Annulation, moratoire, suspension temporaire… Les économistes se perdent en tergiversations pour évoquer l’allègement du fardeau que constitue la dette africaine sur son économie, qui vraisemblablement ne se fera qu’à moyen ou long terme. Or, il est urgent d’agir en influant sur un canal financier trop souvent oublié : les transferts d’argent effectués par les diasporas africaines au bénéfice de leurs proches restés au pays.
Véritable bouffée d’air pour de nombreuses familles, selon la Banque mondiale, les transferts d’argent effectués par les diasporas africaines représentaient un volume global de près de 86,2 milliards de dollars en 2019.
Ils représentent ainsi plus de la moitié de l’aide publique au développement à destination de l’Afrique. A titre d’illustration, pour le Sénégal, qui compte officiellement entre 500 000 et 600 000 ressortissants vivant à l’étranger, l’argent de la diaspora s’élevait, en 2018, à 9.1 % du PIB — soit deux fois le montant de l’aide publique au développement reçue par le pays sur la même année.
Or, face à la pandémie de Covid-19 que le monde traverse actuellement, les transferts d’argent deviennent de plus en plus difficiles à réaliser en France du fait du confinement et de la fermeture des frontières. La Banque mondiale a d’ailleurs estimé que les transferts d’argent des diasporas africaines pourraient diminuer de 20 % en 2020.
Dispositif fiscal. Dans ce contexte inédit et très difficile, Bercy et le gouvernement français doivent, dès à présent et au moins pour quelques mois, mettre en place un dispositif fiscal permettant aux diasporas africaines de déduire de leur revenu brut global ; ce, dans une certaine limite, le montant des commissions appliqué sur ces envois de fonds. En effet, les commissions appliquées aux transferts d’argent entre particuliers depuis la France représentent un coût important, et ne peuvent plus être tolérées. Ce qui était déjà incompréhensible en temps normal, l’est encore plus en ces temps de crise mondiale. Il s’agit également de corriger une injustice notamment envers l’Afrique subsaharienne, dont les frais d’envois sont de l’ordre de 9,3 %, alors qu’ils sont en moyenne de 5 à 7 % partout ailleurs dans le monde.
C’est une mesure d’aide au développement concrète, réaliste et directe, qui ne se perdrait pas dans les différents canaux institutionnels. D’ailleurs, l’aide publique au développement et les transferts de fonds des diasporas africaines vont de pair : des dispositifs tels que le Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement (Paisd) permettent d’allier argent public et fonds des diasporas.
« Cette mesure témoignerait de la reconnaissance de la France à l’égard de ceux que l’on appelle “les invisibles”, souvent en première ligne, et dont les rangs sont composés de nombreux représentants des diasporas africaines »
Surtout, cette mesure témoignerait de la reconnaissance de la France à l’égard de ceux que l’on appelle « les invisibles » — agents d’entretien des voiries, femmes de ménage, petits commerçants, personnels soignants, éboueurs ou encore caissières — souvent en première ligne et dont les rangs sont composés de nombreux représentants des diasporas africaines. S’ils n’étaient pas là, réveillés dès l’aurore, prenant le risque d’utiliser les transports en commun, nos services publics et les secteurs essentiels de notre économie n’auraient pu fonctionner. Nous devons cette aide à ces héros au civisme exceptionnel, bien souvent oubliés des médias et des dirigeants.
Gagnant-gagnant. Mais nous devons également cette aide à leurs proches, destinataires de ces fonds essentiellement utilisés pour la consommation directe, à l’heure où les mesures de confinement entraînent des baisses drastiques de revenus, et qu’une aggravation de la précarité est à craindre, même au niveau des classes moyennes. Il nous appartient encore d’atténuer les conséquences dramatiques de la crise sanitaire et économique qui arrive en Afrique, et qui tôt ou tard aura des répercussions sur la France et l’Europe.
