FATOU A CŒUR OUVERT   « Grâce au COVID-19, mes enfants ont enfin un père à la maison »

MOUSSA-BOLLY

Malgré ses conséquences sanitaires, sociales et économiques dramatiques, le Covid-19 a fait du bien à certains foyers. En effet, des mesures comme le couvre-feu contraignent des noctambules invétérés à rester à la maison, à avoir enfin une vie de famille. Et cela au grand bonheur de leurs enfants et surtout de leurs… épouses ! Notre apprenti écrivain a pris sa plume pour nous narrer ce bonheur souvent relatif. Nous vous livrons ici la dernière partie de sa Nouvelle.

 

…Nos soirées de confinement étaient émaillées de blagues et d’éclats de rire. Pauvre Djimé, il devait se sentir si mal à côté d’un tel bonheur familial. Sa mélancolie ne nous empêchait pas d’être heureux.

-Maman, qu’est-ce que Papa a, me demanda une fois Zeinab, notre benjamine

-Pourquoi cette question Mamy, lui répliquais-je

-Je vois qu’il rentre tôt maintenant, il tourne en rond dans le salon, il ne nous approche pas et ne parle presque à personne. Pourquoi ?

-Et pourquoi tu ne lui poses pas la question ?

-Maman, quand on lui parle, j’ai l’impression qu’il n’écoute même pas parce qu’il est toujours dans les nuages et indifférent à son environnement…

-En tout cas, à ce que je sache, il n’est pas malade. Je pense plutôt qu’il se fait du souci pour ses affaires. Rentrer tôt n’arrange pas trop son business. Prions alors que le couvre-feu ne se prolonge pas pour délivrer Papa.

En réalité, les enfants avaient peur d’approcher leur père. Non pas parce qu’il était sévère avec eux, mais parce qu’il était comme un étranger, car toujours absent. Ils ne le voyaient que rarement.

Je jouais en même temps le rôle de père et de mère les amenant à l’hôpital quand ils étaient malades, répondant aux convocations scolaires, les accompagnant quand ils voulaient sortir… Au point qu’ils étaient souvent embarrassés quand leurs camarades ou d’autres personnes leur demandaient où était leur papa.

-Au boulot !

C’était leur réponse sans aucune conviction. Et je pense, d’ailleurs, que c’est mieux ainsi car présent ou absent, il ne parvenait plus à porter son habit de père et d’époux, trop ample ou trop serré, mais en tout cas inconfortable.

Le voyant si abattu, j’oubliais tous ces griefs que j’avais naturellement contre lui, pour le prendre en sympathie.  J’abandonnais souvent les enfants pour venir à ses côtés au salon et lui demandais s’il avait envie de quelque chose… Mais, vouloir causer avec lui, c’est tenter de faire parler une personne muette de naissance. Et finalement, je m’éclipsais sur la pointe des pieds pour rejoindre mon Grin improvisé et très animé.

N’empêche que, je me surprenais maintenant à prier pour que tout cela prenne fin rapidement parce que l’atmosphère risquait d’être invivable avec un lion en cage dans ma famille. Un isolement qu’il ne pourrait pas longtemps supporter sans rugir et troubler la bonne ambiance de notre famille.

D’ailleurs, l’autre jour, je l’ai surpris au téléphone en train de suggérer à l’un de ses amis de louer un appartement meublé qu’ils auraient pu transformer en «garçonnière». Là, ils pouvaient se retrouver jusqu’à 05h du matin, à la fin donc du couvre-feu !

Et l’annonce de la fin du couvre feu le samedi 09 mai 2020, il était aussi heureux qu’un gamin qui venait de recevoir un jouet dont il rêvait depuis des années et sur lequel il n’espérait plus. Et je vous assure que, bien que nous soyons au ramadan, Djimé est sorti la même nuit et il n’est rentré que vers 4 heures du matin. Les bars, les restaurants, les hôtels et autres espaces de loisirs étant fermés, où a-t-il  été ? Aucune idée.

Mais curieusement, j’étais heureuse de cette délivrance ; heureuse de voir le lion sortir enfin de sa cage pour se perdre dans sa jungle.

Oui, même s’il a avait peu d’endroits où aller, Djimé était très heureux car, pour lui, l’essentiel était de ne pas se retrouver prisonnier chez lui. Du-moins, chez nous car il était un étranger qu’on hébergeait pour les dernières heures de la nuit et les premières de la matinée !

BOLMOUSS

Le Matin