Presque deux semaines après sa nomination (le 22 avril 2019), le Premier ministre Boubou Cissé a finalement réussi à former un gouvernement de large ouverture (GLO) avec 38 membres, dont un ministère délégué et deux secrétariats d’Etat. La liste a été annoncée le dimanche 5 mai 2019. La pléthore n’est pas de nature à susciter chez les observateurs l’espoir d’une efficacité face aux défis du moment.
Trente cinq ministères, 1 ministère délégué, 2 Secrétariats d’Etat ! Telle est la nomenclature du nouveau gouvernement formé par le Premier ministre Boubou Cissé (il conserve aussi le portefeuille de l’Economie et des Finances).
Une équipe de 38 membres, dont 9 femmes (23 %), contre 32 portefeuilles dans le précédent attelage. D’ailleurs 20 ministres (13 ont été maintenus à leurs postes et 7 ont changé de portefeuilles) de l’équipe sortante sont encore présents à la table du conseil des ministres.
Ce gouvernement a été formé sur la base de l’accord politique signé le 2 mai 2019 entre le Premier ministre et les forces vives du pays (majorité et opposition, mouvements signataires de l’Accord de paix et la société civile) afin de lui permettre de faire face aux défis à relever dans un climat sociopolitique apaisé.
Ainsi, plusieurs opposants font ainsi leur entrée dans le gouvernement à l’image de Tiébilé Dramé (président du Parena et directeur de campagne de Soumaïla Cissé pendant la présidentielle de 2018) qui est désormais le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. L’autre entrée marquante est celle de Michel Hamala Sidibé, spécialiste de santé mondiale malien et ex-directeur exécutif d’ONUSIDA, comme ministre de la Santé. Sans oublier aussi Malick Coulibaly de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) qui est le nouveau ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux.
L’un des principaux constats est aussi que, visiblement la volonté de caser ses alliés a pris le dessus sur la nécessité d’impulser une dynamique d’efficacité à l’action gouvernementale. Cette pléthore a beaucoup déçu à juste titre.
La recherche de l’efficacité aurait voulu qu’on renouvelle le bail de ceux qui ont réellement fait leur preuve et qu’on accorde leur chance à ceux qui piaffent d’impatience pour servir et se mettre en valeur au service de la patrie. Et pourtant, à quelques exceptions près (Général Salif Traoré, Kamissa Camara et relativement Yaya Sangaré), on se demande sur quelle base beaucoup d’anciens ont été reconduits en dehors de leur coloration politique.
IBK accroché à la révision constitutionnelle au risque de déstabiliser encore son régime
En agissant ainsi, Koulouba et la Primature apportent de l’eau au moulin de ceux qui ont jugé l’accord politique du 2 mai 2019 comme juste un partage de gâteau. La «mission» semble ainsi avoir été occultée pour une large ouverture visant à contenter tout le monde. D’où sans doute cette longue attente.
L’autre constat non moins important, c’est que le président Ibrahim Boubacar Kéita tient aux reformes politiques dictées par la communauté internationale. C’est d’ailleurs l’une des raisons de cette large ouverture afin de noyer la contestation que ces reformes, notamment la révision constitutionnelle, peuvent susciter.
Et cette volonté est traduite par la création d’un ministère chargé des Réformes institutionnelles et des Relations avec la société civile. Il est pourtant clair que la majorité des Maliens pense que la révision constitutionnelle est loin d’être une priorité dans la situation actuelle du pays. C’est dire qu’une nouvelle tempête s’annonce et peut sérieusement entamer l’unité et la cohésion au sein de GLO (Gouvernement de large ouverture) hétéroclite.
Et nous n’aimerions pas nous retrouver à la place du jeune Amadou Thiam qui hérite de cette patate chaude qui a failli causer la chute du régime en 2017. Et le nouveau ministre (alors président de l’ADP-Maliba et député à l’Assemblée nationale) était vice président de «Antè A Bana-Touche pas à ma Constitution» ! Cette même plateforme qui avait contraint IBK à surseoir à la tenue du référendum de révision constitutionnelle dans une adresse à la nation le Vendredi 18 août 2017. Il est donc chargé d’organiser la réforme des institutions qu’il avait combattues au risque de se retrouver face à face avec ses ex-camarades de la rue. N’est-ce pas ironique comme sort ?
