Fuite de capitaux et blanchiment d’argent: interrogations sur la bi-bancarisation.Le service de la bi-bancarisation vient à point nommé dans un monde bouleversé par la crise sanitaire, inhibant toutes les activités et réduisant de façon considérable les envois d’argents des diasporas de leur pays d’accueil vers leur pays d’origine. Le mécanisme permettra à un expatrié d’avoir un compte dans son pays d’accueil et un autre dans son pays d’origine. Avec de faibles taxes de change, cet expatrié pourra faire des opérations bancaires d’un côté comme de l’autre.

Avec la bi-bancarisation, cette diaspora pourra effectivement réorganiser ses transferts de fonds et même cela facilitera ses investissements dans son pays d’origine. La plupart des personnes qui ont immigré n’ont pas accès ou ne songent pas à faire appel aux services bancaires de leur pays d’origine pour leur investissement (construction de maison, acquisition etc.). Voici donc une occasion pour ces institutions bancaires de capter les fonds transférés et de pouvoir conseiller la diaspora. Comment les services de la bi-bancarisation pourront-ils se substituer à ceux des sociétés de transferts d’argent ?

Sachant que les fonds transférés répondent souvent à des besoins imminents et précis, donc sur le court terme, il serait judicieux que les banques proposent des services financiers opportuns à cette diaspora, l’incitant à garder, épargner cet argent dans le but de l’investir et de le faire fructifier. La question d’accessibilité de ces institutions bancaires se pose également. Sont-elles vraiment accessibles à tout le monde, et présentes dans toutes les régions et villes africaines, afin de permettre aux familles de cette diaspora d’avoir accès aux fonds en temps et en heure , étant donné, qu’elles en sont les principales destinataires. Il ne faut pas oublier que la spécificité des sociétés de transferts d’argent est cette forte présence qu’elles assurent avec des horaires et jours d’ouvertures avantageux.

A cela, s’ajoute une crainte qui me taraude, celle du sens des transferts de ces flux d’argent. Le fait de détenir un compte bancaire dans son pays d’origine et de pouvoir à partir de ce compte transférer de l’argent vers son autre compte qui est dans son pays d’accueil, ne va t-il pas augmenter les risques de fuite de capitaux dont l’Afrique est déjà victime ? Autrement dit, en cas de réciprocité, s’il y a la possibilité que le fonds puisse être aussi transféré du pays d’origine vers le pays d’accueil. Quelles précautions seront données à l’étude des fonds provenant de ces pays d’origine ? Il peut être facile pour quelqu’un ayant un ami ou proche à l’étranger de sortir des capitaux importants et les placer à l’étranger dans un objectif de blanchiment ou placement dans les paradis fiscaux.

D’ailleurs, nous savons qu’en période de crise, le volume de fuites de capitaux des pays les moins avancés augmente. Ce fut le cas lors de la crise de 2008, de 2013 et aujourd’hui avec la covid-19. Les sorties de capitaux ont atteint en un temps record un niveau «sans précédent» de 100 milliards de dollars, soit 0,4 % de leur PIB, selon le fonds monétaire, comme nous le confirme Anne Cheyvialle dans le magazine l’ECONOMIE. Toutes ces questions doivent être prises en compte afin d’éviter que l’économie africaine n’ en fasse les frais encore une fois. Sur ce, j’attire l’attention de Maitre Me Alain Gauvin, celle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et celle de la députée Sira Sylla sur ces différents points afin que cette bi-bancarisation soit bénéfique au continent et puisse permettre davantage aux diasporas de contribuer fortement au financement de l’économie de leurs pays d’origine.