Le Premier ministre et son gouvernement ont rendu leur démission au chef de l’Etat le mercredi dernier. Au regard du contexte politique actuel, un simple réaménagement technique de l’attelage gouvernemental aurait suffi, à moins que le chef de l’Etat n’ait envisagé en toute souveraineté la mise en place d’un gouvernement d’union nationale afin de mettre tous les partis politiques à égalité de chance dans la perspective de la plus importante élection de 2012, ce qui aurait nécessité avant de larges concertations, et non pas après la démission de l’équipe Modibo Sidibé. Il y a donc une autre explication à la brusque accélération des choses enregistrée sur l’échiquier politique.
L’élection présidentielle de 2012, dont les frémissements sont déjà perceptibles, ne laisse personne indifférent au Mali. Mais un constat s’impose à présent : dans notre pays, au vu du précédent qu’a constitué le cas ATT, tout membre des Forces armées et de sécurité peut désormais faire valoir ses droits à la retraite anticipée pour être candidat à la fonction de président de la République. Or-et c’est presque une évidence-rien ne peut aujourd’hui empêcher les porteurs d’uniforme à gagner une élection présidentielle au Mali. Leur participation à la compétition électorale, il faut le noter en lettres scintillantes, ne concerne pas le bas de la pyramide, mais le sommet. Toute leur affaire, c’est la présidence de la République. Et c’est fort compréhensible. Voilà sans doute pourquoi depuis que ATT est le premier du pays, il s’est efforcé à faire contrôler par les militaires les maillons essentiels du dispositif électoral de notre pays. Pour ne citer que, sans le moins du monde mettre en cause l’honnêteté de leurs premiers responsables, le ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales ainsi que la Délégation générale aux élections (Dge), tout semble être parfaitement sous leur coupe règlée. La démission de Modibo Sidibé et de son équipe est à regarder à la lumière de cette réalité.
Mais pour qu’on en arrive à pareille situation, il a fallu que ceux qui ont agi pour que la Révolution de mars 1991 soit échouent à gérer la victoire sur la dictature. Leurs motivations et leurs idéaux premiers semblent leur avoir échappé trop tôt. Eparpillés entre de multiples clubs et clans-qui ont peu des partis politiques vératibles-, ils sont comme des héros en perpétuelle guéguerre. Consciemment ou inconsciemment, ils ont trahi la démocratie parce que n’ayant pas c ompris qu’un parti politique se crée pour éduquer les masses en vue de l’atteinte d’objectifs pour la transformation de la société. Ils (tous ne sont pas fautifs), ce sont les Alpha Oumar Konaré, Ibrahim Boubacar Keïta, Me Mountaga Tall, Tiébilé Dramé, Soumeylou Boubèye Maïga, Dioncounda Traoré, etc. Toute la déchéance dans laquelle est tombée la démocratie est de leur faute.
De leur faute pour n’avoir pas su s’entendre hier et aujourd’hui sur un programme minimum de gouvernement qui leur aurait permis d’aller en grappes contre les prétentions des lobbies et de remporter une victoire propre et incontestable. De leur faute pour n’avoir pas créé, dans leurs divisions mesquines, des partis politiques forts qui, même à défaut de pouvoir conquérir le pouvoir suprême, seraient capables de s’opposer résolument au développement des arbitraires et des injustices qui sont aujourd’hui légion.
Ironie de l’histoire, Alpha Oumar Konaré, après avoir échoué par diverses manœuvres à obtenir un troisième mandat, a choisi de sacrifier son Premier ministre pour mieux préparer l’avènement au pouvoir d’Amadou Toumani Touré. Aujourd’hui, ce dernier ayant également échoué même en donnant dans le lobbying le plus entreprenant à obtenir le viol de la constitution, a jeté son dévolu sur son Premier ministre pour lui succéder à la tête de l’Etat. Alpha Oumar Konaré a abattu son Premier ministre et cassé l’Adéma-Pasj pour favoriser à l’élection présidentielle un candidat indépendant issu des rangs de l’armée. Amadou Toumani Touré entoure cassera encore l’Adéma-Pasj apportera à son Premier ministre issu des rangs de la police nationale pour le triomphe à l’élection présidentielle. Peut-être même Qu’ATT et AOK seront au coude à coude dans ce nouveau challenge. Alors, qui sait, dans dix ans, Modibo Sidibé pourrait à son tour favoriser son Premier ministre issu des rangs de la gendarmerie nationale à accéder à la magistrature suprême.
Housseyni Barry
Le National 04/04/2011