision du président Abdelmadjid Tebboune de rappeler « pour consultations » l’ambassadeur algérien en France. Un geste de mauvaise humeur répondant à l’intervention le 6 février de l’ambassade de France à Tunis (Tunisie) pour éviter à l’opposante algérienne Amira Bouraoui (détentrice d’un passeport français) d’être extradée vers l’Algérie à partir de la Tunisie où elle était entrée illégalement trois jours plus tôt afin de s’y réfugier.
Quant aux autorités maliennes, elles doivent toujours se dire que la guerre de libération de Kidal aura lieu. Telle a toujours été notre conviction. Et cela s’impose aujourd’hui comme un fait inéluctable compte tenu de l’évolution de la situation dans cette région voire dans le septentrion. Il est utopique de vouloir vaincre le terrorisme sans avoir réellement le contrôle de Kidal qui a toujours servi d’arrière base à Ançar Dine puis à GNIM. Et il est clair que cette fusion est clairement dictée par Iyad Ag Ghali qui veut se repositionner dans le septentrion en croyant ainsi échapper à l’enfer désormais imposé à ses Katiba dans le reste du pays.
Depuis 2012, Kidal est une citadelle du terrorisme qu’il faut aujourd’hui détruire pour le bien-être de la population locale et aussi de la stabilité du pays. C’est plus que jamais le temps de se défaire de cette camisole de force (Accord pour la paix et la réconciliation nationale) imposée par la communauté internationale en 2015 à l’issue de négociations biaisées à Alger.
En tout cas, Kidal ne peut pas continuer d’être éternellement un caillou dans la chaussure des dirigeants maliens. Il faut mettre définitivement mettre fin à l’imposture de ceux qui prennent toujours les armes pour leurs intérêts particuliers. Il faut les prendre à leur propre jeu tout en réalisant au profit des populations instrumentalisées de vrais projets pour leur épanouissement socio-économique, culturel et politique.
Naby