L’histoire des 27 milliards de FCFA, attribués à Soumaïla Cissé par un journal sénégalais, ‘’l’Observateur’’, un fonds ‘’assimilé’’ au financement de l’Afd à l’UEMOA pour la réalisation de forages, s’estomperait vite avec le démenti de l’intéressé, si Mme Fily Bouaré n’avait pas mis au défi l’ancien président de la Commission de l’UEMOA pour d’avantage d’explication. L’hebdomadaire malien, ‘Les Secrets bancaires’’ dévoile les faces cachées d’une sombre affaire politique de diversion, présentée sous un emballage financier. Tout sur l’affaire…
Publié à Dakar par L’Observateur du 30 et 1er mai, l’information a d’abord suscité interrogation au Mali : Soumaïla Cissé, plusieurs fois ministre au Mali, ancien président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africain (UEMOA), deux fois candidat malheureux au deuxième tour de l’élection présidentielle en 2002 contre le candidat Amadou Toumani Toué et en 2013, contre le candidat Ibrahim Boubacar Kéita, et actuellement chef de file de l’opposition, a-t-il tout ce montant ? Ceux qui répondent par la négative trouvent que le journal exagère. Mais les autres s’interrogent et veulent savoir à quoi cette information revient, car il ne s’agit point de fleurs jetées en direction du Mali dont un citoyen et de surcroit un présidentiable ayant fait ses preuves, se trouve en cause.
Une histoire de 27 milliards
Il s’agit d’un faisceau d’incriminations allumé par un article de notre confrère sénégalais ‘’L’Observateur’’ et abondamment repris dans la presse sénégalaise et malienne : « Financement des forages de l’Afd à Dakar : La France bloque 27 milliards de Soumaila Cissé » (L’Observateur du 30 avril et 1er mai 2016). Pour le journal, il s’agit d’un rebondissement dans l’affaire : «Du nouveau dans l’enquête sur le financement de 300 forages de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), par l’Agence française de développement (Afd) d’un coût de 2,5 milliards de FCfa. L’Afd, qui a réceptionné l’audit de ce marché, bloque un transfert, de la Bceao vers Ecobank, de 27 milliards de FCfa de l’opposant malien, Soumaila Cissé, à l’époque président de la commission de l’Uemoa et gestionnaire de l’argent des marchés de l’Afd ».
Le journal parle d’une manne financière qui devait quitter les caisses de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) pour être logée dans les coffres de Ecobank. Présentement, sur opposition de la France, l’argent est bloqué à la Bceao. Surtout que l’acte de Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition malienne, est intervenu au moment où, l’Agence française de développement (Afd) réceptionnait l’audit qu’elle avait commandité sur l’argent de financement des forages pour les pays de l’Union. Et les grandes lignes de l’audit révèlent que plusieurs puits n’ont pas vu le jour dans certains pays membres de l’Uemoa. C’est le cas du Sénégal où 2,5 milliards de FCfa ont été décaissés pour la réalisation de 300 forages. Bizarrement, plusieurs infrastructures n’ont pas vu le jour et d’autres jugées fictives, a écrit le journal sénégalais.
Le programme de réalisation de 300 forages a été confié à l’Agence d’exécution des travaux d’intérêts publics (Agetip), mais il y a des zones d’ombre dans la réalisation des infrastructures. Les uns avancent que les forages ont été réalisés à moitié, les autres soutiennent que la plupart sont fictifs, poursuit notre L’Observateur. Par conséquent, le président de la Commission de l’Uemoa, Cheikh Hadjibou Soumaré, avait donné mandat à la Cour des comptes de l’Union, en octobre 2013, pour qu’elle vienne enquêter à Dakar sur le financement des 300 forages. La Cour des comptes qui a une mission de contrôle de la gestion financière des Organes de l’Uemoa, avait lancé un appel d’offres pour le recrutement d’un ingénieur hydrogéologue ou hydraulicien, pour mener à bien l’enquête, selon le journal.
