Il est clair que «pour gagner une guerre, comme nous le rappelait l’activiste française Sonia, il faut avoir les moyens de maintenir la paix». Et jusque-là, le Mali était parvenu à gérer ses rebellions sans compromettre l’essentiel : l’Unité Nationale ! Le Pacte national signé le 11 avril 1992 en était une parfaite illustration. Malheureusement, les raisons et les enjeux de ces rebellions, donc de la déstabilisation du pays, sont ailleurs.
Aujourd’hui, l’Accord pour la paix et la Réconciliation nationale a été imposé par la France et l’Algérie comme une camisole de force afin de soumettre le Mali à leurs désirs. Et pourtant, la grande majorité des Maliens ne se reconnaissent pas dans cet accord qui porte en lui les germes d’un fédéralisme à travers l’autonomisation poussée de la supposée Azawad.
La France de Sarkozy a détruit la Libye et a armé des touaregs pour déstabiliser le Mali dans son seul intérêt. Les enjeux économiques et géostratégiques de la crise malienne sont connus de tous, sauf visiblement de ceux qui dirigent ce pays ces dernières années. Et c’est malheureusement l’Hexagone qui tire les ficelles à travers un accord militaire qui est largement en sa faveur et l’exploitation frauduleuse des richesses du nord du Mali.
D’où le remplacement de Serval (une opération opportune pour sauver le pays des narco-jihadistes) par Barkhane appelée à rester aussi longtemps que les intérêts de la France seront menacés au Sahel, notamment au Mali.
Sinon le bilan de Barkhane est discutable sur toute la ligne en termes de pression et de victoires sur les groupes terroristes. Et même si elle tente de se prévaloir de victoires sporadiques surmédiatisées pour justifier cette présence inefficace. Barkhane n’a jusque-là réussi à éliminer aucune tête de ces réseaux terroristes (Koufa, Iyad, Belmoktar…). Et pourtant, elle a assez de moyens pour les localiser et les neutraliser sans coup férir. Sans compter qu’Iyad ne se cache même plus car s’il n’est pas à Alger, il est à Kidal au vu et au su de tout le monde. Il en sera ainsi tant que la France aura intérêt à ce que le Mali reste dans cette situation de terreur terroriste favorable à ses propres intérêts.
La Minusma ne nous est pas non plus utile. Elle est incapable d’assumer sa mission principale : assurer la sécurité des civils ! Le carnage d’Ogossagou n’est qu’une preuve entre autres de cette défaillance qui a entraîné la défiance des pays comme le Canada qui n’a pas souhaité prolonger le séjour de son contingent au-delà de juin prochain.
La Minusma dans l’œil du cyclone «Trump»
Et les Etats-Unis menacent aussi de réduire progressivement les finances, donc la taille des troupes déployées au Mali. Certes les responsables de la Mission vont brandir d’autres arguments comme les réalisations socioéconomiques, les formations (militaires, professionnelles), la promotion des droits humains… Mais, ce dont le Mali a urgemment besoin, c’est de sécurité et de paix ! C’est la condition sine qua non du développement économique et du plein épanouissement des Maliens.
Il faudra, en plus, l’audace de nos dirigeants pour défendre nos intérêts face aux prédateurs occidentaux et leurs multinationales qui sont en partie responsable de la pauvreté en Afrique. Avec la bonne gouvernance dans un environnement sécurisé, le Mali ne manque pas de ressources pour circonscrire le chômage, la pauvreté… comme terreau fertile des rebellions, du terrorisme.
«Tant qu’il n’y aura pas un développement économique il sera difficile de bâtir une paix», analyse à juste titre Sonia. Et comme aucun pays ne peut se permettre de s’enfermer dans l’autarcie dans le village planétaire qu’est devenu le monde, le Mali ne peut se permettre actuellement de refuser l’aide étrangère.
Mais, pas de n’importe qu’elle aide ! Pas en tout cas de cette hypocrisie française permettant de nous affaiblir militairement afin de piller nos ressources alors que la France est supposée être au Mali pour l’aider à se relever.