Et pour l’une des rares fois, depuis l’avènement de la démocratie, c’est un militaire de carrière qui hérite du ministère de la Défense et des Anciens combattants. Ex-membre du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDR ou CNRDRE) du Capitaine Amadou Haya Sanogo (le putschiste du 22 mars 2012), le Général de Division Ibrahim Dahirou Dembélé est un homme très respecté et donc très influent au sein de nos forces armées et de sécurité pour sa compétence et sa rigueur.
Saura-t-il relever la grande muette sujette depuis quelques années à une guerre asymétrique ? Le temps nous le dira.
En attendant, ce gouvernement n’a pas du temps à perdre car les défis sont très nombreux et il doit se mettre rapidement à la tâche pour démentir les préjugés tenaces.
Moussa Bolly
COMPOSITION DU GOUVERNEMENT DE BOUBOU CISSE
- Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Economie et des Finances :
Docteur Boubou CISSE - Ministre de la Santé et des Affaires sociales :
Monsieur Michel Hamala SIDIBE - Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux :
Monsieur Malick COULIBALY - Ministre de la Défense et des anciens Combattants :
Général de Division Ibrahim Dahirou DEMBELE - Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation :
Monsieur Boubacar Alpha BAH - Ministre de la Sécurité et de la Protection civile :
Général de Division Salif TRAORE - Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale :
Monsieur Tiébilé DRAME
- Ministre de l’Intégration africaine :
Maître Baber GANO - Ministre de la Solidarité et de la Lutte contre la Pauvreté :
Monsieur Hamadou KONATE - Ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale :
Monsieur Lassine BOUARE
- Ministre de l’Industrie et du Commerce :
Monsieur Mohamed AG ERLAF - Ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Population : Monsieur Adama Tiémoko DIARRA
- Ministre du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique :
Monsieur Oumar Hamadoun DICKO - Ministre des Infrastructures et de l’Equipement :
Madame TRAORE Seynabou DIOP - Ministre de l’Energie et de l’Eau :
Monsieur Sambou WAGUE - Ministre des Transports et de la Mobilité urbaine :
Monsieur Ibrahima Abdoul LY - Ministre de la Culture :
Madame N’DIAYE Ramatoulaye DIALLO
- Ministre des Mines et du Pétrole :
Madame LELENTA Hawa Baba BAH
- Ministre de la Communication, chargé des Relations avec les Institutions, Porte-parole du Gouvernement :
Monsieur Yaya SANGARE
- Ministre de l’Economie numérique et de la Prospective :
Madame Kamissa CAMARA - Ministre de la Promotion de l’Investissement privé, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Entreprenariat national :
Madame Safia BOLY
- Ministre chargé des Réformes institutionnelles et des
Relations avec la Société civile :
Monsieur Amadou THIAM
- Ministre des Maliens de l’Extérieur : Monsieur Amadou KOITA
- Ministre des Affaires religieuses et du Culte : Monsieur Thierno Amadou Omar Hass DIALLO
- Ministre de l’Agriculture :
Monsieur Moulaye Ahmed BOUBACAR
- Ministre de la Jeunesse et des Sports :
Monsieur Arouna Modibo TOURE
- Ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable :
Monsieur Housseini Amion GUINDO
- Ministre de l’Education nationale :
Docteur Témoré TIOULENTA
- Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique : Professeur Mahamadou FAMANTA
- Ministre de l’Elevage et de la Pêche :
Docteur KANÉ Rokia MAGUIRAGA - Ministre de l’Artisanat et du Tourisme :
Madame Nina WALET INTALLOU
- Ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille :
Docteur DIAKITE Aïssata Kassa TRAORE
- Ministre des Domaines et des Affaires foncières :
Monsieur Alioune Badara BERTHE
- Ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Logement social :
Monsieur Hama Ould Sidi Mohamed ARBI - Ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle :
Maître Jean Claude SIDIBE - Ministre délégué auprès du Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget :
Madame BARRY Aoua SYLLA
- Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale, chargé de la Promotion et de l’Intégration de l’Enseignement bilingue :
Monsieur Moussa Boubacar BAH
- Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, chargé de l’Aménagement et de l’Equipement rural :
Monsieur Adama SANGARE
Article 2 : Le présent décret sera enregistré et publié au Journal officiel.
Bamako, le 05 Mai 2019