Arrivée au Mali mercredi dernier (en compagnie de ses homologues estonien et tchèque), Mme Florence Parly (ministre français des Armées) a assuré le président de la Transition du soutien de la Task Force Takuba aux Forces armées maliennes (FAMa) dans la lutte contre le terrorisme.
Une visite qui a eu lieu au lendemain de la publication du rapport d’enquête de la Minusma qui confirme que la frappe de Barkhane du 3 janvier 2021 sur Bounty est une bavure.
Ce que les autorités françaises continuent naturellement de nier avec arrogance.
«Nous avons partagé avec le président notre détermination à continuer notre combat contre le terrorisme.
Nous sommes venus ensemble pour aller à la rencontre des militaires maliens, français, tchèques, estoniens, suédois et italiens de la Task Force Takuba», a déclaré à la presse Mme Florence Parly à sa sortie de l’audience que le président Bah N’Daw a accordé jeudi dernier (1er avril 2021) à elle et à ses homologues de l’Estonie et de la République Tchéque.
«Nous sommes fiers de pouvoir déclarer la pleine capacité opérationnelle de la Task Force Takuba.
C’est une étape importante pour les militaires maliens avec qui nos forces peuvent aujourd’hui former un partenariat de combat de plus en plus efficace…», a-t-elle ajouté.
Elle a assuré que «les Européens se tiennent aux côtés des Maliens» et que l’ensemble des forces (la Force conjointe du G5 Sahel, Barkhane, Takuba, l’EUTM et la MINUSMA) ont un seul objectif qui est «d’affaiblir et de défaire la menace terroriste» portée par Daesh et Al Qaeda.
Pour le ministre tchèque, M. Lubomir Metnar, «c’est l’effort conjoint et synchronisé au plan international qui représente le moyen le plus efficace pour combattre le terrorisme, assurer la paix et la stabilité au Mali et dans la région entière».
«Aujourd’hui nous contribuons à l’entraînement des troupes maliennes au sein de la Task Force Takuba… Nous sommes fiers d’aider les troupes maliennes à sécuriser leur pays», a affirmé le ministre estonien de la Défense, M. Kalle Laanet.
Le ministre français des Armées et ses homologues sont arrivés au Mali au moment où la polémique se poursuit suite à la publication (le 30 mars 2021) du rapport d’enquête des Nations unies affirmant que la frappe de l’armée française a visé le 3 janvier dernier une cérémonie de mariage et qu’au moins 19 civils ont été tués à Bounty (Douentza/Mopti), au centre du Mali.
La force Barkhane maintient néanmoins sa version initiale en affirmant que la frappe a bien visé un groupe jihadistes sur la base de renseignements solides.
«Nous avons un rapport de l’ONU, auquel nous avons d’ailleurs contribué, qui n’avance aucune preuve, que des témoignages», a confié à la presse française M. Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées.
«Des témoignages dont on ne connaît pas l’origine et dont on ne connaît pas les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis.
On ne sait pas si les personnes qui ont témoigné ont fait allégeance à des groupes terroristes ou à des puissances étrangères», a-t-il ajouté.
Le ministre Florence Parly a abondé dans le même sens jeudi dernier lors de sa visite de deux jours (31 mars-1er avril 2021)) au Mali.
La ministre française des Armées a surtout déclaré qu’il y a «une guerre dans le domaine informationnel» et que l’ennemi exploite toutes les polémiques possibles.
«Je ne peux pas admettre que l’honneur de nos soldats puisse ainsi être sali», a-t-elle martelé devant la presse à Bamako.
Entre bavure et usage abusif du «secret défense»
«Le rapport de la MINUSMA est sans ambiguïté.
Il n’y a pas de doute sur le fait qu’il y ait eu une bavure à Bounty…», a réagi M. Ousmane Diallo, chercheur pour Amnesty International.
La France se défend donc sans convaincre.
Ainsi, jeudi dernier, sept organisations non gouvernementales sahéliennes et internationales (Association malienne des droits de l’homme/AMDH ; Action contre la faim ; Care-France ; Fédération handicap international/Humanité et inclusion ; Fédération internationale pour les droits humains/FIDH ; Observatoire Kisal et Oxfam-France), membres de la Coalition citoyenne pour le Sahel, ont publié un communiqué conjoint pour exiger à ce que toute la «lumière soit faite» sur les frappes du 3 janvier 2021 à Bounty.
Elles y ont réaffirmé leur soutien à la recommandation de la Minusma exhortant la France et le Mali à mener «une enquête indépendante et transparente» sur les circonstances de cette frappe et les dommages causés aux civils.
Les ONG signataires ont aussi rappelé que «les opérations de lutte contre le terrorisme» ne peuvent se conduire au détriment du Droit international humanitaire (DIH) et du Droit international des droits de l’homme (DIDH).
Il faut ajouter que Barkhane est impliquée dans une autre éventuelle bavure au nord de notre pays avec la mort de six autres civils (des jeunes) tués dans des frappes dans la localité de Talataye, entre Gao et Ménaka.
Et la semaine dernière, l’armée française a été également indexée comme responsable du blocage de l’enquête sur la mort de Ghislaine Dupont et Claude Verlon le 2 novembre 2013 à Kidal.
En effet, dans une lettre aux autorités françaises, l’ex rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires (désormais Secrétaire générale d’Amnesty international) accuse l’armée française d’entraver l’enquête de l’ONU sur cet assassinat.
Et Agnès Callamard y dénonce «des zones d’ombre troublantes».
Elle reproche surtout à l’armée française d’utiliser de «manière abusive les règles du secret défense pour empêcher les enquêteurs d’établir la vérité».
Et comme on pouvait s’y attendre, le Quai d’Orsay a réagi en assurant que l’enquête suit son cours avec la pleine coopération de la France.
Et cela avec l’arrogance qui semble être l’ADN de la diplomatie française.
D’ailleurs, Mme Agnès Callamard qualifie cette réaction «d’insulte aux familles et d’insulte à la mémoire de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon». Sale temps pour la France des Droits de l’Homme !
Hamady Tamba