«Tout le monde veut le paradis.
,Mais personne ne veut payer le prix.
Et, nous les Africains nous voulons tous le paradis. Mais personne ne veut payer le prix…» !
C’est ce que dit le reggaeman Tiken Jah Fakoly dans «Le prix du paradis» («Dernier Appel» !
Au Mali, nous voulons tous le changement, mais personne ne veut en faire les frais et en payer le prix.
La facture c’est pour les autres et les retombées positives pour nous tous.
C’est ainsi qu’il faut analyser le bras de fer entre le gouvernement et des syndicats de transport par rapport au paiement des péages.
Aujourd’hui, la refondation de l’Etat est sur toutes les langues, au centre de tous les débats et au cœur de nombreuses polémiques.
Et pourtant, nous devons toujours avoir à l’esprit que si cette refondation est aujourd’hui indispensable, c’est en partie à cause de nos comportements individuels et collectifs, notre insouciance vis-à-vis du bien public, notre indifférence aux valeurs qui faisaient du Soudanais et du Malien une personne très respectée partout dans le monde…
On a beau avoir les meilleurs textes du monde, les meilleures institutions de la planète, si l’élite se montre irresponsable et que le peuple ne fait pas preuve de civisme, ils ne serviront à rien.
C’est pourquoi le changement de nos comportements est fondamental dans la réussite de cette refondation.
Tout comme le fait que chacun comprenne que les reformes ont un coût et que chacun doit payer sa part de la facture.
Ce qui nous amène à évoquer le calvaire que des syndicats de transport et des commerçants font régulièrement subir aux Maliens, notamment aux Bamakois,
sous prétexte que le gouvernement a changé le mode de paiement des péages.
En effet, après plusieurs reports, l’application de la tarification par passage au poste de péage a commencé le 1er mars 2021 sur toute l’étendue du territoire national avec une dérogation accordée aux minibus «SOTRAMA» dont le paiement a été révisé à 2000 FCFA par jour et par poste. N’empêche que cette mesure fait encore grincer les dents.
Et pourtant, la même mesure est entrée en vigueur dans de nombreux pays de l’espace Uemoa sans qu’on ne crie au scandale. Dans ces pays, on a sans doute compris que la construction des routes et leur entretien est au-dessus des moyens de nos Etats.
Ici, au Mali, tout le monde réclame de bonnes et de belles routes sans jamais se soucier de leurs coûts et comment les financements sont mobilisés.
En se rebellant contre le paiement des péages, c’est comme si notre génération refuse d’assumer sa part dans la construction nationale et endette lourdement les générations futures.
Oui, le pays doit s’endetter auprès des Partenaires techniques et financiers (PTF) pour réaliser des routes et les entretenir.
Des efforts pour la transparence dans la gestion des recettes
Il est vrai que nous avons tous déploré voir dénoncé (surtout au moment où les artères et les rues de la capitale étaient devenues des nids de poule) le manque total de transparence dans la gestion des fonds d’entretien routier, surtout de l’utilisation réelle faite des recettes des péages.
Mais, les autorités de la Transition semblent vouloir jouer à la transparence et à l’efficacité.
C’est ainsi que le 30 mars dernier, le ministre des Transports et des Infrastructures a annoncé que plus de 3,7 milliards de F Cfa vont être investis dans le programme d’entretien des routes d’intérêts régional, local et communal au titre de 2021.
Ce programme d’entretien couvrant des routes de l’exercice 2021, selon le ministre Makan Fily Dabo, va couvrir l’ensemble des régions du Mali et portent sur un réseau routier total de 4 780 km, dont 353 km de routes bitumées (7,38 %) et 4 427 km de routes en terre (92,62 %).
Et, s’il est correctement exécuté, ce serait sans doute une première depuis de longues années.
Et les populations doivent y veiller d’autant plus que la construction et l’entretien des routes d’intérêt régional, local, et communal relève désormais des compétences des présidents des conseils régionaux et des autorités intérimaires.
