Alors que la lutte contre le terrorisme ne cesse de s’embourber dans les sables mouvants du grand désert du Sahel, des voix s’élèvent de part et d’autre de la Méditerranée pour décrier la présence militaire française dans la zone. A quoi rime la présence d’un si important dispositif militaire si le résultat est proche du médiocre ? Aujourd’hui, en jetant un bref regard dans le rétroviseur, l’on se rend compte que la France, pays majeur dans le concert des Nations, a terriblement mal géré le dossier malien.
Le lundi 25 novembre 2019 mourraient au nord malien 13 soldats français lors d’une opération contre des narco-jihadistes. Un lourd bilan qui fait désormais du Mali, le troisième théâtre des opérations le plus meurtrier pour la France (40 morts selon le site CheckNews) après l’ex Yougoslavie et l’Afghanistan. Un hommage appuyé et poignant leur a été rendu le lundi 02 décembre en présence du président IBK. Cependant, 7 ans de présence militaire au Mali plus tard, la guerre contre le terrorisme s’enlise. Certes, la guerre asymétrique est une forme de guerre de longue haleine et très difficile à mener, sans oublier également le cout financier de toute opération militaire de grande envergure. Mais, un si grand pays comme la France, avec une si importante expérience dans le domaine de la géopolitique et de la diplomatie, devait beaucoup mieux gérer le dossier malien et du Sahel.
Pour comprendre cela, il faut remonter au début de la présence militaire française au nord malien, lorsque les troupes de Serval, non sans mener une lutte acharnée et ardue face à des terroristes lourdement armés, gagnaient la bataille du sauvetage de tout un pays d’un ordre politique anarchique sous couvert de la Charia. A l’époque, la France de Hollande était saluée, admirée, adulée. Les 2/3 du territoire national ont été libérés en un temps record. Mais, Kidal fut la première grande erreur de la France dans le dossier malien. Ordre a été intimé aux soldats maliens de ne point mettre les pieds dans la cité interdite, fief des rebelles du MNLA et ancien quartier général du groupe terroriste Ansar Dine. Une situation aussi bizarre que révoltante car même si le pays avait eu du mal à être présent dans la zone, il méritait d’y être, ne serait-ce que pour marquer la reconquête du pays.
De là, les rebelles indépendantistes, alliés des groupes terroristes, ont trouvé un second souffle grâce au parrain français. Le très ancien pacte entre le dernier soldat français à avoir quitté Kidal et la tribu touareg des ifoghas y serait pour quelque chose, allez savoir ! Et de manière totalement incompréhensible, la France impose au Mali des pourparlers de paix avec des rebelles. Pourparlers qui seront sanctionnés au bout de 7 longues phases d’un Accord dit de paix et de réconciliation. Si négociation il devait y avoir dans la crise malienne, ce serait avec les narco-terroristes qui étaient les vrais maitres des lieux. Trop de temps et d’argent gaspillés pour un sujet qui ne valait même pas un grand du sable du désert. En sauveur du pays, la France aurait dû proposer aux rebelles deux options, soit de réintégrer la République, soit se faire appliquer la Justice pour terrorisme et autres crimes du genre.
Pendant ce temps, les terroristes ont eu le temps de se remobiliser et leur voilà de retour dans un art de guerre qu’ils maitrisent parfaitement, la guerre asymétrique. Quelle mouche a donc piqué l’Elysée et le Quai d’Orsay pour faire des choix aussi peu inspirés ? Ont-ils sous-estimés la crise malienne ? Ont-ils manqué d’anticipation sur le plan de la géopolitique ? Et que dire de l’éclatement de la crise libyenne qui fut l’étincelle de l’embrasement du nord malien ?
Comme si cela ne suffisait pas, Barkhane est de plus en plus remise en cause en France. Les ressortissants de ce pays aimeraient bien que les ressources affectés au militaire servent au civil. Au Mali, le sentiment anti-français ne cesse de grandir. L’on accuse l’Hexagone de piller les richesses du grand nord du pays. La guerre contre le terrorisme ne serait qu’un grand tissu de mensonge pour mieux exploiter les ressources du sous-sol malien. La réhabilitation des rebelles participeraient à cette grande supercherie.
Ainsi, la France se retrouve piégée, elle qui naïvement pensait régler le dossier malien dans un laps de temps. Aujourd’hui, le dossier est devenu sahélien et le chantier de la lutte contre le terrorisme est immense. La France a beau crié à l’aide, la communauté internationale fait la sourde oreille. Le Mali, bien que noyé dans les turbulences de sa mauvaise gouvernance, méritait bien plus d’égard qu’une horde de rebelles alliés de narco-terroristes. Certainement, si elle le pouvait, la France retournerait en arrière et remettrait l’Etat défaillant du Mali à sa juste place, grâce à sa légitimité.
Ahmed M. Thiam