L’émotion est forte, à travers le monde, après les explosions qui se sont produites mardi soir à Beyrouth, au Liban. Sur le continent africain, l’importante communauté libanaise est sous le choc.
Karim Makki est membre de la diaspora, libanaise au Sénégal, où il est né. Il a ensuite passé 17 ans au Liban, avant de revenir dans son pays natal. Quand il était au Liban, il a travaillé pendant de nombreuses années dans le port de Beyrouth comme transitaire.
« Je suis encore sous le choc »
Il était sous le choc quand il a reçu les premières informations sur l’explosion :« Quand j’ai reçu un appel de Beyrouth pour me dire qu’il y avait eu des explosions au niveau du port, je conduisais, témoigne-t-il joint par Magalie Lagrange au service Afrique de RFI. C’est comme si c’était un film qui se déroulait devant moi. Tous les coins du port me sont revenus, en essayant de m’imaginer ce fameux Môle 12 sur lequel j’ai passé pas mal de temps. Je peux vous dire que j’avais les larmes aux yeux. Je suis encore sous le choc. »
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Puis rapidement l’inquiétude est venue pour ses anciens collègues travaillant au port : « Et de m’imaginer, surtout quand je vois ces photos et vidéos qui me sont envoyées de Beyrouth, ou même d’anciens collègues, d’anciens amis transitaires au port, je ne réalise pas. Mais la première réaction que j’ai eue, c’est de rappeler tous mes anciens collègues, amis, transitaires pour savoir s’ils allaient bien, parce que cette zone-là a une concentration de bureaux de transitaires qui est impressionnante, décrit Karim Makki. Je peux dire que j’ai eu de la chance que dans mes amis, il n’y a pas eu de décès, certains sont blessés ».
Angoisse nocturne
Au Sénégal, la communauté libanaise compte plusieurs dizaines de milliers de personnes, certains y habitent depuis deux, trois ou quatre générations. Mais tous comme Karim ont encore de la famille et des proches au Liban, rapporte notre correspondante à Dakar, Théa Ollivier.
Dans le centre-ville de Dakar, Nabilla Husseini est assise au fond de son magasin de vêtements. Cette Libanaise née au Sénégal a du mal à travailler. « Ma grande soeur et ma nièce habitent à Beyrtouh et on a été choqué. C’est tellement iréel… On peut prier pour les blessés et essayer d’aider à distance comme on peut. »
Khaled, Libano-Sénégalais depuis trois générations, est collé à son téléphone et son ordinateur. Il prend des nouvelles de sa mère, de sa famille et ses proches dont certains ont été blessés à Beyrouth. « On attend avec impatience le bilan des décès en espérant de ne pas connaitre des personnes parmi eux. C’est une angoisse, je le vis très mal, quand je suis au téléphone avec ma mère. Je n’ai pas dormi de la nuit. »
Cheikh Mohamad Kanso, imam libanais et vice-président de l’Institution islamique sociale, appelle alors à la solidarité des diasporas libanaises. « Nous avons beaucoup de problèmes économiques, sociaux, politique. Cette situation catastrophique demande une assistance de la communauté internationale. »
Les membres de la communauté libanaise du Sénégal s’organisent alors doucement pour essayer d’apporter de l’aide matérielle, financière et médicale à leur pays d’origine.
L’anxiété derrière les téléphones
Au Bénin, Ismael est dans le commerce de cosmétique, son magasin est ouvert. Il est concerné, le drame s’est produit près de sa résidence à Beyrouth rapporte notre correspondant à Cotonou, Jean-Luc Aplogan. Derrière son bureau, l’air assommé, il nous lâche ces mots au lendemain de la catastrophe : « C’est à côté de ma maison, beaucoup de maisons ont été détruites. J’ai appelé. Il y a de nombreux disparus. Tout le monde a peur là-bas. Hier soir, on a prié pour les morts et les blessés. »
Assad, est vendeur de nappes, ses proches habitent la zone sinistrée : « Je suis triste. Les vitres de la maison de mes proches ont été soufflées. Dieu merci, tout le monde va bien ». Assad et Ismael, consultent régulièrement leurs téléphones. Les lignes sont saturées, disent-ils, alors ils privilégient les textos et messages et WhatsApp.
L’ensemble de la communauté est affecté par ce qui est arrivé, Atoune en veut au gouvernement de son pays. Il accuse : « C’est un choc, notre état libanais a délaissé ce dépôt de 800 tonnes de nitrate et n’a pas pris soin de le gérer. C’est le résultat de la mal gouvernance et ça fait mal ». Les Béninois qui comptent de nombreux amis au sein de cette diaspora sont de tout cœur avec les Libanais aujourd’hui. Ils leur témoignent leur solidarité par des appels et des m
« Nous sommes en Afrique, mais notre cœur est au Liban »
De son côté, Walid Ihaybi est le vice-président de la communauté libanaise au Bénin. Il pense déjà à l’organisation de l’aide. Il explique quelles sont les moyens de la diaspora en Afrique pour se mobiliser :
« C’est normal qu’on doive réfléchir à comment on va aider rapidement le Liban et c’est quelque chose qu’on ne demande pas seulement aux Libanais de faire, mais on le demande à tout le monde, comme les Libanais en Afrique. Il n’y a pas beaucoup de possibilités sauf les aides financières, parce que nous ne sommes pas en Europe, ni en Amérique. On n’a pas des capacités d’envoyer des matériels pour les hôpitaux ou n’importe quoi, explique-t-il à Magalie Lagrange. Ce qui est plus facile, c’est qu’on peut aider avec des dons financiers. Physiquement, nous sommes en Afrique, mais notre cœur est au Liban maintenant ».
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En Côte d’Ivoire, la diaspora libanaise déjà soucieuse à cause de la crise qui secoue le pays doit aussi faire face, impuissante et à distance à la destruction partielle de la capitale. Témoignages.
Il y a dans les discours beaucoup de tristesse, de colère aussi, contre un gouvernement qualifié de corrompu, en perdition, au détriment du peuple libanais. Entre les lignes se dessine aussi la suspicion : celle d’une attaque de l’étranger.
Ils sont nés loin de leur pays d’origine. Malgré tout, la situation au Liban les affectent profondément
Publié le : 05/08/2020 – 12:49Modifié le : 06/08/2020 – 09:15