Chaque camp fête donc cette date à sa manière. Alors que les autorités ukrainiennes ont donc prévu un important défilé militaire dans les rues de Kiev, en forme de démonstration de force à l’attention de Moscou et des rebelles, les séparatistes de Donetsk organisent leur propre rassemblement avec les trophées pris à l’ennemi.
Comment faire la fête alors que le pays est en guerre ? De nombreux Ukrainiens s’interrogent à l’image de Uliana Cheliuskina, qui dirige l’ONG « Mouvement européen pour l’Ukraine ». « La plupart des gens ne comprennent pas vraiment ce qui se passe, et ils ne voient que des problèmes, des problèmes, des problèmes, explique Uliana. Pour la plupart ils ne soutiennent pas les évènements qui sont organisés pour la journée de l’Indépendance, parce que je pense que ça fait au moins deux ans qu’il n’y a pas eu de la parade ce jour-là. Du coup c’est un peu surprenant en ce moment, alors qu’il y a la guerre dans l’Est, d’avoir ces célébrations à Kiev ».
Effectivement, il n’y avait pas eu de célébration de l’indépendance depuis 2009. Néanmoins Uliana admet que cette fête d’anniversaire peut réveiller la conscience nationale. « Au début, je pensais que ce n’était pas le moment pour une célébration quelle qu’elle soit, nous vivons une époque très triste et nous n’avons pas besoin d’une célébration, ajoute t-elle. Mais peut-être à cause de mon optimisme naturel, j’ai décidé de changer de position : aujourd’hui nous avons besoin de ce patriotisme, qui peut unifier notre nation, et peut-être réveiller la conscience ukrainienne ».
Parade d’armes saisies à l’armée régulière à Donetsk
Pas de trêve en ce dimanche à Donetsk, où un hôpital a été touché dans la matinée par un bombardement mais sans faire de victimes, rapporte notre envoyé spécial, Daniel Vallot. Le personnel de l’hôpital a évacué les patients sur des brancards dans les sous-sols de l’établissement. Les tirs d’artillerie lourde visent de plus en plus souvent des cibles dans le centre de Donetsk et font donc davantage de victimes civiles. La population accuse l’armée ukrainienne de tirer à l’aveugle vers le centre-ville pour terroriser les civils.
Pour les indépendantistes pro-russes, cette date du 24 août est à marquer d’une pierre noire car elle rappelle l’effondrement de l’Union soviétique. Pour les partisans de la République auto-proclamée de Donetsk, l’indépendance de l’Ukraine est une erreur historique qu’il s’agit de réparer en prenant les armes contre le gouvernement de Kiev, contre « l’agression fasciste ukrainienne » selon l’expression utilisée par les indépendantistes.
Des prisonniers de guerre exhibés
La parade organisée aujourd’hui est l’occasion de montrer que les rebelles peuvent faire face aux troupes gouvernementales. Des blindés ukrainiens détruits par les forces rebelles ont eu la vedette, trophées de guerre destinés à montrer aux habitants de Donetsk que les troupes rebelles sont en mesure de faire face à l’armée ukrainienne et cela alors même que l’étau se resserre, chaque jour davantage, autour de leurs positions.
Autres trophées de guerre, des dizaines de soldats de l’armée ukrainienne ont été exhibés place Lénine. En uniforme de l’armée ukrainienne, certains le visage bandé, ils ont parfois été insultés par les badauds, notamment aux cris de « fascistes ». Une initiative en violation de l’article 13 de la Convention de Genève qui interdit d’exposer des prisonniers à la curiosité publique. Tous les chefs indépendantistes n’étaient d’ailleurs pas favorables à ce défilé de prisonniers qui fait écho, rappelle notre envoyé spécial à la Marche des vaincus organisée en 1944 par l’armée rouge à Moscou.
Néanmoins ils n’étaient que quelques centaines de personnes ce dimanche à assister au défilé de Donetsk : des combattants des forces indépendantistes et des habitants venus les soutenir. Quelques centaines de personnes, c’est peu rapporte notre envoyé spécial mais il ne faut pas oublier que les gens se terrent chez eux par peur des tirs. Selon l’AFP, les indépendantistes ont également présenté des prisonniers de guerre ukrainiens.
Samedi les badauds affluaient, et c’est un milicien en uniforme qui assurait la visite. « Là c’est un lance-roquettes Grad… là ce sont des blindés de combat, et là un véhicule de transport de troupes, et puis là derrière, il y a un canon longue portée… Tout ça appartenait à l’armée ukrainienne. Ce que nous voulons, c’est montrer les engins de guerre avec lesquels ils tirent sur nos villes ». Talons aiguilles et lunettes noires, Irina est venue avec une amie admirer les blindés détruits par les rebelles et lance « Je suis fière à 100% et je suis heureuse de voir ça malgré toutes les difficultés que nous traversons ! de toute façon nous allons vaincre, parce que nous avons Dieu et la vérité avec nous ».
RFI