22 Septembre: L’Assemblée nationale vient de participer à la rencontre du Groupe de contact de Ouagadougou. Ce forum a-t-il été une réussite ou un échec?
Assarid Ag Imbarcawane: Le sommet des chefs d’Etat s’est tenu à Ouaga le samedi 7 juillet 2012. En tout cas, pour moi, il a été une réussite. C’était un sommet d’un niveau politique extrêmement élevé. Je pense que tous ceux qui ont été là-bas, que ce soit l’Assemblée nationale, le Haut conseil des collectivités, les partis politiques représentés ou non à l’Assemblée nationale, la société civile, la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, le Conseil national de la jeunesse, ont transmis le message qu’ils souhaitaient transmettre aux chefs d’Etat qui forment ce Groupe de contact. Il s’agit du Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, du Président de la Côte d’Ivoire, Président en exercice de la CEDEAO, Alassane Dramane Ouattara, du Président du Bénin et de l’Union africaine, Thomas Boni Yayi, du Président du Togo, Président de l’UEMOA, Faure Gnassimbgé, du Président du Niger, Mahamadou Issoufou, très concerné par le problème du Mali, du Président Goodluck Jonathan du Nigéria. Tous ces chefs d’Etat ont accepté de faire le déplacement, naturellement avec le représentant du Président de la transition et du Premier ministre maliens, Mme le ministre des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration Africaine. Cette conférence s’est très bien déroulée. Je pense que vous avez écouté les résolutions. Contrairement à ce que les gens pensaient, nous ne sommes pas allés à Ouaga pour former un gouvernement. Nous sommes partis faire le point, avec ces chefs d’Etat, des acquis par rapport à la gestion de la crise et des perspectives d’avenir. Voilà pourquoi nous avons été à Ouaga.
En quoi la rencontre a-t-elle été utile?
La réunion a été utile pour la simple raison qu’il y a eu des missions précises qui ont été confiées aux uns et autres. Il y a des missions qui doivent être exécutées par le Groupe de contact de la CEDEAO et d’autres qui ont été très clairement confiées au Président de la transition et au Premier ministre. Je pense que c’est ça qu’il faut retenir. Naturellement, tout cela doit faire l’objet de concertations entre les deux plus hautes autorités de notre pays, les partis politiques, la société civile et l’armée. On ne peut rien faire dans notre pays sans l’armée
Le communiqué final de cette rencontre parle de gouvernement d’union nationale. Au même moment, le porte-parole du gouvernement laisse entendre que celui-ci ne sera pas ouvert aux gens qui leur sont hostiles. Qu’en pensez-vous?
D’abord, il a été dit au cours de la réunion, par le ministre des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, comme message du Premier ministre, qu’il était prêt à ouvrir le gouvernement mais qu’il n’était pas prêt à faire entrer des gens qui sont hostiles à la transition ou qui sont hostiles à l’équipe gouvernementale actuelle. En tout cas, on ne sait hostile à qui? Ensuite, le Porte-parole du gouvernement a repris la même chose. Je pense, pour ma part, à la situation dans laquelle se trouve le Mali aujourd’hui, non seulement au niveau de Bamako, où nous connaissons une crise institutionnelle que nous n’avons jamais connue, mais aussi à la crise du nord, où nous avons des régions entières qui sont occupées par des groupes armés intégristes, salafistes. Aucun Malien ne doit être hostile à un autre. Je pense que, de la part d’un Porte-parole du gouvernement, cela ne devait pas être dit. Ce sont vraiment des bêtises, il ne devait pas tenir de tels propos. Le gouvernement, c’est le gouvernement de la République, de tous les Maliens. Dans la situation actuelle, nous ne sommes pas dans une situation normale ou dans des conditions normales, où nous aurions une majorité et une opposition. Nous ne sommes pas dans ce contexte. Le gouvernement n’a pas présenté de Déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale pour savoir qui est contre lui. C’est un gouvernement de transition. Dans les conditions normales, personne ne doit être hostile à un gouvernement de transition. Tout le monde doit faire en sorte que la transition marche. Donc, ce genre de déclaration creuse davantage de fossés entre les Maliens. Et pour ma part, très honnêtement, j’estime qu’on doit arrêter de faire ce genre de déclaration. Pour moi, personne ne peut être hostile ni au Premier ministre, ni au gouvernement. Quelle que soit la nature du gouvernement et des hommes qui animent celui-ci dans la situation actuelle. Ce que nous voulons, ce sont des hommes qui soient là pour faire le travail à eux demandé par le peuple malien. Nous avons besoin seulement de régler la crise institutionnelle ici, nous avons besoin de rapidement récupérer les régions occupées et nous avons besoin d’organiser des élections libres et transparentes sur l’ensemble du territoire, pour sortir notre pays de la crise. Je crois que de tels propos, on doit les arrêter. On doit arrêter de parler d’hostilité vis-à-vis de quelqu’un. C’est un langage avec lequel, personnellement, je ne suis pas d’accord et je ne serai jamais d’accord. Je parle en mon nom. Je ne suis pas d’accord qu’un porte-parole du gouvernement dise qu’ils ne vont jamais y mettre des gens qui leur sont hostiles. Ce ne peut être que des Maliens. Ce n’est pas un gouvernement qui est fait dans les règles de l’art. Ce n’est pas un gouvernement issu d’élections transparentes. Donc, personne ne doit lui être hostile. Je pense très honnêtement que si les gens ont le souci d’amener les Maliens à s’entendre, pour faire aux défis auxquels notre pays fait face aujourd’hui, on doit cesser de tenir de tels propos.