L’Obs mentionnait, dans son édition n°2907 du vendredi 31 mai 2013, que l’Agence française de développement (Afd) a mis à la disposition de l’Union, une subvention d’un montant de soixante millions (60 000 000) d’euros (environ 40 milliards de FCfa) en vue de financer des projets du Fonds d’aide à l’intégration régionale (Fair) et du Programme économique régional (Per) réalisables à partir de 2007, dont le «Programme d’hydraulique villageoise du Sénégal», bénéficiant d’un financement s’élevant à 2 593 479 000 FCfa. Par convention de Maîtrise d’ouvrage déléguée en date du 25 janvier 2008, approuvée par le ministre des Finances du Sénégal, la République du Sénégal et l’Uemoa ont convenu de recourir aux services de l’Agence d’exécution des travaux d’intérêts publics (Agetip), désignée comme Maître d’ouvrage déléguée pour la réalisation de 300 forages positifs équipés de pompes manuelles à motricité humaine dans les régions de Tambacounda, Matam et Kédougou. L’Observateur qui revient sur cette information, retrace les grandes lignes de l’audit, lesquelles révèlent que plusieurs puits n’ont pas vu le jour dans certains pays membres de l’Uemoa, ajoute le journal.
Le RPM, parti au pouvoir interpelle Soumaïla Cissé
Dans un communiqué de presse du lundi 2 mai, le Bureau politique national du Rassemblement pour le Mali, (BPN-RPM), sous la plume du Secrétaire Général, Dr Bokary Treta, a appris, par la presse régionale et internationale, « avec une grande interrogation, les grandes lignes d’un rapport d’audit qui insiste sur la gestion opaque d’un pactole de 27 milliards de FCFA, destiné à la réalisation de forages, au moment où notre compatriote Soumaila CISSE, aujourd’hui chef de file de l’opposition politique, présidait aux destinées de l’institution communautaire ». Le RPM a pris acte de « la gravité des informations rendues publiques qui sont loin de constituer un motif de fierté pour notre pays ».
Ainsi, le pari majoritaire à travers son Bureau politique national, a interpellé Soumaila CISSE à s’expliquer sur cette gestion, notamment en ce qui concerne, « l’objet du transfert de 27 milliards de F CFA de la BCEAO vers ECOBANK ; le caractère fictif des forages, à l’origine de la saisine de la Cour des comptes de l’UEMOA ».
L’URD, le parti de l’opposant se défend
L’Union pour la République et la Démocratie (URD), le parti présidé par l’ancien président de l’UEMOA, réagit le même lundi 2 mai, et promet plus d’explications lorsque le président Soumaïla Cissé, parlementaire panafricain en mission à Johannesburg sera de retour à Bamako. Dans ce communiqué signé par le secrétaire à la communication, Me Demba Traoré, l’URD indique avoir pris connaissance comme tout le monde, « des accusations mensongères d’un journal sénégalais, « l’Observateur », de détournement de plusieurs milliards qu’il aurait caché à la BCEAO en vue d’un transfert vers ECOBANK. Le Président n’est point surpris car depuis 2012 ce journal essaye de ternir son image en vain », se défend le parti du chef de file de l’opposition.
Enquêtes : Soumaïla victime d’amalgame ?
Dans sa parution du vendredi 6 mai 2016, le quotidien malien ‘’Le Républicain’’ dévoile ses enquêtes auprès des institutions dont les noms sont mêlés à cette histoire de présumé transfert de fonds entre la BCEAO et l’Ecobank, et de financement à l’UEMOA, de forages par l’Afd. A la Bceao aussi bien qu’au niveau d’Ecobank, nulle confirmation de l’opération, ou de la tentative avortée d’un transfert.
De son côté, notre confrère ‘’Le 22 Septembre’’ a publié une réaction du Directeur national de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Konzo Traoré : « j’ai lu sur Internet cette affaire. Je continue de m’interroger, d’où vient cette information? Ce qui est sûr, ce que la BCEAO Mali n’est pas au courant de cette opération bancaire. Nous n’avons aucune information de nos structures sur une telle opération», rapporte Le 22 Septembre.
Au niveau d’Ecobank et auprès de l’Association des professionnels de banques et établissements financiers (l’APBEF), charge ‘’Le Républicain’’, c’est le silence radio sur cette histoire de présumé transfert.
