Déjà très confuse à cause de la multiplicité des acteurs de gestion qui agissent souvent sans concertation préalables du non-respect des textes et de leur méconnaissance, la législation domaniale et foncière du Mali se complique avec la promulgation de la Loi n°001-P-RM du 10 janvier 2012 à cause des articles 42 quater et171 nouveaux.
Des modifications inadéquates
• Article 42 quater (nouveau) intitulé comme suit :
– Toute attribution du titre foncier dans le domaine public de l’Etat sans déclassement préalable constitue une voie de fait.
Observations :
a) Domaine Public et Immatriculation Foncière
Dans le passé, une large opinion rejetait l’immatriculation du domaine public. Pour les théoriciens de cette tendance, le régime de l’immatriculation ne concerne que le régime de la propriété foncière privée puisqu’elle a pour but de donner aux titulaires un titre certain qui leur permet de mobiliser leur propriété et de faciliter les transactions sur les immeubles, objet manifestement étranger à la domanialité publique. Selon les juristes, cette doctrine est à coup sûr la plus juridique. Oui l’immatriculation foncière a pour but de garantir comme on l’a dit aux titulaires les droits réels qu’ils possèdent sur les immeubles, or la notion de droits réels est difficilement conciliable avec la domanialité publique.
Cependant, actuellement, des raisons pratiques incitent à décider le contraire, la mobilisation des immeubles immatriculés n’étant pas le seul profit à tirer de l’immatriculation. Cette procédure offre en plus l’avantage d’asseoir les limites réelles de l’immeuble sur des bases définitives pour les soustraire de la convoitise des citoyens donc, pour mieux les protéger : ce qui revient à dire, qu’à ce jour plusieurs terrains du domaine public immobilier de l’Etat peuvent être immatriculés après classement.
Peuvent être concernés.
• Article 14 du Code Domanial et Foncier
1) les « biens » relevant du domaine public artificiel comme les sites des barrages, les sites occupés par les entreprises qui fournissent l’eau et l’électricité, les sites des gares et aéroports, les sites réservés aux divers équipements, marchés, terrains de sports, bibliothèque, écoles, places publiques, espaces verts, servitudes légales des rivières et fleuves, des routes et autoroutes etc.
2) Les « biens » relevant du domaine public naturel comme les sites culturels à l’image des mares sacrées, des sites protégés et autres.
b) Domaine public et attribution de droits d’occupation temporaire :
Après immatriculation survie de création d’un titre foncier ou sans immatriculation après une simple délimitation, des attributions de droits d’occupation peuvent être faites à des particuliers par Arrêté du Ministre chargé des domaines ou par Arrêté Interministériel le cas échéant.
Dans les deux cas, la mise en œuvre des Arrêtés est concrétisée par l’établissement d’acte sous forme de contrat de bail moyennant le paiement d’une redevance annuelle, hors le bail constitue une modalité d’attribution selon le code domanial et foncier.
Dans certains cas, les occupants du domaine public peuvent même, compte tenu de l’importance des investissements effectués, constituer des hypothèques sur leurs réalisations dans la limite accordée par le contrat d’occupation.
A notre entendement, l’attribution ne signifiant pas forcement aliénation du bien concerné, elle peut être faite sans déclassement préalable. C’est effectivement ce qui est édicté aux articles 11, 18 et 19 du Décret n° 02-111/P-RM du 06 mars 2002 déterminant les formes et les conditions de gestion des terrains des domaines publics immobiliers de l’Etat et des collectivités territoriales.
Cession des biens ou droits réels immobiliers relevant du domaine public :
A l’article 27 du code domanial et Foncier, la Loi a édicté ce qui suit :
– le domaine public immobilier est inaliénable, imprescriptible et insaisissable.
Pour nous, partant de cette disposition, toute vente portant sur un « bien » du domaine public est frappée de nullité absolue, la conséquence étant que la vente est considérée n’avoir pas été faite car portant sur un « bien » qui n’est pas vendable, ce bien étant hors du marché.
Est-il nécessaire de demander l’annulation d’une telle vente ?
Titre VI : de la propriété foncière
Concernant la procédure d’immatriculation foncière, le délai d’affichage des avis a été porté de 30 jours à 60 jours.
A notre avis dans la procédure d’immatriculation c’est l’inadaptation de celle-ci à nos réalités socio-culturelles qui est en cause au lieu du délai d’affichage dans une certaine mesure.
