En Afrique, plusieurs présidents de fédérations de football se retrouvent derrière les barreaux.

Sur le continent, cinq dirigeants d’instances nationales du ballon rond sont actuellement sous les verrous. Certains pour des affaires de délinquance financière, d’autres pour des faits plus graves.

On peut être incarcéré ou en fuite à l’étranger et continuer de diriger une fédération de football. Au Mali, l’instance est présidée par Mamoutou Touré, réélu le 27 août 2024 quelques semaines après son incarcération. L’ancien patron du football malgache, Raoul Rabekoto, a quant à lui quitté clandestinement son pays pour l’Europe, d’où il a continué à exercer son mandat pendant plusieurs années.

Si plusieurs présidents ou ex-présidents ont eu des ennuis avec la justice de leur pays pour des faits de délinquance financière pas toujours en lien avec leur mandat, d’autres sont accusés de faits plus graves. C’est le cas du Centrafricain Patrice-Edouard Ngaïssona, accusé de crimes contre l’humanité et détenu à la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, aux Pays-Bas.

Wadie Jary (Tunisie)

Depuis le 9 mars et la fin du mandat de Wadie Jary, la Fédération tunisienne de football (FTF) n’a plus de président. L’instance a été placée sous tutelle de la FIFA, via l’installation d’un comité de normalisation chargé de préparer la prochaine élection. M. Jary avait été arrêté en octobre 2023, après le dépôt d’une plainte de Kamel Deguiche, ministre des sports de l’époque.

Wadie Jary, qui fut joueur professionnel puis président de l’US Ben Guerdane, était dans le collimateur de la justice tunisienne depuis plusieurs mois. Au début de l’année 2023, il lui avait été signifié une interdiction de sortie du territoire, l’empêchant notamment d’assister au congrès de la FIFA à Kigali (Rwanda).

Ce médecin de formation, qui est écroué à la prison de Mornaguia, à une quinzaine de kilomètres de Tunis, avait été interpellé pour la supposée irrégularité d’un contrat signé entre la FTF et un directeur technique. Mais Wadie Jary est également visé par des enquêtes pour des suspicions de matchs truqués, de blanchiment d’argent, de corruption et de détournement de fonds. La date de son procès n’a pas été encore fixée. L’ancien président a aussi vu sa dernière demande de remise en liberté rejetée en avril.

Mamoutou Touré (Mali)

Mamoutou Touré, dit « Bavieux », est le seul président d’une fédération de football dans le monde à avoir été réélu tout en étant en prison. Arrêté le 9 août 2023, il fut confirmé dans ses fonctions alors qu’il était le seul candidat en lice. La FIFA ne s’est pas opposée à sa réélection, puisque les faits qui lui sont reprochés n’ont rien à voir avec la gestion de la Fédération malienne de football (Femafoot). La justice de son pays le soupçonne en effet « d’atteinte aux deniers publics, de faux et usages de faux et complicité » lorsqu’il était le directeur administratif et financier de l’Assemblée nationale, de 2013 à 2019. Les faits portent sur une somme de 26 millions d’euros.

Quatre autres personnes, membres comme lui du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, au pouvoir entre 2013 et 2020, avaient également été arrêtées et inculpées. Depuis sa cellule, où il reçoit les visites régulières des membres du comité exécutif de la fédération, Mamoutou Touré continue de gérer les principaux dossiers, dont la récente nomination du Belge Tom Saintfiet au poste de sélectionneur national. Il est actuellement hospitalisé dans une clinique de Bamako pour des raisons de santé.

Raoul Arizaka Rabekoto (Madagascar)

Sa fuite en Europe, en 2020, via les Comores et l’île de la Réunion, alors qu’il était interdit de quitter le territoire malgache, avait fait les grands titres de la presse de la Grande île. Raoul Arizaka Rabekoto, président de la Fédération malagasy de football (FMF), avait réussi à échapper aux policiers qui souhaitaient l’arrêter pour qu’il réponde devant la justice de ses actes lorsqu’il était directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnaps), de 2009 à 2018. Accusé d’avoir détourné environ 25 millions d’euros et visé par une enquête pour « abus de fonction, faux en écriture publique et usage de faux », l’homme a toujours plaidé son innocence depuis la France et la Suisse, où il s’est réfugié.

La FIFA, considérant que les faits n’étaient pas liés à l’exercice de son mandat à la tête de la fédération, n’était pas intervenue, et M. Rabekoto a continué à présider la FMF, en organisant des réunions par visioconférence. Il a finalement été remplacé à la tête de la fédération par Alfred Randriamanampisoa, en octobre 2023.

Condamné par contumace par la justice malgache à dix ans de travaux forcés et une amende de 105 000 euros, Raoul Arizaka Rabekoto vivrait désormais en France.

Patrice-Edouard Ngaïssona (Centrafrique)

L’ancien président de la Fédération centrafricaine de football (FCF), qu’il dirigeait depuis 2008, est détenu à La Haye (Pays-Bas), après avoir été arrêté en 2018 sur mandat de la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité ». Patrice-Edouard Ngaïssona est à la fois un homme d’affaires, un dirigeant sportif et une personnalité politique, puisqu’il fut député et ministre des sports de l’ex-président François Bozizé.

Le fondateur du Parti centrafricain pour l’unité et le développement (PCUD) fut aussi élu au comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF) en 2018, ce qui provoqua un certain malaise au sein de l’instance. Et pour cause : à cette époque, M. Ngaïssona était dans le collimateur de la CPI pour son rôle dans la guerre civile en Centrafrique, en tant que coordonnateur des milices anti-balaka, des milices d’autodéfense qui ont affronté la Seleka, une coalition de groupes rebelles qui a renversé le président Bozizé en 2013. Les demandes de libération de Patrice-Edouard Ngaïssona ont toutes été rejetées.

Mohammed Iya (Cameroun)

Quand il est arrêté au mois de juin 2013, Mohammed Iya, aujourd’hui âgé de 74 ans, est le directeur de la Société de développement du coton (Sodecoton) mais aussi le président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), qu’il dirige depuis 2000. Sous ses différents mandats, le Cameroun a remporté la Coupe d’Afrique des nations (2000 et 2002) et le tournoi masculin de football lors des Jeux olympiques de Sydney (Australie), en 2000.

La justice de son pays lui reproche des détournements de fonds publics à hauteur de 16,6 millions d’euros. Celui qui fut également cofondateur et président du Coton Sport de Garoua, un des meilleurs clubs du Cameroun, est condamné en 2015 à quinze ans de détention par le Tribunal criminel spécial (TCS) de Yaoundé.

Mohammed Iya est incarcéré à la prison centrale de Kondengui (ou prison centrale de Yaoundé), un établissement à la triste réputation, connu pour son surpeuplement carcéral et ses mauvaises conditions d’hygiène.

 Alexis Billebault

Le Monde Afrique

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