Par ailleurs, des sources françaises préfèrent ne pas s’en mêler et veulent rester en dehors de ce débat. « Les histoires d’accusation de Soumaïla Cissé dans la presse ne nous regardent pas. Ça n’a visiblement strictement aucun rapport avec ce que peut être la réalité d’un financement à l’UEMOA pour un programme de forages qui date de 2013. Et n’en parlons pas du coût, de ces angles de grandeur de 27 milliards de FCFA. Nous, on ne sait même pas du tout, à quoi ça correspond », s’étonnent des sources proches du milieu français, ayant requis l’anonymat. Qualifiant la situation d’ « amalgame », nos sources indiquent qu’ « il n’y a aucun rapport avec le financement dont on parle, de forages à l’échelle régionale. Ce financement a été clôturé d’ailleurs en 2013 et reconverti, et le reliquat des fonds ont été utilisés pour autre chose », édifient nos sources. Ni du point de vue de l’Afd, ni de la BCEAO, ni d’Ecobank, il n’y a eu d’incrimination, fait-on remarquer. « Le lien qui est fait visiblement avec Soumaïla Cissé à titre personnel, ne correspond absolument à rien en termes de transfert de fond public français, qu’il passe par l’Afd ou non », indiquent nos sources. Il y a déjà eu un papier en 2011 ou 2012, au Sénégal, qui attaquait Soumaïla Cissé, rappellent certains de nos interlocuteurs. A voire de près ces éléments d’enquêtes, il y a lieu de douter fortement, la machination politique derrière cette histoire de 27 milliards de Soumaïla Cissé.
Le démenti de Soumaïla Cissé
Comme on pouvait s’y attendre, le député malien et Parlementaire panafricain, Soumaïla Cissé, Ancien Président de la Commission de l’UEMOA, a démenti depuis Johannesburg, en adressant un doit de réponse au journal, suite à l’article paru dans L’Observateur n° 3781 «du Sam 30 avril & 01 mai 2016 », dans lequel on pouvait lire: « La France vient de bloquer un transfert de 27 milliards FCFA appartenant à l’ex président de la Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Soumaila CISSE. Une manne financière qui devait quitter les caisses de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour être logée dans les coffres de ECOBANK… » Dans son droit de réponse au journal, Soumaïla Cissé apporte contre ce qu’il qualifie de « cabale savamment orchestrée », le « DÉMENTI le plus FORMEL et sans ÉQUIVOQUE à ces ALLÉGATIONS. D’abord, je n’ai jamais possédé une telle somme et, si par bonheur, vous trouvez cette somme en mon nom, dans n’importe quelle banque de l’Union ou de la planète, je m’engage à vous en faire cadeau… Ensuite, sachez que les procédures de l’Union n’autorisent pas un citoyen à donner des ordres de virement à notre institut d’émission qu’est la BCEAO. Enfin, je n’ai jamais ouvert un compte dans les livres de ECOBANK, et ce, dans aucun des pays où ECOBANK a une agence. JE N’AI DONC JAMAIS EU DE COMPTE À ECOBANK », a précisé Soumaïla Cissé.
L’ancien président de l’UEMOA indique que « le programme du Fonds d’Appui à l’Intégration Africaine prévoyait 8000 forages au total sur lesquels 3000 ont été réalisés sous ma présidence: 450 au Niger, 450 au Mali, 400 au Burkina, 400 au Togo, 400 au Benin, 300 en Côte d’Ivoire, 300 au Sénégal, 300 en Guinée Bissau. Les villages bénéficiaires ont tous été proposés par les ministres chargés de l’hydraulique des différents pays. Les agences (Agetip, Agetur ou Agetiers…) ont été les maîtres d’ouvrages délégués et ont reçu les financements sur la base de conventions signées entre l’UEMOA, le Ministre des Finances, le Ministre chargé de l’Hydraulique et l’Agence. A ce jour, aucun Etat de l’UEMOA, à ma connaissance, n’a signalé des forages fictifs ni à travers les Ministres des finances ni à travers les Ministres chargés de l’hydraulique », souligne Soumaïla Cissé.
