Entre autres, la fabrication de tampons encreurs de fournisseurs fictifs et de copies de ceux de plusieurs hautes autorités politiques et administratives, pour donner un cachet authentique à une multitude de faux documents… Ramata Diaouré
b) Authentification de documents falsifiés par l’utilisation de divers cachets
Pour qu’un document soit considéré comme authentique et légitime, au Mali, il doit être estampillé avec le cachet officiel de l’entité émettrice du document et signé par une personne autorisée. Cachets et signatures sont toujours présents sur les pièces justificatives: les fournisseurs ont tamponné et signé des offres, des factures et des bordereaux de livraison avec le timbre de leur entreprise, le ministère de la Santé a apposé des cachets et signatures sur les ordres de mission et les fonctionnaires régionaux du DRS ont appliqué leurs cachets et signatures sur les listes de per diem recensant les paiements d’indemnités journalières au personnel et aux participants par rapport à des activités telles que des formations ou des missions de supervision.
L’OIG a constaté que des fonctionnaires du PNLT ont faussement tenté de légitimer des documents frauduleux en utilisant des timbres qu’ils n’auraient pas dû avoir en leur possession: des cachets de fournisseurs, de responsables du MoH (Ministère de la Santé) et de responsables régionaux des DRS (Directions régionales de la Santé). Ces tampons ont été retrouvés sur des documents présentés pour justifier des dépenses du programme. On compte parmi eux des soumissions de fournisseurs, des factures, des reçus, des dossiers pour des indemnités journalières, des confirmations d’arrivée et de départ sur des ordres de mission. Dans de nombreux cas, des documents portant ces cachets ont également été trouvés sur les disques durs des ordinateurs utilisés par des agents du PNLT, les Individus C et B. L’OIG est donc incapable de déterminer si les activités, services ou produits référencés sur ces documents ont jamais été livrés ou effectués. Toutefois, compte tenu que l’on ne dispose d’aucune autre preuve que les services aient été fournis, une conclusion raisonnable, au vu de l’utilisation de documents frauduleux et des circonstances, est qu’ils ne l’ont pas été.
Un témoin confidentiel a fourni à l’OIG avec des images de cachets possédés et utilisés par un fonctionnaire du PNLT, l’Individu C. Ce témoin a rapporté à l’OIG qu’un travailleur du PNLT, l’Individu H, avait enterré un sac de tampons appartenant à l’Individu C dans un champ à Bamako. Selon le témoin, l’individu H a déclaré que, pendant le cours de l’enquête de l’OIG, l’individu C lui avait ordonné de prendre sa collection de cachets dans son bureau et de les détruire, mais que, au lieu de faire cela, l’Individu H les avait enterrés dans un champ. La structure malienne en charge de l’enquête a récupéré les cachets, qui sont conservés à son niveau et l’OIG s’est procuré des spécimens encrés de tous les timbres découverts.
Le sac récupéré dans le champ contenait les tampons de 15 fournisseurs de Bamako et de 7 d’autres régions, de responsables de 9 DRS et de 3 responsables gouvernementaux nationaux, autres que du PNLT. Il n’y avait aucune raison légitime pour que le Coordonnateur adjoint du PNLT ait aucun de ces timbres en sa possession. On ignore si les tampons ont été dérobés à leurs propriétaires légitimes ou s’il s’agit de répliques (copies NDLR).
c) Utilisation des noms de fournisseurs réels pour de faux documents
Comme beaucoup de ces faux documents auraient dû être délivrés par des fournisseurs indépendants de biens et de services fournis au programme en échange de paiements, l’OIG a contacté directement les vendeurs supposés afin de confirmer leur authenticité. L’OIG a contacté les fournisseurs lorsque les pièces justificatives portant le nom de leur entreprise présentaient des indices de fraude tels qu’un formatage et des erreurs d’orthographe similaires dans les documents de différents fournisseurs ou lorsque les procédures d’appel d’offres étaient suspectes (par exemple, les trois mêmes fournisseurs toujours soumissionnaires l’un contre les autres, et toujours le même vendeur adjudicataire). Dans 114 cas, les personnes répondant aux coordonnées fournies sur les documents fournisseur (c’est à dire le numéro de téléphone, l’adresse ou l’adresse e-mail) ont confirmé que les documents n’étaient pas authentiques. Dans quelques cas, les fournisseurs ont admis la fabrication de fausses factures pour le programme, ou reconnu tout simplement avoir remis des factures vierges au personnel du programme. Comme les documents n’étaient pas en possession de ces fournisseurs, l’OIG est incapable de déterminer si les biens et services décrits dans les factures ont jamais été fournis dans le cadre de la mise en œuvre du programme. Le PR (Bénéficiaire principal, dans ce cas-ci le PNLT, NDLR)) n’a fourni aucune preuve qu’en effet ces biens et services ont été fournis. Par conséquent, et sur la base des preuves mentionnées ci-dessus, la conclusion peut être raisonnablement tirée qu’il est hautement probable qu’en effet ces biens et services n’aient pas été réels.
