La descente dans l’arène politique du Président de la République, après de longs moments de sommeil, est le signe de la panique, après l’envahissement de la scène politique par des nouveaux acteurs, plus ambitieux et plus déterminés que sont les religieux. Connaissant leur capacité de mobilisation, ils ont coupé le sommeil à IBK qui, en réponse, s’active beaucoup ces derniers temps et cherche à se rapprocher des autres acteurs politique.
Le meeting géant du 10 février organisé par le Haut Conseil Islamique tendance Dicko et Bouyé va-t-il pousser les acteurs politiques à enterrer leur hache de guerre pour former un front commun contre leurs adversaires, mieux organisés et plus coriaces ? IBK sera-t-il entendu par les autres leaders qui pensent, à tort ou à raison, que c’est lui qui a déroulé le tapis rouge devant les religieux ?
Ceux qui pensent qu’il ne faut pas mélanger politique et religion se trompent lamentablement. L’Imam Mahmoud Dicko et le Chérif Bouyé de Nioro sont, bel et bien, habilités à se prononcer sur les grandes questions de la Nation tout comme rien ne les empêchent de se présenter s’ils respectent la Constitution. En effet, après leur meeting du 10 février, chacun y est allé de son petit commentaire. Leurs détracteurs ont même trouvé à dire qu’ils ont trahi les participants au meeting, qui auraient été désagréablement surpris de constater qu’en lieu et place de la prière, ils auraient assisté à un meeting politique. Ce qui serait une violation de la Constitution, c’est la création d’un parti sur la base de la religion ou encore présenter des candidats islamistes. Hormis ces cas, ils peuvent bien se prononcer sur tous les sujets qu’ils soient d’intérêt général.
En réalité, le nœud du problème n’est même pas leurs revendications lors du meeting du 10 février, mais leur montée en puissance et le discrédit qu’ils sont en train de jeter sur les hommes politiques. Qui ne se rappelle pas de cette affirmation, à la fois émotionnelle et passionnante du porte-parole de l’Imam Dicko, Issa Kaou Djim, dans laquelle il fustigeait toute la classe politique Majorité et Opposition. IBK en est conscient, lui qui connait leur capacité de mobilisation, d’où leur soutien en 2013 pour se hisser au sommet. Il voudrait bien que les autres acteurs politiques, surtout ceux de l’Opposition, qui semblent être de mèche avec la tendance active du HCIM, comprennent que leur salut ou tout au moins leur survie dépend de leur capacité à former un seul front contre ces nouveaux acteurs politiques.
De son appel téléphonique au chef de file de l’Opposition, à sa rencontre avec la Majorité présidentielle en passant par d’autres contacts, la démarche d’IBK n’a d’autres motifs que d’isoler les religieux et faire face aux crises qui n’ont que trop duré. Sera-t-il entendu ? La réponse est probablement oui, car même les acteurs politiques qui sont leurs sympathisants, savent que les leaders religieux ne les portent pas dans leurs cœurs et peuvent changer à tout moment. Donc, autant accepter la main tendue du Président, qu’ils connaissent et qu’ils pourraient critiquer à satiété, plutôt que de nourrir le vain espoir d’avoir leur soutien. Surtout aujourd’hui avec leur querelle intestine, ces religieux ne sont plus ce qu’ils furent il y a sept ans. IBK ébranlé et durement secoué, vient de trouver des nouveaux ressorts pour s’assoir confortablement dans son fauteuil. Mais pour combien de temps, surtout face à la crise sociale ?
Youssouf Sissoko