Et pour cause : plus elle accentue le dialogue avec la classe politique sur la question, plus elle s’enfonce davantage dans un labyrinthe et affronte prématurément les jalons de la contestation. À un point tel qu’on est même tenté de dire que le ver est déjà dans le fruit pour autant que la contestation tend à s’imposer comme un mal congénital des consultations électorales les plus attendues au Mali depuis 2002.
-Tisserands en pyromanie
De la redoutable tournure qui se dessine, les signaux les plus récents proviennent du RPM et de son président, Ibrahim Boubacar Keïta, auteur d’une sortie – dont la véhémence en dit long sur les relents belliqueux et l’agressivité susceptible d’émailler les prochaines élections. Tandis que les hautes autorités pensent avoir tourné la page de 2007, en associant notamment l’opposition à l’action gouvernementale – et s’effarouchent d’ailleurs du faible impact de la nouvelle donne sur la solidarité gouvernementale -, les Tisserands, par le truchement du principal maître à tisser, ont choisi de monter au créneau.
Non pour satisfaire positivement aux attentes d’un exécutif dont ils son partie prenante, pour démontrer qu’il existe bel et bien une ‘’exception consensuelle’’, une masse critique de conditions d’acceptabilité du processus électoral. La sortie du président du RPM dans ce sens est d’autant plus vicieuse et pernicieuse qu’elle tient lieu de sonnette d’alarme adressée à la fois à l’opinion nationale et aux arbitres internationaux des processus électoraux.
Ce faisant, le Rassemblement Pour le Mali déclenche pour le moins un feu qui certes couvait mais sans doute point inextinguible quoiqu’une majorité de la classe politique s’est affiché contre un fichier électoral autre que le RAVEC. Et ce n’est pas faute d’avoir tenté et espéré construire le consensus autour de l’unique alternative, en l’occurrence le Recensement Administratif à Caractère Electoral. Pour ce faire, les hautes autorités administratives, laissant apparaître en filigrane, leur préférence pour les listes en vigueur, ont évoqué une panoplie de contraintes pour argumenter l’impossibilité de disposer des nouvelles données du RAVEC comme instrument électoral des échéances de 2012.
Aussi les arguments développés sont-ils pour le moins rationnels, objectifs et réalistes. Il s’agit essentiellement de contraintes d’ordre constitutionnel, à savoir le respect des délais constitutionnels de transmission du pouvoir, la conformité au suffrage universel par la préservation du droit inaliénable des citoyens à l’expression du vote. En dépit d’une unanimité de la classe politique sur l’ensemble des contraintes sus-évoqués, l’écrasante majorité de ses composantes demeure intraitable sur le choix du RAVEC comme la plus vertueuses des références sine qua non de la tenue d’élections crédibles.
La sortie du Rassemblement Pour le Mali, d’un ton à peine distinct des instants les plus chauds de l’adversité politique en 2007, conforte davantage cette logique d’intransigeance avec notamment une intention manifeste d’enliser le processus électoral que de contribuer à y trouver une issue salvatrice.
• L’incorrigible impasse
Qu’elle paraisse malveillante ou qu’elle se justifie par une impréparation manifeste chez certaines composantes – comme l’estime le chef de l’Etat -, la posture de la classe politique n’en est pas moins rendue possible par les brèches ouvertes par les structures responsables du processus électoral au Mali. Annoncé à cor et à cri et sur tous les toits, dans un contexte de succession ouverte, le Recensement Administratif à Vocation d’Etat Civile a fait rêver plus d’un avant de déboucher sur la désillusion que l’on sait : un constat nullité et d’inutilité pour les élections générales de 2012.
Camouflées tout au long des opérations de recensement, les tares rédhibitoires du RAVEC n’ont finalement été mises en évidence qu’au stade du ratissage avec l’apparition d’obstacles insurmontables que constituent les énormes disproportions entre le volume des données corrigées celui des personnes recensées, avec notamment des écarts incompressibles à tous égards : 400 000 fiches individuelles traitées sur 1,6 million personnes recensées pour une agglomération comme Sikasso ; seulement 30 000 pour Bamako sur 1,9 million attendus.
Les disproportions, selon toutes les sources concordantes, sont beaucoup plus prononcées en milieu nomade où les opérations de ratissage ont été confrontées à une telle permutation massive des populations que le taux de réussite avoisine le nul. En définitive, il apparait, selon toute évidence, qu’un fichier électoral découlant du RAVEC revient à courir le risque d’entacher d’irrégularités le processus électoral et de les exposer à une vague de contestations difficilement maîtrisable.
Ce n’est pas tout. Les risques d’irrégularités découlent également d’une autre donne non moins négligeable : l’éventualité d’exclure des listes électorales plusieurs centaines de milliers d’électeurs résidents à l’étranger que le RAVEC n’a point concerné. C’est visiblement pour éviter toutes ces aventures que les hautes autorités, somme toute responsables de l’organisation et de la tenue des élections, ont tacitement décidé de se rabattre sur les listes électorales en vigueur confectionnées à partir du RACE. En dépit d’une une unanimité sur des imperfections dues principalement à l’irrégularité des révisions périodiques ainsi qu’à sa trop grande perméabilité, le fichier du Recensement Administratif à Caractère Electoral est encore crédité d’une certaine perfectibilité aux yeux des principaux responsables du processus électoral.
Pour en convaincre la majorité de la classe politique peu crédule, les autorités sont à l’œuvre dans une opération consistant à purger le RACE de ses «impuretés» tant décriées de toutes parts. Mais pour ce faire, elles n’ont trouvé meilleures astuces qu’un procédé à peine distinct des mêmes privations de droit justifiant la mise à l’écart du RAVEC. En effet, le Comité d’expert commis pour étudier la possibilité d’améliorer les listes électorales issues du RACE a proposé trois scénarii dont l’inscription volontaires des électeurs, une révision basé sur le contrôle physique et la radiation de tous les titulaires de cartes non retirées depuis les élections communales de 2009.
En affichant une option pour la dernière alternative, des élections avec le RACE débouchent visiblement sur le même résultat qu’une consultation électorale sans les électeurs maliens de Côte d’Ivoire, au regard des proportions énormes de cartes non retirées.
Comme on le voit, le processus électoral de 2012 semble définitivement englué dans un cercle vicieux d’irrégularités dont il ne sortira qu’avec une réelle disposition de la classe politique au consensus. A quelques encablures de la fin de la décennie ATT, celui-ci n’est point au rendez-vous en dépit des appels du pied via une intégration de l’ensemble des forces politiques significatives à l’action gouvernementale, avec le processus électoral comme principal priorité.
Par A.Keïta
Aurore 23/06/2011