Le Mali a besoin d’un partenariat mutuellement avantageux où nous ne défendons pas nos intérêts en position de faiblesse. Notre pays avait besoin de recomposer et reformater son outil de défense. Et cela est fait grâce en partie à l’EUTM. Merci à l’Europe. Maintenant, il faut réfléchir au départ de la Minusma et de Barkhane dont les budgets peuvent permettre de solidement équiper les FAMa en complément du sacrifice que le pays est en train de consentir à travers la loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM).
Grâce à cette volonté politique, l’Armée malienne est en train de redorer son blason. Rappelons que le coût de la LOPM est évalué à mille deux cent trente milliards cinq cent soixante-trois millions neuf cent soixante-douze mille trois cent quarante-neuf (1.230.563.972.349) francs CFA sur une période de cinq ans (2015-2019).
De nos jours, nos marges de manœuvre en matière de rééquipement de notre armée sont limitées par la présence de la Minusma et de Barkhane puisque notre pays n’est plus libre de s’équiper militairement comme il le veut parce que les parrains des rebelles touaregs (la France et des lobbies occidentaux) pensent que cette puissance militaire ne visera qu’à les «massacrer».
Alors pourquoi ne pas soutenir la mutualisation des forces en permettant à la Force conjointe du G5 Sahel de réellement monter en puissance par des équipements et des moyens financiers de neutraliser ces groupes terroristes qui paralysent une partie de l’Afrique ?
Hamady Tamba
Le cercle vicieux des accords avec les groupes rebelles
Il est surprenant que nos négociateurs dans le processus d’Alger se soient laissés piégés par la médiation internationale, plutôt la France et l’Algérie, alors que nous avons une longue expertise des négociations avec les groupes rebelles touaregs du Mali. Le Pacte national signé le 11 avril 1992, l’atteste éloquemment. Et il a été toujours considéré comme «une solution originale» aux rebellions au nord du Mali.
Le pacte national a été signé à Bamako le 11 avril 1992, par le Colonel Bréhima Siré Traoré, ministre de l’Administration territoriale (représentant le gouvernement de transition) et Zahabi Ould Sidi Mohamed (aujourd’hui président de la Commission DDR après avoir occupé des portefeuilles ministériels depuis 2013), porte-parole de la coordination des Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad (MFUA).
Cette coalition regroupait le Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), le Front islamique arabe de l’Azawad (FIAA), le Front populaire de l’Azawad (FPLA), l’armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA), le Front uni de libération de l’Azawad (FULA) et le Front national de libération de l’Azawad (FNLA).
Ce pacte consacrait le statut particulier du nord du Mali et préconisait une solution définitive de sortie de crise. Il prévoyait notamment un cessez-le-feu immédiat, l’intégration dans un délai de soixante jours des combattants des MFUA, sur une base individuelle et volontaire et selon les critères de compétence, dans les corps en uniforme de l’État malien. Il prévoyait également, la mise en place pour une année d’unités spéciales, composées majoritairement de combattants intégrés ; la création d’unités spéciales de l’armée largement ouverte à toutes les composantes des populations locales pour des missions de défense.
Sa mise en œuvre avait été confiée au Commissariat au Nord, puis à l’Autorité du développement intégré du Nord-Mali, puis à l’Agence du développement du Nord-Mali (ADN), chargée de «consolider et de parachever la mise en œuvre du Pacte national, d’appuyer les collectivités territoriales, de promouvoir une synergie entre les programmes de développement des trois régions».
Le Pacte national offrait un meilleur cadre juridique et institutionnel pour une «intégration» de la minorité touarègue (si elle ne l’était pas) au sein de la République du Mali. Il ne faut donc pas se voiler la face, si le Pacte national n’a pas réussi à vaincre l’irrédentisme touareg, ce n’est pas l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale qui y réussira.
Et cela d’autant plus que les ficelles sont tirées par des lobbies occidentaux qui ont tout intérêt à déstabiliser le septentrion malien pour des intérêts géostratégiques et géoéconomiques.
Hamady Tamba