Dans le cadre de sa présence au Conseil de Sécurité de l’ONU pour la période 2015 – 2016, le Royaume d’Espagne a fait de la Résolution 1325 (adoptée en 2000) l’une de ses priorités en matière de politique étrangère. Cette Résolution sur les femmes, la paix et la sécurité a fait l’objet d’un débat ouvert organisé par l’Ambassade d’Espagne au Mali, le mardi 6 septembre 2016 dans l’amphithéâtre de l’Ecole de Maintien de la Paix (EMP) Alioune Blondin Bèye, pour mettre un accent particulier sur la contribution des Maliennes à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
Car de nombreux défis restent à relever pour la participation des femmes du Mali à ce processus, dans l’élaboration duquel elles n’ont été que fort peu impliquées d’ailleurs. Pourtant, quasiment toujours au cœur des conflits, dont elles sont souvent les premières victimes, les Maliennes ne sauraient être mises à l’écart de la recherche de solution pour une sortie durable de la crise, à laquelle elles ont payé un très lourd tribu.
Le panel qui a introduit le débat comptait des spécialistes de la question, comme Mme Mbaranga Gasarabwe, Représentante Spéciale adjointe du Secrétaire Général de l’ONU, SE le Président Pierre Buyoya, Haut représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel, Mohamed Attaher Maiga, Secrétaire général du ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Me Saran Keita Diakité, Présidente du Réseau Paix et Sécurité des Femmes de l’Espace CEDEAO (REPSFECO), Ibrahim Boncana, co-Président du sous-comité chargé de la Réconciliation, de la Justice et des Questions Humanitaires du bureau du Haut Représentant de la CEDEAO au Mali, et Maxime Houinato, Représentant Résident d’ONUFEMMES dans notre pays.
«La femme est incontournable dans le processus de paix», dira le Ségal Mohamed Attaher Maiga, ajoutant que «l’égalité d’accès et la pleine participation des femmes aux structures de pouvoir, ainsi que leur contribution à tous les efforts déployés pour prévenir et régler les conflits, sont indispensables au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité humaine à l’échelle nationale».
M. Maiga rappellera le cadre de mise en œuvre de la Résolution 1325 au Mali et les engagements de notre pays en la matière, détaillant les nombreux Plans d’Actions mis en œuvre par son département. «Le Plan d’actions national (PAN) du Mali pour la mise en œuvre de la Résolution 1325, 2ème du genre et qui couvre la période 2015 – 2017 a pour objectif global de Promouvoir la participation des femmes dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali».
Le Ségal du MPFEF déclarera également «ce Plan préconise de faire participer les femmes à l’établissement de la paix, de mieux les protéger contre les violations de leurs droits fondamentaux et de leur donner accès à la justice et aux services de lutte contre la discrimination», avant d’ajouter «il s’articule autour de 5 axes prioritaires: la prévention des conflits et des violences basées sur le Genre (VBG) liées aux conflits armés; la protection et la réhabilitation des survivants(es); la participation et la représentation; la promotion du Genre et de l’autonomisation des femmes et la coordination et le suivi-évaluation des activités».
Mohamed Attaher Maiga identifiera les domaines thématiques concernant la femme malienne dans l’Accord, comme en atteste une étude, soit «la protection des droits fondamentaux des femmes; la participation des femmes à la vie publique; l’autonomisation économique des femmes et la protection sociale et humanitaire des femmes et des filles en général, des femmes et des filles victimes en particulier».
En conclusion, le Ségal du MPFEF citera les nombreux défis qui freinent l’action de son département dans l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixés. Il s’agit principalement, pour la mise en œuvre effective du Plan d’Action pour le Résolution 1325 et plus d’un an après la signature de l’Accord, de «la promotion des initiatives des femmes et de leur représentativité dans les instances décisionnelles, restée presque à son stade initial de promesses et de bonnes intentions car très peu de réalisations ont été faites, notamment dans les organes de gestion de l’Accord; la lenteur des décisions de justice sur les cas de VBG commis pendant la crise et la mobilisation des ressources pour la mise en œuvre du PAN 1325».
