L’ancien Premier ministre Moussa Mara revient sur le débat sur l’immigration et fait des propositions de solution au gouvernement. Extraits.
« C’est indéniablement le fait marquant de la fin d’année 2016 et sans doute du début de 2017, le gouvernement malien a toutes les peines du monde à se sortir d’une polémique ayant entraîné des troubles, créée par sa participation supposée à l’expulsion de certains de nos compatriotes expatriés.
La polémique a déjà valu aux autorités de faire face à une motion de censure à l’Assemblée nationale. Elle a entraîné l’occupation des locaux du consulat général du Mali en France et suscité en d’autres endroits des manifestations hostiles de nos compatriotes, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays à l’égard de l’Etat malien. Cela n’est guère étonnant quand on sait la place de l’émigration pour des millions de familles maliennes aujourd’hui.
Il est souhaitable, eu égard justement à l’importance de la question pour le Mali, qu’on essaie de sortir des polémiques, des passions, des invectives et des échanges non productifs pour poser les vraies questions autour de ce phénomène.
Qu’on essaie d’apporter des réponses véridiques, objectives, structurelles et porteuses de valeur ajoutée pour le futur. Autrement dit, au-delà de la situation présente, il est peut-être possible que notre pays profite des troubles actuels pour regarder de manière lucide les réalités du phénomène migratoire et les intégrer dans son intérêt et celui de ses fils !
C’est une tâche à laquelle nos autorités doivent réfléchir. Elles doivent, en cette perspective, agir dans plusieurs directions.
Le gouvernement doit mieux élaborer sa réponse face aux polémiques actuelles en apportant des réponses claires à certaines questions clés. Y a-t-il eu un accord verbal ou écrit sur le dispositif du Sommet de La Valette sur la migration des 11 et 12 novembre 2015 ?
Quelle est sa compréhension de la déclaration commune et du plan d’action (5e axe) du Sommet de La Valette ? Quelle est sa compréhension de l’article 13 de l’Accord de partenariat de Cotonou sur les migrations qui évoque clairement la question des réadmissions (expulsion des illégaux) ?
Quelle est sa stratégie pour ne pas appliquer ces dispositions ? Quid alors des projets et programmes dont doit bénéficier notre pays en application de ces dispositifs ? Quelle contrepartie nous devons mettre dans la balance face à ces projets ? A-t-il commencé à appliquer cet éventuel accord ?
Si non quelles preuves concrètes pour démentir les autorités européennes qui l’affirment ainsi que les acteurs politiques et de la société civile qui fournissent des documents, des témoignages et des images de l’implication des autorités maliennes dans les expulsions de Maliens ?
La réponse claire à ces questions, étayée par des actes, contribuera à faire baisser la tension. L’attitude du gouvernement depuis le début de la polémique le démontre, aucune autorité malienne ne peut s’engager dans la direction de participer à l’expulsion de Maliens vers le Mali. La cause des migrants est une cause nationale au Mali, au même titre que l’intégrité du territoire ou la souveraineté du pays.
Les autorités maliennes doivent le dire très clairement à nos partenaires. On ne doit et on ne peut accepter de signer un communiqué, ni un accord, ni une convention qui contient des dispositions nous impliquant dans le rapatriement de nos compatriotes au pays. Les autorités doivent l’indiquer aux partenaires avec deux arguments significatifs : le caractère sensible de la question pour la stabilité politique du Mali et l’importance de la diaspora pour l’équilibre socioéconomique de notre pays.
Le gouvernement doit également convaincre nos partenaires que sur la question de l’émigration illégale, le flux des départs est beaucoup plus important que le stock de migrants illégaux sur leur sol.
Au-delà, les autorités maliennes doivent engager un vrai partenariat avec notre diaspora, forte de plusieurs millions de personnes, et qui peut induire de profonds changements au Mali. Cette collaboration doit recouvrir plusieurs aspects et s’installer dans la durée. Il doit contenir des aspects politiques et institutionnels à travers la profonde association des maliens de l’extérieur à la gouvernance du pays.
Il doit se traduire par des initiatives concrètes dans les domaines administratifs, économiques, sociaux (éducation, formation, santé…), culturels… Il est temps que les autorités convainquent les Maliens de la diaspora que leur place au pays et leur rôle dans son essor sont plus que jamais indispensables à occuper, à exercer et à tenir.
C’est à ces conditions que toutes ces polémiques s’avéreront finalement très productives pour le Mali. Gageons que cela puisse être le cas et en ce début d’année, période de vœux, prions pour ce faire » !
Moussa Mara