Pour étayer le report, ils évoquent, entre autres, l’insécurité galopante sur toute l’étendue du territoire national, l’absence de l’administration malienne dans certaines parties du Nord du pays, le non-retour des réfugiés, la non application de l’accord de paix d’Alger. En un mot, ces acteurs craignent une scission du Mali avec la tenue des élections de proximité dans l’état actuel du pays.
Au cours des nombreuses rencontres qu’ils ont eu avec le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Abdoulaye Idrissa Maiga, les partis politiques n’ont pas cesser de demander le report des élections couplées du 25 octobre. « Les conditions ne sont pas réunies pour aller à des elections maintenant. Les partis veulent bien aller aux élections le 25 octobre 2015 mais pas à n’importe lesquelles. Pas d’élections à géométrie variable.
Est-ce que les dispositions sécuritaires permettent, aujourd’hui, d’aller aux élections à la date du 25 octobre 2015 sur toute l’étendue du territoire national? Est-ce que tous les aspects de l’accord ont été pris en compte dans l’organisation des élections ? Où en est-on dans le retour de l’administration et des réfugiés dans les zones d’insécurité ? », voilà, entre autres, les garanties demandées par les partis politiques avant d’aller aux élections.
Le niet des partis politiques
Les partis politiques (majorité présidentielle et opposition) demandent, par crainte d’une partition du pays, le renvoi des élections. Tiémoko Sangaré, le Président de l’Adema PASJ, parti de la majorité présidentielle, a un avis tranché sur la question « Ceux qui sont en train d’insister pour la tenue de ces élections ont d’autres agendas qui ne sont pas forcement pour l’intérêt du pays. Ils veulent profiter de la situation pour avoir des postes électifs ».
Le Dr Abdoulaye Amadou Sy, président de Mplus Ramata, un autre parti de la mouvance présidentielle, appelle le gouvernement malien à la retenue : « Nous voudrions très humblement attirer l’attention du président de la République ainsi que du gouvernement sur l’impossibilité de tenir ces élections à la date fixée. L’inexistence de l’Etat dans la plupart des localités situées dans le septentrion nous impose une retenue afin de poursuivre avec calme et sérénité la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issue du processus d’Alger ».
Le parti de l’ex ministre Daba Diawara, le PIDS, rejette ces élections. Selon Diawara, le gouvernement s’acharne à organiser les élections le 25 octobre alors que la mise en œuvre de l’accord imposera d’autres élections. Pour l’ex premier ministre Modibo Sidibé, président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fares), il faut que le gouvernement « explique clairement sa vision de l’avenir des institutions de notre pays avant l’organisation des prochaines élections communales et régionales… ».
Dans un entretien accordé à notre confrere RFI, Soumaila Cissé, chef de file de l’opposition et président de l’URD, est catégorique. « Dans la situation actuelle, les élections ne peuvent pas se tenir correctement. Même déposer les listes a été un chemin de croix ! », a-t-il dit. Pour sa part, le président du Parena, Tiébilé Dramé qualifie cette décision d’ « irresponsable et un projet d’élections impossibles». Selon le président du parti du bélier blanc, la tenue des régionales et des communales est « en contradiction » avec l’accord de paix signé en juin dernier.
Refus des groupes armés. En outre des partis politiques, les groupes armés, signataires de l’accord de paix d’Alger, ne veulent pas d’élections le 25 octobre. En effet, la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), après avoir exigé le retour des réfugiés et la mise en place effective du comité de suivi de l’accord de paix, mettent en garde les acteurs du processus électoral dans le septentrion de toute tentative de mobilisation et de sensibilisation pour les élections à la date du 25 octobre. « Il est porté à la connaissance de tous les partis politiques, les notables, les chefs de tribu et de fraction, les hommes politiques que la Coordination des Mouvements de l’Azawad interdit formellement toute mobilisation, sensibilisation ou campagne concernant les élections municipales sur toute l’étendue du territoire de l’Azawad.
