La Commission ad-hoc d’enquête parlementaire présidée par le député CODEM de la commune I du district de Bamako, Boulkassoum Touré, avait terminé ses investigations sur le rôle joué par l’ancien président de la République, Amadou Toumani Touré dans la survenance de la crise sécuritaire de 2012. Elle avait établi, noir sur blanc, que que ATT a essayé de son mieux de lutter contre l’essor des groupes terroristes et jihadistes dans le septentrion. Qu’à ce titre et du fait d’un déficit de texte, l’ex-locataire de Koulouba ne pouvait être poursuivi pour une quelconque « haute trahison « dans cette crise.
Volonté de diaboliser?
Ce rapport avait fuité et la presse, dont le quotidien L’Indépendant, s’en était saisi pour en faire un large écho. Depuis, des manœuvres de traficoter ce document ont été signalées dans les milieux proches du président de l’Assemblée nationale, visiblement mécontent des conclusions disculpant ATT.
Il faut rappeler qu’après le coup d’Etat qui l’a renversé un certain 22 mars 2012 de triste mémoire, le président Touré a été soumis à une campagne de diabolisation. Les tenants du pouvoir avaient voulu emboucher la même trompette de dénigrement visant simplement à vilipender le « soldat de la démocratie », qui, à l’initiative de la CEDEAO, a pris ses quartiers à Dakar pour faciliter le bon déroulement de la transition dans son pays.
La saisine de la Haute Cour de justice (HCJ), qui a été, pour la première fois, officiellement installée, avait alors été sérieusement invoquée. Volonté de mettre fin à l’impunité ou simple caprice de traîner une personnalité dans la boue ? C’est la deuxième hypothèse qui se confirme aujourd’hui. Comme cela se passe dans les grandes démocraties, une commission parlementaire ad hoc avait alors été, à grand renfort de publicité, mise en place le 1er juillet 2014 avec pour mission de « produire un rapport dans ce sens, conformément à l’article 15 de la loi N° 97-001 du 13 janvier 1997 fixant la composition et les règles de fonctionnement de la HCJ ainsi que la procédure suivie devant elle ».
Impossibilité de poursuivre
Présidée par le député CODEM de la commune I, Boulkassoum Touré, avec pour Rapporteur son collègue Bréhima Béridogo du PARENA, élu à Kadiolo, la Commission a fouillé ciel et terre à la recherche d’indices pouvant « confondre » ATT sur son éventuelle responsabilité dans la crise sécuritaire qui a failli, qu’à Dieu ne plaise, précipiter le pays dans les affres de la guerre civile. Les commissaires ont auditionné des personnes ressources sur des faits énoncés par le Procureur général près la Cour suprême : « Participation à une entreprise de déstabilisation du territoire national en ayant facilité la pénétration et l’installation des forces étrangères notamment en ne leur opposant aucune résistance… avoir détruit et détérioré volontairement l’outil de défense nationale… avoir participé à une entreprise de démoralisation de l’Armée… « . Le moins qu’on puisse dire est qu’il faudrait qu’un chef d’Etat comme ATT souffre d’une dangereuse paranoïa pour être coupable de telles monstruosités.
C’est ainsi que toutes les investigations menées par la Commission ad hoc ont permis de découvrir que l’ancien président de la République « a essayé de lutter contre l’installation des groupes armés jihadistes et terroristes au nord du pays avec plus ou moins de succès « . Et les enquêteurs de l’Assemblée nationale d’établir qu’avec l’arrivée et l’installation des jihadistes et des terroristes depuis les années 2000, la situation sécuritaire était fragile. Ce qui a profité à plusieurs groupes armés. D’où un état de déliquescence et de délabrement dans lequel les forces armées se sont retrouvées vers les années 2000.
En clair, depuis ces années, le ver de la crise sécuritaire était déjà dans le fruit malien. ATT est arrivé au pouvoir en 2002 et un certain IBK était le président de l’Assemblée nationale. Et, juste avant 2002, de 1994 à 2000, c’est encore IBK qui était Premier ministre, Chef du Gouvernement.
En outre, par rapport à « la haute trahison « , la Commission, après ses recherches, souligne qu’ »aucun texte malien ne définit le crime de haute trahison, contrairement à d’autres comme le Niger qui l’ont inscrit dans leur loi fondamentale. Et si le crime de haute trahison n’est pas clairement défini, l’on s’accorde à admettre qu’il s’agit des cas d’atteinte à la sûreté de l’Etat et aux cas d’intelligence avec l’ennemi « . Ce qui n’est pas le cas durant les 9 ans et 10 mois qu’ATT a passés à la tête du pays.
Bruno D SEGBEDJI
Source: L’Indépendant 25/06/2015