Au Mali, depuis de longs mois, le front social chauffe et des secteurs aussi importants que la santé, l’éducation, la justice – pour ne citer que ceux-là – sont régulièrement secoués par des mouvements de grèves. En ce début d’année, on assiste à des grèves en cascade. Les magistrats, les enseignants, les inspecteurs de travail, et depuis hier, les médecins, sont en grève.
A l’allure où vont les choses, l’administration malienne risque d’être aux arrêts. Pour preuve, au moins quatre corporations sont grèves. Certaine d’entre elles sont mêmes en grève illimitée. C’est le cas des magistrats (Syndicat Autonome de la magistrature (SAM) et Syndicat libre de la Magistrature (Sylima)) et du comité Syndical national de l’enseignement supérieur (Snesup) de l’Ecole Normale supérieure (Ensup). En plus de ces deux grèves illimitées, le Syndicat des médecins du Mali (Syméma) est en grève de 48 heures depuis hier jeudi 2 février 2017. A cela s’ajoute le préavis de grève du Comité Syndical des Services du Travail (CSST) déposé sur la table du gouvernement depuis le 24 janvier 2017.
En ce début d’année, le front social renoue avec l’ébullition. Le ton fut donné par le Comité Syndical des Services du Travail (CSST) qui a observé une grève de cent vingt heures (120 heures) du lundi 16 janvier 2017 au vendredi 20 janvier 2017 sur toute l’étendue du territoire national. Après cette grève de 5 jours, le comité syndical des services du travail ne décolère toujours pas. Ces responsables viennent de déposer un nouveau préavis de grève de 10 jours, allant du lundi 06 février à 00 heures au vendredi 10 février 2017 à 00 heures et du lundi 13 février à 00h au vendredi 17 février 2017 à 00h sur toute l’étendue du territoire national, sur la table du gouvernement. Le Comité Syndical des Services du Travail exige l’application immédiate de tous les points d’accord du Protocole d’accord du 29 juillet 2011 et du Procès-verbal de conciliation du 05 avril 2016, et l’adoption immédiate du projet de décret « en souffrance » portant primes et indemnités accordées aux Inspecteurs et Contrôleurs du Travail ainsi qu’à leurs assistants.
Ensuite s’en est suivie, la grève des magistrats déclenchée le 09 Janvier 2017 sur l’ensemble du territoire national. N’ayant pas eu gain de cause avec le gouvernement, les deux syndicats des magistrats à savoir le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA) sont en grève illimitée depuis le 18 janvier dernier. Et cela ne va pas sans conséquence car tout le système judiciaire est actuellement paralysé par cette grève illimitée. Il n’y a pas de jugement, ni de confection des documents administratifs (casiers judiciaires, certificats de nationalité…). Le gouvernement malien peine à trouver un terrain d’entente avec les grévistes.
L’implication des partis politiques et des religieux maliens, le SADI, l’URD, le guide spirituel des ançars, pour trouver une solution est restée, pour le moment, infructueuse. Selon le syndicat des Magistrats, quelques points ayant fait l’objet d’accord entre les parties, suite au préavis de grève du 11 Juillet 2016, n’ont jusqu’à ce jour pas connu de début d’exécution. Aux dires des responsables syndicalistes, le rapport, issu du dialogue national institué par le gouvernement lui-même, a été purement et simplement classé de façon unilatérale pour des raisons non portées à la connaissance du SAM. En outre, le syndicat évoque entre autre que la loi sur la Cour Suprême, promulguée aussitôt après son adoption pour être d’application immédiate, est en souffrance du fait du Gouvernement, pour faute de textes d’application ; les directives et instructions du Président de la République, concernant l’alignement des magistrats de la Cour Suprême sur les membres des institutions comparables d’une part, et d’autre part pour apporter des correctifs au décret N 0837/ P-RM du 10 Novembre 2014 fixant les taux de certaines primes et indemnités allouées aux fonctionnaires et agents de l’Etat, en vue de la prise en compte des acteurs de la justice, sont toutes restées sans effet pour cause d’une fin de non recevoir opposée par le Gouvernement ; les membres de la Cour d’Assises de Bamako en transport à Sikasso se sont vus refusés le bénéfice du décret N 0001/P-RM du 15 Janvier 2016 fixant les conditions et les modalités d’octroi de l’indemnité de déplacement et de mission ; le SAM reste toujours écarté du Conseil économique social et culturel (CESC) en dépit d’une décision de justice définitive et exécutoire. Face à cet état de fait, les Magistrats ont enclenché une grève illimitée. D’ailleurs, ils organisent ce vendredi 3 février 2017 une conférence de presse à la cour d’appel de Bamako sur la situation. Vont-ils déclarer leurs déterminations à poursuivre la grève illimitée ou vont-ils suspendre ladite grève qui n’a que trop durée du fait des négociations ? On le saura demain.
En outre, le comité du Syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup) de l’Ecole Normale supérieure (Ensup) a décrété une grève illimitée le 16 janvier 2017. Depuis, c’est la paralysie au niveau de cette grande école du Mali. Le comité Snesup de l’Ensup réclame l’amélioration des conditions de travail des enseignants. La principale revendication concerne la rénovation des locaux de cette école de référence, en vue du basculement dans le système LMD (Licence, Master, Doctorat).
Et pour ne rien arranger aux choses, le Syndicat des médecins du Mali (Syméma), a, aussi, entamé depuis hier 2 février une grève de 48 heures. Les médecins maliens exigent la libération de leur collègue Dr. Drissa Coulibaly écroué depuis début décembre 2016 pour avoir opéré une patiente sans avoir signalé à la police la nature de la blessure. La grève fait suite à un préavis du syndicat déposé le 13 janvier sur la table du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. Selon le secrétaire général du Syméma, Dr Siaka Kéita, la grève survient après l’échec de différentes tentatives de négociation du Syméma sans succès. Le Syndicat exige la libération provisoire de Dr Drissa Coulibaly, incarcéré depuis le 19 décembre dernier pour avoir extrait une balle de la cuisse d’une dame. « La grève n’est pas notre souhait. Mais elle reste l’ultime arme après l’échec des négociations », a souligné le secrétaire général.
Aguibou Sogodogo