Telle mère telle fille ? Ayant certainement contracté le virus révolutionnaire en tétant le sein, Awa Méïté est sur les traces de « Maman » dans sa volonté de changer le monde et de cultiver la philosophie du self reliance (compter d’abord sur soi-même) chez les Maliens et les Africains d’une manière générale. Elle n’a pas hésité à écourter ses études en sociologie aux Etats Unis pour regagner le Mali. Afin, dit-elle, de « se mettre au service de son pays ».
Heureusement, elle avait déjà en main le Bachelor, autrement dit la Licence. Pour se rendre utile au pays, elle a vite fait d’opter pour la transformation locale du coton malien. Une initiative plutôt heureuse si l’on sait que le Mali, qui figure dans le peloton de tête dans la production du coton en Afrique, arrive à transformer à peine 2% de son or blanc. Pour ce faire, elle intégra les femmes de l’atelier de Missira dans son équipe qui comprend, entre autres, des tisserands, des tailleurs, des cordonniers et des teinturières.
Elle les installa sur une dizaine de métiers modernes à tisser dans le Centre Amadou Hampâté Bah pour le développement durable créé par sa mère Aminata Dramane Traoré, une Bobo Fing bien friande de haricots. L’atelier est spécialisé dans la confection d’habits pour femmes et pour hommes, de sacs, d’accessoires de mode et de bijoux. L’indigo Dogon et le Bogolan sont loin d’être oubliés. A côté du coton, l’atelier fait également du cuir, à l’image des jupes en cuir.
L’atelier est tout aussi spécialisé dans la transformation du plastique qui est recyclé avec du coton avec, au bout de la chaîne, des sacs haut de gamme qui n’ont rien à envier avec les sacs Loui Vuitton. Y-a-t-il une clientèle pour cette catégorie de sacs au Mali ? Oui, répond Awa Méïté, sans hésiter en citant, par exemple, les femmes qui travaillent dans les banques de la place. Celles-ci n’hésitent pas à économiser suffisamment pour s’offrir « leurs envies ».
Au lieu de faire le déplacement de Paris pour s’acheter du Loui Vuitton, les banquières d’Ecobank, par exemple, pourront économiser les frais de transport, aider ainsi leurs maris avec l’argent économisé, en achetant sur place les sacs « made in Mali » de l’atelier du Centre Amadou Hampâté Bah vendus dans les magasins du « Santoro » auquel les productions du Centre sont intégrées.
Quelle quantité de coton l’atelier transforme-t-il par an ? Si Awa Méïté avoue ne pas pouvoir donner un chiffre précis, elle trouve, tout de même, que c’est beaucoup.
La petite Awa Méïté voit plutôt grand. En 2011, elle a fait du coton biologique en partenariat avec Mobiom sur un hectare à Chô, village situé derrière Katibougou, où elle a installé 5 métiers à tisser au profit de la cinquantaine de femmes du projet. L’objectif d’Awa Méïté est de faire d’elles, à terme, des salariées. En perspective, la Daoulaba de l’or blanc compte également dupliquer l’expérience de Chô dans d’autres localités du Mali comme Konna, Tombouctou, Mopti, Ségou et créer ainsi des emplois durables pour les femmes.
Awa Méïté est la Coordonnatrice de l’ONG « Routes du Sud » et la Directrice du festival « Daoulaba ». Le festival Daoulaba « rencontres autour du coton », existe depuis 2007. Ce festival est dédié au coton, afin d’encourager une transformation locale plus importante. Cela peut permettre une valeur ajoutée pour toute la filière et aider à l’amélioration des conditions de vie des communautés. Awa Méïté est mariée à un Hollandais, Van Til, qui a repris l’espace culturel « Le Santoro » et avec qui elle a eu deux charmants garçons, Ian et Franck.
Yaya Sidibé
Source: Le 22 Septembre 06/07/2015