« Depuis cinquante ans, nous avons à faire à ce front », déplore t-il, entre agacement et fatalité. Ce n’est pas la seule chose qui le met hors de lui. Il ne supporte pas de vouloir s’accrocher au pouvoir par le problème actuel du Nord. Curieusement, il ne veut pas non plus entendre parler de report des élections, de schéma de nouvelle transition. Pour un de ses proches, « lui parler de transition, c’est lui dire indirectement qu’il a échoué ». Depuis une semaine, en tout cas, la communication du président est la plus limpide possible : les élections ne seront pas reportées et le scrutin présidentiel aura lieu le 29 avril comme prévu. Y compris au Nord ? « Y compris au Nord » martèle l’ancien chef de la transition qui rappelle qu’en 1992, malgré l’insécurité, les élections ont eu lieu sur l’ensemble du territoire.
La jurisprudence de 1992
En l’espace de quatre mois : les municipales dans les communes urbaines, les législatives et les deux tours de présidentielle. Et ce n’est pas sans une petite dose de fierté que le président rappelle que c’était le fait d’une administration qui n’avait pas d’expérience dans l’organisation d’élections, que c’étaient les premiers scrutins démocratiques jamais tenus au Mali, et que les résultats ont été acceptés par les protagonistes. Il est vrai que ce sont les seules élections où l’on a vu le vaincu Tiéoulé Konaté adresser ses félicitations au vainqueur Alpha Oumar Konaré. Le contexte n’est pas le même en 1992 qu’en 2012. Mais soulignez-le et le président vous opposera d’un ton ferme : l’essentiel du territoire est sous contrôle et les élections peuvent y être tenues ». Pour les zones dites sous contrôle du Mnla ? « Il n’y en a pas ». Le président qui en reste encore à la désignation Mna parle plutôt de guerre de mouvement. Sans occupation de l’espace. Juste un raid avec sa part de psychose, les émetteurs téléphoniques coupés -une dizaine de localités sont aujourd’hui dans ce cas-. Et puis, l’Etat va monter en puissance.
Une guerre ruineuse
On sait que toutes les garnisons importantes du Nord (Kidal, Gao, Tombouctou) ont été renforcées. Les camps militaires du pays sont en alerte. Depuis 2009, la défense engloutit une part substantielle du budget d’Etat. Ces dernières semaines, du nouveau matériel a été acquis pour l’armée. Des avions, des hélicos de combat, loués ou achetés, en tout cas pilotés par des non-Maliens que le Mnla qualifie de mercenaires. La guerre coûte excessivement cher, reconnaît le président qui ne se console pas de ne pas « mettre cette fortune dans les infrastructures de base ». Les milieux financiers parlent de 500 millions Cfa par jour! Il faut les trouver. Le dialogue, de toute évidence coûte moins cher.
Fait-elle partie des stratégies du président pour obtenir d’abord un cessez le feu, puis l’abandon de la revendication d’indépendance de l’Azawad, avant l’élection ? Et tout cela avant fin avril ? Att a été très clair dans son dernier message : « je ne suivrai pas les va t-en guerre. Je suis le président de tous les Maliens, y compris les rebelles du Mnla ». En même temps, il n’hésite pas à mobiliser toute une armada conduite par El Hadj Gamou et Ould Meydou pour la bataille très stratégique de Tessalit que le Mnla cherche à étouffer depuis plusieurs semaines déjà. Frapper quand il le faut et dialoguer dès que c’est possible semble la doctrine. Reste à voir si elle suffit pour investir, le 8 juin, le troisième président de la 3è République.
Adam Thiam
Le Républicain 01/03/2012