Le nouvel attelage gouvernemental tant attendu par les Maliens, a été dévoilé le jeudi, 7 juillet 2016. Indiqué pour donner un nouveau souffle au travail gouvernemental en faisant face avec efficacité aux défis urgents, le troisième gouvernement de Modibo Kéita arrive déjà très essoufflé, mal emmanché. Au lieu de donner une nouvelle dynamique à l’action du président de la République à un tournant, le pouvoir amorce un virage raté, à l’heure des défis gigantesques comme la refondation de l’Etat avec les changements irréversibles au plan politique et institutionnel : le renforcement du processus de paix avec la mise en place des autorités intérimaires, le déroulement du Mécanisme opérationnel de coordination (Moc), le cantonnement et la démobilisation des ex-combattants, la révision constitutionnelle etc.
Le nouvel attelage gouvernemental du Premier ministre Modibo Keïta est composé de 34 ministres, 2 de plus que l’ancienne équipe. En plus du traditionnel jeu de chaise musicale, 7 ministres ont été remerciés et 9 font leur entrée dans le gouvernement. Ce gouvernement, le cinquième du président IBK, et le troisième de Modibo Keïta, porte l’empreinte de l’accord de paix avec l’entrée de leaders des groupes armés impliqués dans le processus de paix au Mali. Cela en fait-il pour autant un gouvernement conforme à l’esprit de l’accord de paix, au parfum de la nécessaire conférence d’entente nationale?
Non, le nouvel attelage n’a pas pris en compte les suggestions de concertations nationales proposées par l’opposition. Ce qui aurait pu nous éviter le clash précoce avec les groupes armés de la CMA, qui met en évidence les malformations congénitales d’un gouvernement à la césarienne. En filigrane, les ex rebelles indiquent que Nina Wallet Intalou qui est pourtant une figure emblématique de la rébellion indépendantiste, ne représente au gouvernement qu’elle-même, faute de concertations pour le choix des ministres.
Ce qui laisse croire que la composition du gouvernement n’est pas terminée. L’entrée de Nina Walett Intallou, cadre de la CMA et celle de Mohamed El Moctar, leader du MAA Tabankhore (Plateforme) dans le gouvernement est sans doute une mesure de confiance conforme à l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Cependant avec le ton donné par la CMA qui dénonce le choix par Bamako du membre devant siéger au gouvernement, Nina Wallet Intalou va-t-elle jeter l’éponge ou d’autres membres des groupes armés vont-ils la rejoindre au gouvernement.
Comme ce fut le cas lors de la composition de la Commission justice vérité réconciliation ou d’une douzaine de membres, à la suite d’une première composition à l’emporte pièce, on s’est retrouvé à plus de 25 membres. Suivant ce même scenario, les groupes armés ont toutes les chances d’envoyer d’autres membres au gouvernement, cette fois-ci désignés par les groupes armés. Le président IBK risque de payer la rançon de la précipitation, de la gestion partielle et de l’absence de concertations nationales dans le traitement des dossiers de la Nation.
Rien de nouveau sous le soleil, pourrait-on dire, le pouvoir actuel étant passé pour maître dans l’art des remaniements, réajustements et réaménagements gouvernementaux. En 34 mois de règne à Koulouba, IBK en est ainsi, à son cinquième gouvernement avec trois Premier ministres. L’actuel Premier ministre Modibo Kéita est à son troisième attelage, sans qu’un seul puisse montrer des signes de satisfaction face aux nombreuses préoccupations des Maliens. Pour les observateurs politiques avisés, on est en présence d’une instabilité politique sans précédent.
Record de l’instabilité
Pendant 34 mois, les Maliens ont assisté au tâtonnement, à l’improvisation, à la corruption et à la gabegie financière jamais égalée. Les maliens sont toujours dans l’expectative même après la signature de l’accord de paix : plus de 400 morts. De nombreuses familles sont devenues orphelines, d’autres disloquées. Le peuple continue de vivre dans le désarroi et l’avenir est incertain.
Ce nouveau gouvernement, le cinquième d’Ibrahim Boubacar Kéita et le troisième de Modibo Kéita insuffle-t-il l’espoir pour une paix durable ? Est-il en mesure de faire face aux tâches qui l’attendent ? Il n’est plus question, et les Maliens sont alertes là-dessus, de jouer à la tortue ou de tourner en rond.
IBK n’a plus le choix, il faut un renouveau de l’action gouvernementale, et son ancrage dans la mise en œuvre d’une feuille de route claire de la vision du président de la république. A cet effet le nouveau gouvernement devrait être en mesure de prendre le taureau par les cornes pour redorer enfin le blason du président de la république et donner un sens à son élection à la magistrature suprême avec 77% des suffrages exprimés en sa faveur. Pour cela les Maliens attendaient un gouvernement plus robuste, plus puissant par sa force de frappe, sa cohésion et la caution de crédibilité tirées des nécessaires concertations préalables des composantes de la nation. La montagne des attentes a accouché d’une souris, ouvrant d’autres fronts dans le processus de paix. A suivre.
Madiassa K. Diakité
Fakara Fainké
B.Daou