Certains vendeurs ont confirmé l’inauthenticité des factures ou des offres de plusieurs manières. Soit ils ont inspecté physiquement des offres ou des factures présentées par l’OIG et ont déclaré qu’ils ne reconnaissaient pas tout ou partie des pièces (c’est à dire le timbre, la signature, l’en-tête), soit ils ont rapporté à l’OIG qu’ils (i) qu’ils ne géraient pas l’entreprise dont le numéro de téléphone était sur le document, (ii) que leur entreprise ne fournissait pas les biens ou services figurant sur la facture ou l’offre, ou (iii) que leur entreprise avait été fermée avant que la facture ou l’offre ait été émise.
Cinquante-six commerçants (répertoriés dans la liste ci-dessous) ont attesté que les factures ou les offres qui leur ont été présentés n’étaient pas authentiques sur inspection physique. (24 fournisseurs ont identifié les offres qui les citaient comme des faux et 22 des fausses factures). L’OIG a sécurisé ses inspections soit en visitant les locaux du fournisseur et par la rencontre avec un individu qui se présentait lui-même en tant que gestionnaire, vendeur ou propriétaire, ou par l’envoi de emails avec des pièces jointes à l’adresse présente sur la facture ou l’offre de soumission du fournisseur.
Liste des fournisseurs qui ont confirmé lors de la vérification que les documents qui leur étaient attribués étaient inauthentiques: Aissata Naba Ouattara, Librairie Papeterie Mahamet Diaby, Ali Badra Dao, Librairie Papeterie Tounkara Souleymane et Frères, Bali Consult SARL/BC , Maiga Décor, B.E.P, Mamadou Sanogo, Bakary Berthé, Meguetan Tirage, Bittar Impression, Mohamed Moussa Camara, Boutique Articles Divers chez Brehima Diawara Dit Pathé, Moussa Keita, Cantine Dorée, Natcom Natou Communication, Cheickna Konare, Nefertiti Couture Bamako, Commerce General A Yessou, Omar Diarra, Commerce General Astou, Oumar Diaby, Décor Plus, Paperasse Service Sarl, Diarra Tosso, Papeterie de la Cité, Eckelmans, Pharmacie Officine Badji Soussoko, Electro Sud Mali, Plus Infini, Etablissement Kone & Frères, Salif Drame F. Commerce, Ets Egos Dicko, Seydou Diallo, Hotel Paris Liège, Sissoko Diawoye, Ibrahima Diabate, SM3, Impact Informatique, Société Nouvelle d’Assurance Vie, Imprimerie Adama Doumbia, Socodif Sarl, Imprimerie Papeterie Cheik Fanta Mady, Souleymane Diarra, Kanu Burotic, Splendid Hotel, Konate Broulaye, Station Total Camp Digue, Lassana Kante Dit Jumeau, Station Total Pont Richard, Le Démocrate Déchainé, Station Total Sam, Le Globe, U.N.I.T.E.L, Les Barons de la Capitale, Wassa Boutique Articles Divers.
Dans de nombreux cas, les vendeurs qui ont été contactés par l’OIG sont les mêmes fournisseurs dont les officiels du PNLT, Individu B et Individu C, ont utilisé les noms pour créer de faux documents sur leurs ordinateurs ou dont les timbres étaient dans la cachette de l’Individu C.
* Hôtel Splendid: un représentant de l’hôtel a confirmé que la facture datée du 10 mai 2008, pour un séjour de quatre jours de l’Individu B du PNLT, d’un montant de 464 Euros, était fausse. En effet, un cachet portant le nom de cet hôtel était dans la cachette de l’Individu C et des modèles de factures de l’hôtel ont été retrouvés sur les différents ordinateurs des Individus C et B.
* Les Barons de la Capitale: Le vendeur a confirmé que la facture N° 65 de 1 050 USD, pour un présumé sketch lors de la Journée mondiale de la tuberculose 2009 était fausse. Outre cette confirmation de la fraude par ce fournisseur, l’OIG a constaté que le timbre utilisé sur cette fausse facture, portant le nom de « Amadou Traoré, » se trouvait parmi les timbres découverts dans la cache de l’Individu C. Suite à la confirmation de cette fausse facture directement par le fournisseur légitime, l’OIG a identifié 5 fausses factures supplémentaires, totalisant 5 357 USD, portant le nom de ce vendeur, avec de faux tampons.
Des entreprises établies en dehors du Mali ont également corroboré la nature frauduleuse de documents dont les modèles étaient dans des ordinateurs du PNLT:
Ecklemans: Un gestionnaire à l’Agence Ecklemans Ixelles, basée à Bruxelles, en Belgique, a informé l’OIG qu’une facture datée du 22 Juillet 2009, pour 2 170,54 Euros, portant le nom de l’Individu B, était fausse. En effet, la même facture a été retrouvée sur l’ordinateur de l’Individu C, avec une image numérisée de ce qui semblait être une facture originale (qui inclut une barre bleue sur le côté gauche de la page) et une image de l’en-tête et du pied de page qui semblaient être copiés de l’original (et où une partie de la barre bleue n’existait plus que sur le pied de page).
A suivre
Le 22 Septembre 04/07/2011