En tout état de cause, je vous prie de noter que le Conseil des Ministres de l’UEMOA qui s’était réuni le 30 mars 2015, à Dakar, sous la présidence de Monsieur Gilles BAILLET, Ministre des Finances Niger, a écrit dans son rapport final je cite: « …Le Conseil des Ministres a également examiné l’état de mise en œuvre, a la date du 31 décembre 2014, des observations et injonctions formulées par la Cour des Comptes de l’UEMOA, dans le cadre du contrôle des comptes des Organes, au titre des exercices 2008,2009 et 2010. A ce titre, il a donné décharges de gestion à l’Ordonnateur principal du budget de l’UNION (que j’étais) et au comptable principal des organes de L’UNION… » Le Conseil des Ministres de l’UEMOA qui s’était ensuite réuni le 2 juillet 2015, à Bissau, sous la présidence de Monsieur Saïdou SIDIBE, Ministre des Finances du Niger, a écrit, entre autres, concernant la gestion de la Commission de l’UEMOA: « …. Le Conseil des Ministres a donné décharges de gestion aux ordonnateurs principaux (nous étions, mon successeur et moi, puisque j’ai quitté l’UEMOA avant la fin de l’année 2011) et aux comptables principaux pour leurs gestions respectives au titre des exercices 2011 et 2013… », ajoute Soumaïla Cissé. Ces rapports sont sanctionnés par des décisions et des règlements publiés au Bulletin Officiel de l’Union. Soumaïla Cissé note d’autres documents disponibles, comme :
• le Règlement n• 011/2011/CM/UEMOA DU 16 Décembre 2011 signé par le Président du Conseil des Ministres, Monsieur JOSE MARIO VAZ de Guinée BISSAU
• Le Règlement n• 11/2013/CN/UEMOA du 26 septembre 2013 signé par la Présidente du Conseil des Ministres, Madame BOUARE FILY SISSOKO du Mali qui stipulent à l’article 1: « sont approuvés le compte administratif et le compte de gestion des organes de l’UEMOA de l’exercice 2010 (pour l’un) et 2011 (pour l’autre).
• La Décision n• 04/2015/CM/UEMOA DU 30 mars 2015 signé par le Président du Conseil des Ministres Gilles BAILLET du Niger.
• La Décision n• 10/2015/CM/ /UEMOA du 2 juillet 2015 signé par le Président du Conseil des Ministres, Monsieur Saïdou SIDIBE du Niger, qui stipule à l’article 1 : « Décharge est donnée à Monsieur Soumaila CISSE, Ordonnateur principal du budget de l’UNION, au titre de l’exercice 2010 (pour la première décision) et exercice 2011 pour sa gestion du1er janvier 2011 au 29 novembre 2011 (pour la seconde).
Ces Rapports, Règlements et Décisions sont tous disponibles dans les ministères des finances des 8 pays de l’UEMOA, à la BCEAO, à la BOAD et à la Commission de l’UEMOA. Il poursuit : « Le Conseil des Ministres se réunit tous les 3 mois et comprend 2 ministres par pays dont le ministre des Finances ainsi que le Gouverneur de la BCEAO, le Président de la BOAD, le Président du CREPMF et bien sûr le Président de la Commission de l’UEMOA. J’ai été membre du Conseil des Ministres pendant plus de 15 ans et j’ai eu la responsabilité d’en être le tout premier président : c’était au tout début en 1994 et en 1995. A moins de remettre en cause la crédibilité des membres des différents Conseils des Ministres de 2004 à 2015, ma gestion de la Commission de l’UEMOA a été jugée SATISFAISANTE de janvier 2004 à novembre 2011, par l’organe habilité à en connaître: le Conseil des Ministres », souligne Soumaïla Cissé.
Cependant la solidité de ces arguments et donc la fiabilité du démenti de Soumaïla Cissé ont été remises en cause par Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne Présidente du Conseil des Ministres, et ancienne ministre des Finances du Mali sous IBK. Selon elle « l’approbation du Compte administratif ne constitue pas un quitus pour la gestion de l’Ordonnateur; loin s’en faut ».Elle engage ses vérités contre celles de Soumaïla Cissé (lire notre article en P6). Affaire à suivre…
Sidiki Dembélé
Source: Les Secrets Bancaire 09/05/2016