ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENTS PRIVES: Quand l’urgence d’assainir le secteur s’impose à tous les acteurs

L'Ecole Tom-Touti est une référence à Lafiabougou, en commune IV du District de Bamako

Au Mali, les écoles privées continuent de pousser au fil des années comme des champignons. Malheureusement, cela ne semble pas impacter positivement le niveau de l’enseignement qui ne cesse de chuter. Pour, de nombreux observateurs, n’importe qui peut aujourd’hui ouvrir une école privée sans même se conformer à la législation en vigueur. L’envie de faire fortune l’emporte bien évidemment sur la volonté de dispenser un enseignement de qualité.

«La violation des textes relève du professionnalisme au Mali. Elle concerne tous les domaines. Mais dans certains domaines, elle met en cause l’avenir de toute une génération. Tel est le cas lorsque les textes de création des écoles sont appliqués à la légère», a déploré une fois un activiste.

Selon le Décret 94-276/PRM fixant les modalités d’application de la loi portant statut de l’enseignement privé en République du Mali, les normes fixées pour bénéficier d’une autorisation d’ouverture d’école sont bien précisées en son article 4 qui stipule qu’un «plan détaillé des locaux et des installations sanitaires, le tout agréé par le service de l’habitat», doit être présenté lors de la demande d’ouverture.

Ce qui laisse comprendre qu’avant l’ouverture de chaque école privée, des agents de l’État sont tenus de se présenter sur le lieu indiquer pour constater la conformité dudit établissement aux normes requises. «Avant de te livrer l’autorisation, des experts viennent constater l’emplacement de l’établissement, la capacité d’accueil des salles de classe, la disponibilité de l’eau potable, la disposition des toilettes», confiait à un confrère, il y a quelques années, un ancien directeur d’une école privée à Bamako.

En plus de la violation des conditions d’ouverture, les enseignants sont moins motivés pour donner le meilleur d’eux-mêmes dans l’encadrement des enfants. «Certains promoteurs des écoles de base ou même d’établissements de formation professionnelle profitent du désarroi des jeunes enseignants diplômés pour les exploiter en leur payant par exemple 1 000 à 1 200 l’heure. Même avec 30 heures, ils ne peuvent pas joindre les deux bouts, surtout quand ils sont mariés», déplore Karamoko Kéita. 

Une situation qui pousse des enseignants à s’engager dans de nombreux établissements et aussi à organiser des cours spéciaux. «Dans le temps, on inscrivait nos enfants dans les écoles privées parce qu’ils y bénéficiaient d’un meilleur encadrement et n’avaient plus besoin de cours de remise à niveau. Mais, aujourd’hui, les enseignants de ces établissements rivalisent dans l’organisation des cours de rattrapage pour les enfants qu’ils enseignent également», déplore une mère de famille. 

«Le hic, c’est que le maître impose des cours supplémentaires à ses propres élèves. Ce n’est pas normal parce qu’il est supposé donner le meilleur de lui-même pour instruire ses enfants», déplore Kassim Koné, un enseignant à la retraite. Et d’enfoncer le clou, «ces cours deviennent un moyen de chantage sur les parents et leurs enfants. En effet, quel que soit le niveau de votre enfant, il aura rarement de meilleures notes s’il n’est pas inscrit aux cours de son maître. Et certains enseignants n’hésitent pas à recourir à des moyens peu honnêtes pour que ceux qui sont inscrits à leurs cours soient toujours mieux classés lors des évaluations périodiques».

En terme de qualité de l’enseignement dispensé, certains établissements émergent du lot. En commune IV du district de Bamako par exemple, les populations ont notamment cité, entre autres, Saint Kizito, Wa Kamissoko, Défi, Tapama Djénépo, Tom-Touti… «Nous accueillions généralement les élèves de Tom-Touti après l’entrée en 7e quand l’établissement n’avait pas un second cycle. Et j’avoue que les élèves qui y venaient ont été toujours parmi les meilleurs et surtout irréprochables sur le plan de la discipline», témoigne un promoteur privé qui a souhaité gardé l’anonymat. 

«Quand des élèves d’un établissement forcent l’admiration, on se renseigne pour savoir quel est le secret. C’est ainsi que nous avons su que la promotrice de Tom-Touti est enseignante et fille d’enseignant. Elle veille rigoureusement sur la pédagogie et la discipline. Selon certains de ses enseignants, elle rentre fréquemment dans les classes pour suivre les cours et consulter souvent les cahiers des enfants. Quand l’enfant n’est pas à jour ou si le cahier est mal entretenu, il est interpellé avec son enseignant… Et des parents nous disent également que cette dame est très attentive à leurs remarques par aux lacunes constatées chez l’enfant à la maison. Cela m’a beaucoup aidé dans la gestion de mon établissement», nous a-t-il confié.

Autant dire que malgré les tares qui font de ces établissements de juteux investissements, certains font des efforts louables afin que l’enseignement privé soit à la hauteur des attentes : des centres d’excellence dispensant un enseignement de qualité irréprochable. Ce qui ne dédouane pas le ministère de l’Education nationale de son devoir de contrôle. Ses services doivent non seulement veiller au respect strict du cahier de charge pour l’ouverture des écoles privées, mais aussi sévir contre toutes les mauvaises pratiques, en multipliant par exemple les visites inopinées pour s’assurer que l’appât du gain ne prend pas le dessus sur l’engagement de dispenser un enseignement de qualité. 

Et cela d’autant plus que dans son allocution à la cérémonie de lancement du système intégré de gestion des Ressources humaines des fonctions publiques de l’Etat et des Collectivités territoriales (SIGRH), le 24 mai 2022 à Koulouba, le ministre de la Refondation de l’Etat, Chargé des Relations avec les Institutions a annoncé la découverte de 400 enseignants fictifs.

Et cela grâce à «un contrôle minutieux» a assuré le ministre Ibrahim Ikassa Maïga qui a estimé l’incidence financière annuelle de cette fraude sur le budget national à plus d’un milliard de F Cfa. Ce contrôle minutieux est aujourd’hui indispensable aujourd’hui à tous les niveaux dans le secteur de l’Education nationale afin de l’assainir, relever le niveau en améliorant par exemple les conditions des enseignants et des apprenants !

Moussa Bolly