Famine : la Corne de l’Afrique en danger, la Somalie en état d’urgence

Le problème principal dans la Corne de l’Afrique tourne autour de la situation en Somalie. D’abord parce que c’est, de loin, le pays le plus touché. Plus d’un million d’enfants sont en ce momentdanger de mort et près de la moitié de la population somalienne est frappée par la famille. Les pourcentages sont beaucoup plus faibles au Kenya ou en Ethiopie. L’ONU estime que la Somalie est confrontée à la plus sévère crise humanitaire qui sévit dans le monde aujourd’hui.

Conséquence : les immenses camps de réfugiés de l’est du Kenya, et d’Ethiopie, déjà surpeuplés, ont vu l’arrivée massive de réfugiés somaliens. L’enjeu des prochaines semaines, ce sont ces déplacements de populations. La semaine dernière, Mogadiscio, et les personnes qui s’y sont réfugiées, ont été placées elles-mêmes en état de famine.

Le risque, pour Luca Alinovi, responsable de la Somalie à la FAO, l’organisme des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, c’est que ces déplacés quittent leur pays : « Il y a un risque que la situation devienne pire si on n’arrive pas à contrôler la situation en Somalie. On risque d’avoir de la déstabilisation dans les autres pays. Le Kenya et l’Ethiopie ont tous deux exprimé leurs craintes sur une arrivée massive de réfugiés. Cela peut créer des problèmes que les pays ne pourraient pas gérer. Surtout que quand un Somalien devient réfugié, le retour dans son pays devient extrêmement compliqué ».

La question des réfugiés est également primordiale pour l’aide humanitaire. Selon Luca Alinovi, prendre en charge des réfugiés coûte 10 à 15 fois plus cher que venir en aide à des déplacés. En outre, la famine crée de plus en plus de tensions à l’intérieur des camps. Les attaques de convois d’aide alimentaire se multiplient. Vendredi dernier à Mogadiscio, cinq personnes sont mortes dans une fusillade attribuée à des militaires qui ont entièrement pillé un convoi du Programme alimentaire mondial. Les 300 tonnes de vivres ont été volées.

En plus, la Somalie est dans une situation très compliquée, extrêmement fragile, sur le plan politique et confrontée à la rébellion shebab. Et malgré leur abandon de Mogadiscio, le week-end dernier, les rebelles contrôlent la quasi-totalité des zones déclarées en famine.

La communauté internationale pointée du doigt

Le rôle de la communauté internationale est clairement pointé du doigt dans ce dossier. Le président de la Banque africaine de développement parle d’un « échec collectif » à mettre fin au conflit somalien et la gestion de la catastrophe par les pays riches a été jugée « honteuse » par plusieurs organisations humanitaires.

L’aide d’urgence nécessite un peu plus de 2 milliards d’euros, soit 0,3 % du budget annuel du Pentagone américain. Pourtant, cette somme n’est toujours pas sur la table. Un échec reconnu à demi-mots par le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, la semaine dernière : « On a évalué à 2 milliards d’euros la somme nécessaire pour faire face à ce drame. La moitié à peu près de cette somme est réunie. C’est sans doute un peu tard, c’est sans doute trop tard pour tous ceux qui sont morts, hélas. C’est sans doute pas assez, c’est la raison pour laquelle nous essayons de mobiliser ».

Le chef de la diplomatie française évoque également le rôle de la communauté internationale dans la gestion du conflit somalien. Selon lui, régler le conflit est une priorité mais il ne faut pas se mentir. « Si nous pouvions faire la paix en Somalie, il y a longtemps que nous l’aurions faite. Nous ne sommes pas des faiseurs de miracle. On a essayé en 1992, on se souvient du fiasco ! Tous ces morts, c’est la sécheresse, c’est aussi la guerre et c’est aux protagonistes de faire la paix, nous essayons d’y contribuer et de les y aider », a-t-il affirmé.

Les pays riches semblent, enfin, réagir. Un avion de l’armée française a apporté mercredi 10 août 20 tonnes d’aide humanitaire pour les populations de la région, et les Etats-Unis ont augmenté leur aide de 73 millions d’euros en début de semaine. De leur côté, la FAO et l’Organisation de coopération islamique ont toutes deux prévu des réunions ministérielles le 16 août prochain sur la question.

Pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir, il faudrait penser à des solutions à long terme : augmenter la production, mieux gérer les stocks agricoles, faire des réserves alimentaires d’urgences, notamment.

Des décisions qu’il faut penser au niveau national, régional et international

Jean-Cyril Dagorn, expert de la question au sein d’Oxfam France, estime que cette situation aurait pu être évitée : « Les zones les plus touchées sont des zones marginalisées qui ont souffert de sous-développement économique et de négligence de la part de la communauté internationale en terme d’investissement dans l’agriculture. On aurait pu prévenir la crise beaucoup plus tôt en travaillant notamment sur l’état sanitaire du bétail et en s’assurant que les groupes les plus vulnérables étaient identifiés pour les prendre en charge beaucoup plus tôt. La famine aurait pu être évitée ».

Une des solutions pour éviter des crises semblables : augmenter la part de l’aide publique au développement destinée à l’agriculture. Elle a baissé de manière générale dans le monde : de 75% en 30 ans alors que 80% des populations de la Corne de l’Afrique dépendent de ce secteur. En Somalie, moins de 1% de l’aide est consacrée à l’agriculture, un peu moins de 7% en Ethiopie ou au Kenya, ce qui conduit à des situations invraisemblables.

La semaine dernière, faute de moyens pour vendre leurs marchandises, des agriculteurs kenyans ont jeté des kilos de patates alors que leurs concitoyens du nord-est sont touchés par la famine.

 

 

RFI 11/08/2011