Subterfuge de la France pour impliquer ses partenaires européens à ses côtés et cacher son incapacité à enrayer la menace terroriste sur le Sahel, la Force Takuba est aujourd’hui sur la sellette à cause d’un contingent des forces spéciales danoises déployée sans le consentement du Mali. Une unité qui va être finalement retirée puisque le gouvernement de transition est resté ferme sur sa position malgré les injures et les menaces à peine voilées de Jean-Yves Le Drian et Florence Parly.
Le lundi 24 janvier 2022, le gouvernement malien a invité le Royaume du Danemark à retirer immédiatement son contingent de forces spéciales déployé dans le pays au sein de la Force Takuba sans son consentement. Un déploiement intervenu «sans considération du Protocole additionnel» applicable aux partenaires d’opération européens devant intervenir au Mali dans le cadre de cette force. Ce protocole, selon le document, a prévu «la conclusion d’un accord bilatéral entre la République du Mali et les pays partenaires» de cette opération devant suppléer au retrait de la Force française Barkhane.
Bamako a donc appelé Copenhague à «retirer immédiatement» ledit contingent sans «préjudice des relations d’amitié et de coopération fructueuse» entre les deux pays. Et le lendemain, les Danois ont répliqué en disant avoir déployé leur contingent dans le respect des dispositions en vigueur. Ce qui est démenti par un second communiqué publié par le gouvernement mercredi dernier (26 janvier 2022).
Confondu, le chef de la diplomatie danoise, Jeppe Kofod, a expliqué que les autorités maliennes ont envoyé «un message clair où ils ont réaffirmé que le Danemark n’est pas le bienvenu au Mali. Nous ne l’acceptons pas et pour cette raison nous avons décidé de rapatrier nos soldats». Ce qui n’apparaît nulle part dans les deux communiqués publiés par le Porte-parole du gouvernement. Vendredi dernier (28 janvier 2022) les pays contributeurs à la Force Takuba ont échangé par visioconférence sur les conséquences du retrait du Danemark et de la position à adopter face aux exigences de la junte au pouvoir à Bamako. Et les 15 pays ont convenu de s’accorder 2 semaines de réflexion avant de décider de l’avenir de leur engagement militaire au Sahel.
N’empêche que, dans un autre communiqué, le ministère de la Défense danois a indiqué que «les Forces armées vont maintenant commencer à planifier afin que le rapatriement du personnel et du matériel puisse avoir lieu dès que possible. A l’heure actuelle, aucun calendrier concret ne peut être donné, mais il devrait s’écouler plusieurs semaines avant que tout le personnel et l’équipement ne soient de retour au Danemark».
La France toujours dans ses basses manœuvres
«Nous ne sommes pas encore au stade de l’incident diplomatique, c’est peut-être des incompréhensions entre le gouvernement du Mali et le gouvernement du Danemark», a assuré le ministre de l’Administration et de la Décentralisation, Porte-parole du gouvernement, sur le plateau du «JT» (Journal télévisé de 20h) mercredi dernier. Mais, il a dit que Bamako aurait été en droit de recevoir «des excuses des autorités danoises».
Le Colonel Abdoulaye Maïga a surtout mis l’accent sur la «très bonne réputation» du Danemark au Mali en raison de son action en faveur du développement. «Le Royaume du Danemark jouit d’une très bonne réputation ici en République du à Mali. C’est pourquoi nous les invitons à faire attention à certains partenaires qui ont malheureusement du mal à se défaire des réflexes coloniaux», a-t-il averti.
Dans cette affaire, il est clair que c’est la France qui est encore à la manœuvre. La réaction de ses ministres des Affaires étrangères et des Armées l’attestent. La réalité est que la France avait l’habitude de se comporter dans notre pays et au Sahel comme en terrain conquis et avec un discours arrogant face aux rares critiques. Elle a donc fini par croire que sa présence valait un «sauf conduit pour les forces européennes». Malheureusement pour elle, la situation a changé.
Dans sa volonté de se débarrasser des autorités actuelles qui ne cessent de remettre en cause ses intérêts au Mali voire dans le Sahel, Paris utilise toutes les stratégies pour les isoler, pour asphyxier notre pays sur les plans économiques et diplomatiques. Et au nom de la solidarité européenne, Emmanuel Macron (qui assure maintenant la présidence tournante de l’Union européenne) est en train de tout mettre en œuvre pour que ses alliés occidentaux l’appuient dans son acharnement contre le Mali. Tout comme ils avaient aidé Nicolas Sarkozy à se débarrasser du Guide de la Jamahiriya arabe libyenne devenu une menace personnelle et un danger à cause de son influence (économique et militaire, donc politique) grandissante dans la bande sahélo-saharienne.
Et compte tenu de l’ampleur donnée à une simple demande diplomatique de retrait d’un contingent déployé à l’insu des autorités d’un pays souverain, on se demande aujourd’hui que cache encore la présence de Takuba au Mali ? Cette force a été officiellement déployée pour pallier le retrait progressif de l’opération Barkhane. Mais, en réalité, c’est un subterfuge pour dissimiler l’échec de l’option militaire prônée par la France contre le terrorisme au Sahel.
Autrement, la France veut désormais partager le coût de cette lutte vouée à l’échec avec ses alliés européens. Et dans ce contexte tendu entre Bamako et Paris, on peut légitimement se demander si la Force Takuba n’est pas devenue aujourd’hui un autre bouclier utilisé par la France pour garder la mainmise sur le Mali !
Moussa Bolly