Selon notre confrère le Prétoire dans sa parution du lundi, « rien que pour les douze (12) premiers mois de son accession au palais de Koulouba, Ibrahim Boubacar Kéita a effectué vingt huit (28) voyages officiels et privés hors du Mali ». C’est du jamais vu, « un record », ajoute le journal. « À long terme, les voyages incessants du président de la République occasionnent un accroissement de la dette de l’Etat malien. A court terme, nous devons payer pour les voyages du chef de l’Etat : kérosène, parking avion, perdiems de la cour qui l’accompagne pour en moyenne 3 jours par mission, frais d’hôtel et de déplacements, dépenses de courtoisie… », écrit le Prétoire. Rien qu’à voir la délégation pléthorique qui l’accompagne généralement, impliquant famille, amis et belle famille, les Maliens sont agacés par les nombreux voyages du président. 28 voyages en 12 mois d’exercice du pouvoir, soit une moyenne de 2,33 voyages par mois. Avec des déplacements durant en moyenne 3 jours, IBK est donc en voyage pendant 7 jours dans le mois (2,33 x 3 jours). Ce qui induit qu’il est à son bureau 23 jours dans le mois (30 jours – 7 jours de vadrouille = 23 jours de travail).
Si les calculs de notre confrère Le Prétoire sont justes, c’est au minimum 7 milliards de Fcfa par mois (1 milliard x 7 voyages par mois) que l’Etat malien débourse pour aller chercher des investisseurs, qui pour leur part attendent que la sécurité revienne au Mali pour s’engager. « La conséquence à moyen terme est que nous n’avons pas d’investissement, sauf sur les grands discours de nos autorités qui nous assurent que l’Etat travaille pour nous. Par contre, nous avons bien de la croissance, mais elle ne concerne que la dette publique, le chômage, la pauvreté et l’insécurité. Conclusion : en réduisant ses voyages, Ibrahim Boubacar Kéita pourrait consacrer une partie de ce milliard mensuel à la restructuration du secteur de la sécurité », écrit le journal.
Globe-trotter mania
Le président IBK accorde peu de temps à la résolution des problèmes des Maliens. Il préfère passer le plus clair de son temps dans son avion. Il faut réduire ce niveau de vie, et puis serrer un peu la ceinture d’un certain nombre de dépenses de l’Etat, financer la sécurité, qui est à la base de tout. Ses voyages endettent le pays et compromettent l’avenir des générations futures.
Ces activités de globe-trotter engendrent une gabegie sans nom pour un « pays pauvre très endetté » comme le Mali, poursuit le confrère.
Le pays à l’abandon
Pendant ce temps, le président IBK a effectué très peu de voyage à l’intérieur de son pays dont les populations confrontées à des difficultés de toutes sortes, ne ratent plus d’occasion pour exprimer leur sentiment d’abandon. Aussi bien dans les régions du nord que du sud ou au centre du Mali. Les Maliens peuvent se rappeler que son voyage à Ségou remonte à l’unique fois qu’il a accompagné à Ségou, son homologue du Burkina Faso, Blaise Compaoré qui s’est rendu dans la zone office du Niger, où vivent 35 000 de ses compatriotes. Le président malien s’est rendu une fois dans la région de Mopti. Deux fois à Gao, toujours contraint d’y aller parce que dans un contexte de catastrophe : la première visite à Gao en juillet 2014, a été occasionnée par le crash en territoire malien (dans la nuit du mercredi 23 au jeudi 24 juillet) du vol AH 5017 de Air Algérie, qui assurait la liaison Ouagadougou-Alger. Le président de la république qui n’a pas dépassé l’aéroport de Gao, s’était excusé auprès de la population de Gao pour son « voyage très rapide », qui ne lui a pas permis d’être en contact avec elle.
Le vendredi 25 juillet 2014, alors que le Président du Faso, Blaise Compaoré se rendait sur les lieux du crash du MD 83 de la compagnie aérienne Air Algérie en territoire malien, entre les mares Boulikessi et Teberemte, dans le Ghourma malien (région de Tombouctou), les Maliens ont essuyé le camouflet de voir Blaise à Boulikessi et le président IBK à Gao. Six mois après, IBK est revenu à Gao le jeudi 29 janvier 2015, après les affrontements entre la population de Gao et la Minusma, occasionnant trois morts et une vingtaine de blessés. Le président était venu en compagnie d’Arnauld Akodjènou, Représentant Spécial Adjoint du Secrétaire-général des Nations-Unies, Abdoulaye Idrissa Maiga, Ministre en charge de l’administration territoriale et de la décentralisation, et du Général Sada Samaké, Ministre de la sécurité et de la protection civile.
Refus de rendre compte
A Sikasso, Kayes, Koulikoro et Tombouctou, IBK se fait désirer par ses compatriotes.
Un ancien Ambassadeur du Mali, Souleymane Koné note, « Le sentiment d’abandon chez une partie des populations va en grandissant, le Président Ibrahim Boubacar Kéita a quitté Bamako le 20 janvier 2015, date symbole pour notre armée s’il en fut, pour une marche de soutien à la liberté d’expression en France, dit-on. Le 26 Janvier, on tire sur un Officier Général en plein Bamako; le 27 janvier, la ville de Gao s’enflamme au cours d’une marche de protestation: le président, imperturbable continue son séjour à l’extérieur. Celui qui a publiquement dit qu’il n’a pas peur d’affronter le peuple malien confirme son optique de ne jamais rendre compte.
Ce qui est caractéristique de la présidence actuelle, c’est aussi son incapacité à la compassion avec les Maliens quand ils sont victimes de la nature ou des groupes armés et terroristes. Par exemple, à peine élu, il y eut des inondations à Bamako. Devant ce sinistre, le président a préféré faire le tour des chefs d’Etat qui ont financé sa campagne que de rendre visite aux sinistrés. Des voix s’étaient élevées à l’époque pour attirer son attention: ce fut peine perdue.
Il y eut les noyades de Mopti avec plus de 80 victimes, les incendies des marchés de Bamako. Le mouvement informel «Je suis Nampala» lui reproche les mêmes faits: depuis les attaques de Nampala, Djoura et Tenenkou, Douékéré, Goundam etc., le président n’a pas pu compatir à la douleur et à la détresse de ses compatriotes ».
B. Daou
Source: Le Républicain-Mali 2015-02-11 17:40:01