Pour Mme Mbaranga Gasarabwe, Représentante Spéciale adjointe du Secrétaire Général de l’ONU et en charge des questions humanitaires à la MINUSMA, même si elles ont souvent été des victimes, les femmes maliennes se sont toujours battues et continuent à se battre. «Il faut les mettre au cœur des actions en menant le plaidoyer pour les y insérer», dira-t-elle, promettant que la MINUSMA prendrait toute sa part dans ce combat.
Me Mme Saran Keita Diakité, Présidente du Réseau Paix et Sécurité des Femmes de l’Espace CEDEAO, commencera son analyse par un rappel des conséquences néfastes de la crise de 2013 dans notre pays. «Dans les régions de Mopti, Tombouctou, Gaao, Kidal, Ménaka et Taoudénit, il y a eu des déplacements massifs et des violences physiques, sexuelles, psychologiques, économiques et culturelles. Près de 300 000 personnes, dont 75% sont des femmes et des enfants, ont fui les régions du Nord et du Centre vers le Sud et les pays voisins, devenant ainsi des déplacés et des réfugiés.
Ces femmes et ces enfants vivent aujourd’hui dans la précarité extrême, une grande partie d’entre-deux ayant perdu toute leur autonomie et leur fierté». La Présidente du REPSFECO, ajoutera que «parmi les populations restées dans les zones occupées, il a été recensé plus de 300 cas de viols (parfois collectifs) et 200 d’entre eux concernant des femmes et des filles âgées de 9 à 60 ans ont été documentés. N’oublions pas non plus les mariages forcés, les mariages collectifs et l’esclavage sexuel», a-t-elle martelé.
Après avoir rappelé les initiatives prises par les femmes du Mali pour le retour à l’ordre constitutionnel après le coup d’Etat, contre l’occupation d’une partie de notre pays et aujourd’hui pour la promotion de la paix et de la réconciliation, à travers de nombreuses actions de sensibilisation, de plaidoyer e d dissémination du contenu de l’Accord, Me Saran Kéita Diakité déplorera que «nonobstant les acquis engendrés, la participation des femmes au processus n’est toujours pas à hauteur de souhait, eut égard aux défis, opportunités et enjeux».
En effet, les chiffres sont plus que parlants, avec 8 femmes ministres sur 34 portefeuilles, 14 Honorables Dames sur 147, 8 Maires sur 703 et seulement 6 femmes sur 25 membres pour la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, notera Me Kéita Diakité, qui conclura que « la participation de la femme dans la prévention et la gestion des conflits est une exigence démocratique et un gage de stabilité nationale, car, comme le dit l’adage, on ne peut raser la tête de quelqu’un en son absence»
Pierre Buyoya, Haut représentant spécial de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel prônera lui aussi une meilleure représentativité des Maliennes au niveau des mécanismes de décision, témoignant de l’absence de femmes lors des pourparlers inter-maliens d’Alger et dans les organes de mise en œuvre de l’Accord. «Les femmes ne sont pas représentées de façon équitable. Il y a des efforts à faire pour y remédier» plaidera-t-il.
Ibrahim Boncana du bureau du Haut représentant de la CEDEAO s’interrogera: « est ce une volonté manifeste ou un mépris? Le constat est amer. Contrairement aux dispositions de l’Accord, au niveau du Comité de Suivi il n’y a aucune femme». Il revenait ensuite au Représentant Résident d’ONUFEMMES au Mali, Maixime Houinato, de faire une brève synthèse des présentations des panélistes avant que le débat proprement dit ne soit ouvert.
Il a suscité beaucoup de participation et nombre de cris du cœur des femmes leaders représentant la CAFO, le Réseau pour la Paix, la FENACOF, WILDAF, le Groupe Pivot Droit et Citoyenneté des Femmes et les Jeunes Femmes Leaders, qui ont toutes souhaité que se manifeste au plus haut niveau décisionnel la volonté d’une inversion de la tendance et demandé aux partenaires du Mali présents d’œuvrer à cela.
L’Ambassadeur du Royaume d’Espagne au Mali, SE José Maria Matre Manso, dans son allocution de clôture du débat ouvert, a magnifié le rôle remarquable des Maliennes dans leur société, martelant qu’elles étaient à féliciter car elles sont de tous les combats et souhaitant qu’on leur accorde la place qui est la leur dans le processus de développement de notre pays.
Ramata Diaouré