Mieux, le département des Transports et des Infrastructures a récemment déclaré que le paiement de la redevance péage en cours actuellement, contribue à hauteur de 4 milliards de FCFA par an, soit seulement 10% du budget annuel consacré à l’entretien routier.
Les besoins de plus en plus croissants en entretien routier sont évalués à plus de 100 milliards F CFA par an. Et ils ne sont couverts qu’à 20% par les fonds d’entretien routier.
Une situation qui contribue à l’augmentation exponentielle desdits besoins d’entretien routier parce que plus une route se dégrade, plus l’entretien est coûteux.
D’où la nécessité de réviser le mode de paiement du péage conformément aux normes internationale de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA).
Une organisation d’intégration sous-régionale qui, à l’issue de sa 34e session ordinaire du Conseil d’administration de l’Autorité routière (tenue le 27 juin 2019), a recommandé l’application du mode opératoire par passage en matière de paiement de la redevance péage.
Autrement, si jusque-là le ticket avait une validité de 24h à 72h pour respectivement les véhicules légers et les camions poids lourds, avec la nouvelle directive l’usager paye la redevance autant de fois qu’il traverse un poste de péage.
Un patrimoine routier qui a un soutien financier conséquent pour son entretien
Pour les responsables du département, il ne s’agit pas d’un nouveau système de péage mais de l’application des dispositions des arrêtés interministériels N°08-1388 à N°08-1397 du 14 mai 2008 qui ont créé dix postes de péage et fixé les taux du péage perçu à chaque passage des véhicules assujettis au paiement du péage, en fonction de leurs catégories.
La perception par passage a été différée jusqu’en 2021 et, depuis 2019, des campagnes de communication et de sensibilisation ont été initiées pour informer et sensibiliser les acteurs sur la nécessité de cette mesure et ses enjeux socioéconomiques.
Son application a été décidée suivant une délibération du Conseil d’administration de l’Autorité routière présidée par le président du Conseil malien des transporteurs routiers et comprenant en son sein les chargeurs et les transporteurs professionnels…
Rappelons qu’avec un réseau routier de près de 25 000 Km constitué de 6 000 km de routes bitumées et 19 000 km de routes en terre, le Mali est l’un des pays de la sous-région, qui ait beaucoup investi dans la construction des infrastructures routières durant ces 20 dernières années.
Malheureusement, ce grand patrimoine routier souffre d’un manque de soutien financier conséquent pour son entretien. Et, pour les partenaires du Mali, sans mécanisme d’autofinancement de l’entretien routier, ils ne financeront plus la construction de nos routes.
Il faut donc consentir des sacrifices pour respecter le principe du péage par passage.
Chacun doit l’accepter comme effort individuel et collectif de soutien au désenclavement du pays.
Aujourd’hui, le rêve ou la volonté de bâtir un Mali nouveau doit être à la hauteur de l’engagement personnel de chacun.
Soixante ans après l’indépendance, nous ne devons plus être à l’aise d’endetter les générations futures même pour la réalisation et l’entretien des pistes rurales.
Toutes les grandes nations ont été bâties sur les sacrifices individuels et collectifs.
Et comme le dit toujours Moussa Doumbia alias Tiken Jah Fakoly dans «Le prix du paradis» (Dernier Appel) rien ne tombera du ciel.
Ainsi, si nous voulons avancer, il nous faut nous battre comme «ils (pays riches) l’ont fait, il y a longtemps».
Et cela, ajoute l’artiste et panafricaniste engagé, parce que «aucune moisson ne se récolte sans que quelqu’un ne l’ai semée ; aucun espoir pour nos révoltes si personne ne veut les mener» !
Autant il faut mourir pour aller au paradis, autant il faut suer pour bâtir une grande et puissante nation.
Et payer les péages n’est qu’un infime sacrifice pour y parvenir un jour.
Quitte maintenant à instaurer un mécanisme efficace et rigoureux de veille citoyenne pour que les fonds soient judicieusement utilisés !
Naby