En tout état de cause, il est indispensable à moyen terme, pour pérenniser les transferts d’argent des diasporas africaines de France (13,5 milliards de dollars), que la France s’engage plus en faveur de la bi-bancarisation. Il faut en effet permettre aux banques africaines d’offrir leurs services sur le territoire français. L’intérêt serait double : faciliter le financement des économies des pays africains grâce aux diasporas et permettre à l’ensemble des acteurs bancaires de créer de la valeur. Ainsi, ce système se révélerait gagnant-gagnant des deux côtés de la Méditerranée !
Au cœur de notre République, les diasporas africaines constituent autant de ponts entre la France et l’Afrique. Dans son discours de Ouagadougou du 28 novembre 2017, le Président de la République l’avait rappelé. Il avait formé le vœu d’une relation renouvelée avec les pays africains avec les diasporas africaines à l’avant-garde. Facilitons donc le soutien des diasporas africaines à l’Afrique et ne laissons pas les opérateurs de transferts d’argent se mettre en travers du chemin !
Sira Sylla, députée de Seine-Maritime ; Wilfried Lauriano do Rego, Coordinateur du conseil présidentiel pour l’Afrique ; Pierre de Gaétan Njikam, 3e adjoint au maire de Bordeaux chargé des partenariats avec l’Afrique ; Huguette Tiegna, députée du Lot ; Amélia Lakrafi, députée des Français établis hors de France ; Michèle Peyron, députée de Seine-et-Marne ; M’jid el Guerrab, député des Français établis hors de France ; Marion Lenne, députée de Haute-Savoie ; Valérie Thomas, députée du Puy-de-Dôme ; Rodrigue Kokouendo, député de Seine-et-Marne ; Christine Hennion, députée des Hauts-de-Seine ; Frédérique Dumas, députée des Hauts-de-Seine ; Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes ; Laurianne Rossi, députée des Hauts-de-Seine ; Didier Baichère, député des Yvelines ; Saïd Ahamada, député des Bouches-du-Rhône ; Stéphanie Kerbarh, députée de Seine-Maritime ; Vincent Ledoux, député du Nord ; Monica Michel, députée des Bouches-du-Rhône ; Anne Genetet, députée des Français établis hors de France ; Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin ; Stéphane Travert, député de la Manche ; Fadila Khattabi, députée de la Côte-d’Or ; Ramlati Ali, députée de Mayotte ; Agnès Firmin Le Bodo, députée de Seine-Maritime ; Barbara Pompili, députée de la Somme ; Hugues Renson, député de Paris ; Cécile Rilhac, députée du Val-d’Oise ; Stéphane Buchou, député de Vendée ; Nathalie Sarles, députée de la Loire ; Coralie Dubost, députée de l’Hérault ; Hubert Julien-Lafferière, député du Rhône ; Jacques Maire, député des Hauts-de-Seine ; Philippe Huppé, député de l’Hérault ; Catherine Fabre, députée de Gironde ; Nicolas Le Peih, député du Morbihan ; Mireille Clapot, députée de la Drôme ; Liliana Tanguy, députée du Finistère ; Bénédicte Pételle, députée des Hauts-de-Seine ; Bertrand Sorre, député de la Manche ; Pierre-Alain Raphan, député de l’Essonne ; Marie Tamarelle- Verhaeghe, députée de l’Eure ; Pierre Cabaré, député de Haute-Garonne ; Stéphanie Atger, députée de l’Essonne ; Pascal Bois, député de l’Oise ; Sandrine Mörch, députée de Haute-Garonne ; Anissa Kheder, députée du Rhône ; Zivka Park, députée du Val-d’Oise ; Annaïg Le Meur, députée du Finistère ; Ludovic Mendes, député de la Moselle ; Carole Bureau Bonnard, députée de l’Oise ; Florence Provendier, députée des Hauts-de-Seine ; Anne-Christine Lang, députée de Paris ; Jean-Marc Zulesi, député des Bouches-du-Rhône ; Cécile Muschotti, députée du Var ; Nadia Hai, députée des Yvelines ; Annie Chapelier, députée du Gard ; Francis Chouat, député de l’Essonne ; Nicole Trisse, députée de la Moselle ; Yannick Haury, député de Loire-Atlantique ; Cédric Villani, député de l’Essonne.