Le week-end dernier et le début de la semaine ont été riches en manifestations à travers le monde contre la nouvelle découverte en Libye, devenue marchand d’esclaves. Après Paris, la ville de Montréal au Québec, les Bamakois ont regagné, hier lundi, le front de la contestation contre qu’ils qualifient « la tragédie du siècle » à travers un sit-in grand devant l’Ambassade de la Libye à Bamako.
Avant eux, plusieurs chefs d’Etats africains avaient fait parvenir au monde entier leurs condamnations à travers des communiqués. Le président de l’Union africaine (UA), Alpha Condé, a notamment exprimé «son indignation face au commerce abject de migrants qui prévaut en ce moment en Libye» et a invité les autorités libyennes à ouvrir une enquête. Le président nigérien Mahamadou Issoufou a demandé à ce que le sujet soit mis à l’ordre du jour du sommet Union Africaine – Union européenne des 29 et 30 novembre en Côte d’Ivoire.
À ces réactions directes s’est ajoutée la déclaration du haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, qui ne réagissait pas directement au reportage de CNN. Le 14 novembre, Zeid Ra’ad Al Hussein a dénoncé cet «esclavage des temps modernes», ajoutant que la communauté internationale ne peut plus «prétendre que la situation ne peut être réglée qu’en améliorant les conditions de détention». Le haut-commissaire a notamment dénoncé l’aide de l’Union européenne, et en particulier de l’Italie, aux gardes-côtes libyens pour empêcher les traversées de migrants en Méditerranée en les ramenant en Libye.
Pour ce qui est du Mali qui compte 23 244 migrants, les autorités à travers le ministère en charge des Affaires étrangères ont interpellé l’Ambassadeur de la Libye afin de trouver une solution rapide à la catastrophe.
La complicité des dirigeants africains ?
Mais, au-delà de ces condamnations qui fusent de partout, la triste situation des migrants africains en Libye remet à la surface un problème fondamental du continent qui a été toujours fuit par ses dirigeants. A savoir, la précarité des populations africaines notamment celles de la frange juvénile, majoritairement victime de cette situation. La migration n’est pas un choix pour beaucoup d’entre eux, mais un passage obligatoire pour échapper à la misère de leur pays d’origine. Désespérés d’un avenir meilleur au pays, rien ne semble plus les arrêter sur le chemin de la migration. Car, chez eux, les dirigeants sont incapables de les occuper afin de mener une existence digne.
Selon Salif Traoré, le leader du célèbre groupe ivoirien Magic System, il est temps que les dirigeants africains s’engagent pour améliorer les conditions de vie des jeunes en Afrique en vue de les maintenir sur place. « car ces jeunes fuient la misère de leurs différents pays», a-t-il déclaré.
«C’est une double indignation, un cri de coeur: je suis indigné de voir les enfants d’Afrique mourir sous les océans en essayant de trouver des lendemains meilleurs», a-t-il ajouté. Pour lui, c’est la plus grosse « humiliation pour l’Afrique» de toute l’histoire.
Même approche pour Boubou Doucouré, un des manifestants lors du sit-in de Bamako. « Nous sommes là aussi pour interpeller nos gouvernants sur leur part de responsabilité dans cette crise migratoire parce qu’il est important que nos gouvernants comprennent que tant qu’il n’y aura pas la justice sociale, que tant que les Maliens n’auront pas accès à l’eau, à certaines conditions de vie, dans un cadre de vie décent, nos jeunes seront toujours tentés d’aller vers l’extérieur », s’indigne le manifestant.
C’est dire que la honte infligée à l’Afrique suite à cette affaire a pour principaux auteurs, ses propres dirigeants.
Arriveront-ils à laver l’affront pour l’honneur de tout le continent? La balle est dans leur camp.
Youssouf Z KEITA
Correspondant local Diasporaction