Il aurait été plus judicieux et productif d’introduire dans la procédure l’utilisation des moyens traditionnels d’information comme cela existe déjà en matière de reprise de terrains abandonnés au lieu d’allonger le délai de 30 jours supplémentaires, ce délai étant déjà jugé trop long par les institutions financières.
Pour le citoyen qui ne sait pas lire, ce qui est placardé devant son tribunal, sa mairie ou son cercle, les délais de 30 , 60 jours ou plus signifient peu de chose par rapport à l’enjeu du problème.
Ayons à l’esprit que la majorité de la population ne sait lire ni écrire.
• Article 170 bis nouveau :
Cet article n’est qu’une exception à la fameuse règle d’inattaquabilité du titre foncier. Il s’agit d’une des nombreuses insuffisances du Code Domanial et Foncier qui est corrigée. En disposant que le Conservateur peut après avis du chef de service du domaine procéder à l’annulation du titre qui empiète, celui n’est pas pour autant doté du pouvoir absolu d’annuler un titre. Pour sa sécurité dans certains cas, il doit se référer au tribunal compétent.
Article 171 nouveau :
Il constitue une source de conflits difficiles à trancher.
Il crée :
– chez le citoyen lambda une confusion totale voire une déception ;
– chez les initiés du foncier, les riches, les fraudeurs une aubaine, une voie leur ayant été ouverte pour l’accaparement des terrains en situation transitoire.
Il faut savoir que la Lettre d’Attribution, le Permis d’Occuper, le Permis d’Habiter qui sont des actes administratifs confèrent titre provisoire et non précaire (car ayant un statut évolutif) Ils ont été des modes d’attribution légaux de l’Etat du Mali à travers ses démembrements décentralisés que sont les collectivités territoriales.
Depuis le 06 mars 2002 les titres provisoires ci-dessus cités ont disparu pour avoir été remplacés par les concessions urbaines ou rurales à usage d’habitation Décret n°02-112-P-RM déterminant les formes et conditions d’attribution des terrains du domaine privé des collectivités territoriales. Elles sont uniquement délivrées par les Maires sur des terrains cédés ou affectés à la commune.
Les lois foncières n’étant pas rétroactives sauf dispositions contraires, il revient à dire que les titres provisoires délivrés avant 2002 dont les bénéficiaires ont satisfait aux conditions fixées par les différents cahiers des charges restent des titres valides inattaquables par les parties comme par les tiers.
Par ailleurs il faut préciser qu’en dehors des concessions rurales accordées par décision de l’Administration Territoriale et les baux avec promesse de vente après mise en valeur, aucun détenteur de titre provisoire n’est contraint par la Loi à transformer ledit titre en titre foncier. Autrement dit pour le moment ces titres ne peuvent être mis en cause surtout qu’ils sont délivrés sur l’écrasante majorité des terrains à usage d’habitation au Mali, les titres fonciers dans leur ensemble étant une infime minorité.
Si l’article 171 nouveau est appliqué, il en découlera des conséquences préjudiciables pour de paisibles citoyens : car ce serait, donner la possibilité à certains de faire établir des titres fonciers en catimini, frauduleusement ou non sur des terrains déjà attribués sous forme de titres provisoires dont les détenteurs ont satisfait les conditions des cahiers des charges.
Une Loi ne peut donner la possibilité à un individu de faire établir un titre foncier sur un terrain sur lequel est délivré un titre provisoire non repris et débouter l’attributaire en cas de non réclamation dans le délai de cinq ans après les faits.
Ne conférons pas au titre foncier la force qu’il n’a pas, car ce serait le contraire du but recherché par l’immatriculation foncière qui est :
– d’établir un statut immobilier qui ait pour effet que celui achète soit certain d’être propriétaire et que celui qui prête soit sûre d’être remboursé. Pour cela, le titre doit être correctement établi, la situation antérieure du terrain purgée entièrement pour qu’il jouisse de l’intangibilité juridique et matérielle à défaut, le titre est annulé :
– s’il est irrégulièrement constitué ;
– s’il y a eu une erreur de bornage ou de localisation ;
– s’il est établi sur titre déjà cédé ;
– si ce titre est créé sur un terrain dont le « propriétaire » détient un titre provisoire non mis en cause par l’autorité concédante, la vente portant sur ce titre au profit d’un autre est annulée par l’autorité judiciaire compétente pour cause d’empiètement.
Mr Moussa COULIBALY
Inspecteur des Services Economiques, ancien directeur régional des domaines de Mopti
Tél: 66 71 66 08 à Niamakoro, Bamako
L’ Indicateur Du Renouveau 2013-09-09 12:37:09