Son épicentre, Benghazzi l’irrédentiste de toujours, était devenu en quelques heures la ville-martyr de la révolution virale. Elle vivra en cinq jours une répression féroce et personne ne pourra dire exactement combien de Libyens sont tombés. Seïf el Islam relativise mais Human Rights Watch et les dépêches de presse insistent sur près de deux cent morts, des centaines de blessés, des hôpitaux débordés, bref une situation apocalyptique. « L’armée tire, le peuple avance », clament les commentateurs. Les unités spéciales de Benghazzi composées en partie de Touaregs maliens sont pointées du doigt. En colère, plusieurs manifestants dénoncent à la presse allemande et anglaise « les mercenaires maliens qui, sans état d’âme, ouvrent le feu sur la population ».
Réactions
Mais lundi après-midi, Benghazzi était une « ville libérée » selon ses habitants. L’armée et la police s’étaient retirées laissant la ville aux mains des manifestants. Entre temps, la grogne avait gagné d’autres villes, y compris la capitale Tripoli. Dimanche soir, en effet, des informations font état de postes de polices et de sièges de comités révolutionnaires brûlés. Les sièges d’une radio et d’une télé publiques sont saccagés. En plus de Tripoli, le ralliement de Syrte, -région natale du Guide,- et de Tobrouk est annoncé par la Fidh mais démenti par les sources proches du régime. Lundi soir, peu de nouvelles étaient vérifiables.
La plus importante d’entre elles est le départ sur le Vénézuela de Mohammar Khadafi annoncé par un ministre britannique aussitôt démenti par Caracas. Reste que les événements de la Libye ont entraîné plusieurs réactions. La Fidh et Hrw parlent carrément de massacres par l’armée et donnent un bilan de 300 à 400 morts. Paris trouve inacceptable l’usage disproportionné de la force contre les manifestants.
L’Union européenne lui emboîte le pas. Lundi, l’administration américaine, faisant savoir le mécontentement de la Maison blanche contre la répression, annonce qu’Obama est en train d’étudier toutes les « méthodes appropriées ». La Ligue Arabe s’émeut elle aussi de la brutalité de Tripoli. Son représentant libyen démissionne même pour se mettre du côté de la Révolution. Même chose du côté des ambassadeurs de Libye en Chine et en Inde.
Fait hautement significatif : le ministre de la justice de Khadafi, critiquant la répression, démissionne lui aussi. Si le marché du pétrole a réagi par une hausse, il est par contre difficile d’anticiper les relations entre l’Afrique et la Libye sans Khadafi l’Africain. Au Mali, en particulier où l’investissement libyen s’est accru ces dernières années, allant de l’hôtellerie à l’agriculture. Surtout, un des problèmes qui se poserait avec plus d’acuité pour notre pays, c’est la situation de plusieurs milliers de Touareg maliens enrôlés dans la sécurité du Guide mais qui pourraient être indésirables en Libye après lui.
Adam Thiam
22/02/2011