En premier lieu, c’est le côté sécuritaire qui inquiète. Nous sommes à plus deux mois après le début de l’intervention des alliés dans la lutte contre les Islamistes et à quatre mois de la date que s’est proposée le gouvernement transitoire pour organiser la présidentielle.
Même si le Président français, François Hollande, affirmait, en début de semaine dernière, que «la souveraineté du Mali sera presque rétablie d’ici quelques jours» (de la propagande, selon certains spécialistes), l’on est encore très loin de la «phase de sécurisation» annoncée un peu plus tôt par notre Premier ministre, Diango Cissoko. Celui-ci déclarait même, dans une interview, que «la bataille de Kidal sera moins dure que celles de Gao et de Tombouctou». C’était sans compter avec la détermination du noyau le plus dur des Jihadistes, réfugié dans les montagnes du Tegharghar.
Et le dernier attentat perpétré à Tombouctou par le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), est venu opportunément nous rappeler que les terroristes n’en sont pas encore à leur dernière cartouche. «Les trois régions nord du Mali n’en ont pas encore fini avec les attentats kamikazes, les poses de mines, les séquestrations, les meurtres… Il faut rester sur le qui-vive et bien ouvrir les yeux. Il faut savoir où l’on met les pieds», nous a confié un fin connaisseur de la situation.
Bamako et son nombrilisme
Bamako, capitale du Mali. C’est d’ici que toutes les décisions partent. Même les plus incongrues. Comme l’organisation des élections en juillet. On peut comprendre que les autorités veuillent faire plaisir aux bailleurs de fonds. On peut comprendre que nos dirigeants aient le souci de prouver qu’ils ont correctement appris le texte imposé par la France. Mais il faut revenir sur terre et voir la réalité en face.
A en croire un agent des renseignements d’un pays étranger, que nous avons rencontré en fin de semaine dernière, «Bamako est assis sur une poudrière». Il y a les Islamistes d’un côté et les putschistes, de l’autre. «Si des attentats sont perpétrés ici, la ville sera paralysée. Les Bamakois, contrairement aux gens du Nord, ne sont pas habitués à ce genre de situation. Quand je parcours les grandes artères de la capitale, je relève de nombreuses failles sécuritaires. J’ai l’impression qu’ici tous les cadres ne courent que derrière des postes politiques. Ce qu’ils oublient, c’est que pour occuper un poste il faut être vivant», ajoutera notre interlocuteur. Sans vouloir être trop alarmiste, l’agent des renseignements nous a quittés sur cette phrase qui en dit long: «Ca va sauter à Bamako. C’est sûr, ça va sauter. Que Dieu protège les pauvres». Et si «ça saute», rares sont les Bamakois qui pourront voter.
Gros sous
En second lieu, c’est la question du financement de ce vaste chantier électoral qui va se poser. L’Union Européenne, qui encourage le Mali dans cette voie, ne propose que 50 millions d’euros. Pas suffisant.
Colossal, le chantier institutionnel et électoral progresse lentement. Cette patate chaude, que le gouvernement de transition tient seul dans la main, suppose de constituer en moins de quatre mois un fichier électoral fiable de 7 millions de noms, de financer l’exercice – on est encore loin du compte, de sécuriser intégralement les deux-tiers nord du pays et de régulariser le statut des 500 000 citoyens maliens exilés en Côte d’Ivoire lors des convulsions antérieures, comme des 400 000 réfugiés et déplacés nordistes de l’annus horribilis 2012.
Dans les capitales occidentales comme à Bamako, chacun sait que, même avec la création récente d’une Commission de dialogue et de réconciliation – encore purement virtuelle à ce stade- le climat social ne sera pas assaini avant la date-butoir du 31 juillet, à l’évidence prématurée.
Conclusion pour Dioncounda et sa suite: il ne suffit pas de répéter ce que le Quai d’Orsay dit. Il faut reconnaître certaines réalités intangibles, quitte à fâcher un tant soit peu Tonton François Hollande.
Paul Mben 22septembre 2013-03-26 01:11:45