Donc quiconque contredira les décisions de la Coordination des mouvements de l’Azawad sera puni conformément aux lois en vigueur », mettait en garde la CMA, le weekend passé, Moussa Ag Attaher, Porte-parole de la CMA sur les ondes de RFI. Il assimile la tenue de ces élections à « une violation politique flagrante des engagements pris par toutes les parties pour la mise en œuvre de l’accord d’Alger ».
Les élections communales, ajoute-t-il, sont des élections au cours desquelles les entités locales seront directement concernées aussi bien qu’en tant qu’électeur qu’en tant qu’élu. « Aujourd’hui, les réfugiés sont en dehors de leur territoire, les mouvements ont en leur sein des potentiels élus et aussi des potentiels électeurs, tout ce monde ne peut pas être là le 25 octobre », a expliqué Moussa Ag Attaher. Avant d’appeler « les parties garantes de l’accord à ramener le gouvernement du Mali à la raison pour qu’il ne pousse pas les uns et les autres à adopter des positions qui seront complètement contraire à l’esprit de l’accord ».
Les élus locaux, aussi, pour le report . Lors d’un atelier tenu à Bamako, les 4 et 5 septembre 2015, sur : « l’implication effective de l’ensemble des acteurs est le gage de la réussite de la Décentralisation », les élus locaux du Mali, préoccupés par la recrudescence de l’insécurité dans le pays et l’absence de l’administration dans certaines localités, ont demandé le report des élections.
Dans sa réponse, le ministre s’est voulu catégorique : « J’ai entendu une de vos recommandations qui n’est pas raisonnable. La rencontre n’est pas un cadre pour demander le report. Dans le cadre de concertation avec les présidents des partis politiques, avec la société civile et avec les partenaires techniques et financiers, une demande pareille pour des raisons que vous avez évoquées a été formulée. Il faut rester dans le cadre. Vous, vous êtes des élus, dont le mandat est arrivé à terme. Vous êtes des acteurs intéressés par cette compétition électorale. Les compétiteurs ne peuvent définir les règles, laissez-le aux autres et dans un cadre précis», a déclaré le ministre.
Le ministre s’entête. Les inquiétudes des acteurs du processus électoral ne semblent pas freiner les ardeurs du gouvernement malien à tenir les élections à la date indiquée. Le ministre de l’administration territoriale tient coûte que coûte à tenir les élections le 25 octobre 2015. Le dépôt des listes électorales a été clôturé le jeudi 10 septembre passé. « Il faut aller aux élections le 25 octobre 2015 pas après. C’est ma conviction. Car toute autre imposture avec la loi nous décrédibilise. A force de report les gens sont dans les dénis de droit, dans les abus.
On ne peut pas aller à un report indéfini. Même en temps normal, on ne peut pas faire des élections sans risque. Et chaque fois que nous reportons, nous imposons des surcoûts à un Etat qui a besoin de tant de ressources », déclarait le ministre Abdoulaye Idrissa Maiga lors d’une de ses rencontres avec les partis politiques. La semaine passée, une source au ministère a ajouté : « Le cap est maintenu et les préparatifs vont bon train. Ce sera ainsi jusqu’à la preuve du contraire».
Et pourtant, tout plaide pour le report de ces élections. Trois mois après la signature de l’accord de paix au Mali, aucune partie du pays n’est épargnée par l’insécurité galopante (Misseni, Fakola, Nara, Nampala, Carrefour Djenné, Gourma-Rarhouss, Diabaly, Sévaré, Baguineba, Gaberi, Sogoninko, le check-point à Tombouctou, la pinasse Ké-Macina-Diafarabé…). Le retour des réfugiés n’est pas encore d’actualité, l’adminstration n’est pas toujours visible dans beaucoup de parties du Nord du pays et le processus de paix est dans l’impasse avec l’occupation d’Anefis par la Plateforme et les blocages au niveau du comité de suivi de l’accord.
Madiassa Kaba Diakité
Source: Le Républicain-Mali 13/09/2015