Selon vous, à qui s’adressaient-t-ils?
Je ne sais pas. En tout cas, moi, je ne suis pas hostile au gouvernement. Je ne connais et n’ai jamais rencontré quelqu’un qui est le soit. Au contraire, tout ce que le gouvernement a demandé, aux uns et autres, les gens l’ont fait. Donc, je ne sais pas comment on se lever un beau matin et dire que les gens sont hostiles au gouvernement. Je ne comprends pas. Je n’ai jamais entendu cela. Je suis dans les rouages administratifs et politiques depuis 40 ans, je n’ai jamais entendu de tels propos. Je pense qu’ils doivent cesser. Les gens sont obligés de travailler ensemble. S’ils ne font pas, eh bien ce pays ne s’en sortira pas.
Au moment où le Comité d’évaluation de la CEDEAO se trouve à Bamako, le gouvernement annonce la mise en place d’une force spéciale de 1 200 hommes pour sécuriser la transition. Que vous inspire cette mesure?
Je pense que tout cela est prévu par l’Accord cadre. L’aspect militaire de la crise doit être réglé par le gouvernement en rapport avec la CEDEAO. Ce que nous avons dit à Ouaga, c’est que nous devons appuyer simplement l’armée malienne. Si une force militaire doit venir nous aider à récupérer les régions du nord, ce sera en appui aux forces armées et de sécurité maliennes. Il est possible que notre armée, si on lui donne les matériels nécessaires, fasse des choses auxquelles les gens ne pensent pas. Notre armée n’est pas suffisamment équipée et formée. Les militaires qui vont faire l’évaluation, c’est une très bonne chose. Je pense qu’à la fin, les forces armées et de sécurité, le ministère de la Défense, le gouvernement et la CEDEAO se mettront d’accord sur ce qu’il faut faire, non seulement au niveau des organes de la transition mais aussi pour récupérer les régions du nord. Ils ont dit qu’ils ont formé une unité spéciale pour sécuriser pour les organes de la transition. Je pense que, quand un gouvernement dit cela, nous, en tant parlementaires, on ne peut que lui faire confiance. Les gendarmes, les policiers et les gardes dont il a parlé sont des Maliens. Si les Maliens sont décidés à sécuriser les organes de transition, ils le feront.
Avez-vous un mot à dire sur la concertation que la COPAM, le mouvement IBK 2012 et leurs alliés projettent d’organiser ce week-end?
Je pense que tout ce qui n’est pas organisé sous l’égide du gouvernement ou du Président de la République ne doit pas être fait. C’est-à-dire que, même si nous avons une convention, un forum, un congrès ou une concertation, il faut que ce soit sous l’égide des autorités en place. Ainsi, les résultats qui en sortent sont ceux de tous les Maliens. Les gens sont libres de prendre leurs décisions, mais tant que ce n’est pas sous l’égide des autorités maliennes et en accord avec la classe politique, cela ne fait que diviser davantage les Maliens. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Les gens qui occupent aujourd’hui Gao, Tombouctou et Kidal sont un danger pour l’ensemble du monde, pas pour le Mali seulement. D’autres viennent grossir leurs rangs tous les jours. Je ne sais même pas si l’on mesure le danger auquel notre pays est confronté, comme les pays de la sous-région. La situation est très grave et les gens ne mesurent pas sa gravité. On fait du bruit comme si la situation était normale. Moi qui suis en train de vous parler, j’ai attiré l’attention, tant sur le plan national qu’international, sur les risques que courait le Mali après le conflit libyen, il y de cela un an. Je savais qu’il allait avoir des répercussions sur le Mali, qu’il allait créer des problèmes dans le Nord du Mali et nous empêcher d’allers vers des élections libres et transparentes, conformément au calendrier prévu.
Interview réalisée par Youssouf Diallo
22 Septembre