Election 2018 au Mali IBK : Sortir dignement ou Quitter honteusement

IBK, sortir par la grande Porte lumineuse ou quitter par la petite fenêtre ténébreuse, à vous de faire un bon choix historique.

 Il faut un vocabulaire populaire pour analyser un sujet populaire face aux témoins oculaires que vous êtes : chers lecteurs, lectrices, auditeurs et auditrices. Actuellement, la situation très précaire et trop spectaculaire de notre Mali, nécessite un langage populaire. Walaye, cette situation que nous traversons est tellement dure et sombre qu’on doit l’analyser avec une vérité sèche et une honnêteté sans faille pour qu’elle soit bien comprise par tous.

Savoir bien se placer entre ce qu’on veut, ce qu’on peut et ce qu’on doit

Parmi les valeurs ancestrales du Mali, il y a des vieilles paroles considérées comme des vérités anciennes mais qui sont restées, jusqu’à maintenant, incontestables : «  Dans la vie, on ne fait pas tout ce qu’on veut. On ne fait pas non plus tout ce qu’on peut, même si on a le droit de les faire ». Ainsi, on peut déduire que, dans certaines circonstances, le Devoir saura prévaloir sur le Vouloir et sur le Pouvoir. Voyons seulement ces deux exemples sociopolitiques typiquement maliens : L’homme qui veut fonder une famille, a le droit, donc peut marier une, deux ou au maximum quatre femmes selon la loi en vigueur. Mais, conscient de la grande difficulté à accomplir leurs devoirs matériels et moraux de polygames, certains hommes ont décidé de ne marier qu’une seule femme. Sinon, la plupart des hommes du Mali, d’Afrique, d’Amérique, d’Europe…veulent s’entourer de différentes tendresses féminines.

Au Mali, à partir de 18 ans, toute personne qui veut, peut voter pour un candidat ou présenter sa candidature lors d’une élection quand la loi électorale le permet. Pourtant, un grand nombre de citoyens maliens, pour diverses raisons, n’accomplissent pas leur devoir civique de vote qui n’est pas d’abord une obligation au Mali.

A rappeler que selon la Constitution du Mali, un Président de la République en fin de mandat, s’il veut, peut se  présenter pour chercher un deuxième et dernier mandat présidentiel. Mais, il faut noter que ce Président sortant n’a aucune obligation constitutionnelle et institutionnelle de se porter candidat pour succéder à lui-même. Donc ce Président sortant a le devoir moral de bien évaluer son Bilan et de profondément analyser si sa future candidature et son éventuelle mandature peuvent être utiles ou nuisibles aux intérêts supérieurs de son pays. Le Chef doit savoir bien se placer entre ce qu’il veut, ce qu’il peut et ce qu’il doit pour prendre la bonne décision pouvant améliorer les conditions de vie de tous les citoyens.

Le Mali encore victime de ses dirigeants élus

La pertinence de cette remarque se constate facilement en faisant un bref recul dans le récent passé du Mali. Le 22 mars 2012, le Mali a connu son troisième coup d’Etat après ceux du 19 novembre 1968 et du 26 mars 1991. Fortement considéré comme grand complice des hauts cadres voleurs de l’argent public et des rebelles tueurs des maliens, le dernier ancien président, Amadou Toumani Touré, ATT, qui a été chassé du Pouvoir, n’a reçu, ni des populations, ni de ces anciens ministres ou très proches collaborateurs, aucune sympathie, aucun soutien réel. Ces anciens complices de ATT, convaincus que leur ancien patron a déçu le peuple, se sont ajoutés à d’autres « rebelles du sud » engagés dans la lutte de positionnement pour prendre ou reprendre des postes juteux de dirigeants du pays. Quant aux rebelles du nord du Mali, comme d’habitude, ils ont profité de ces tiraillements à Bamako autour du Pouvoir pour étendre leur Pouvoir. C’est un Mali souffrant de traumatisme physique et moral qui devait choisir, parmi la vingtaine de candidatures à la présidentielle de 2013, une bonne personne capable de bien gérer les affaires des citoyens.

Ces extraits de la chanson titrée « Lony » ( Le savoir) sortie en 1991 dans l’album « Amen » de l’artiste international, Salif Keita, en disent suffisamment sur la qualité et le rôle d’un chef (président) : « Dounya ten dé n’na…Dounya, Dounya tônô yé a lon ba dé yé…yèrè lôn tônô kabon… Lou sini lou ti lé ma, Louba dô sigui kadi a ti lé nô. Dougou sini dougouti lé ma, Dougouba dô sigui kadi a ti lé nô … ». Chantés en langue mandingue, voici ce qui pourrait être la traduction de ces extraits en français : « Ma mère, le monde est ainsi… Ce monde qui n’est rentable qu’à celui ou celle qui cherche à le comprendre et à y reconnaître sa propre nature et culture… Dans la famille, le village ou le pays, on ne se réfère qu’au chef. Y trouver de la bonne qualité de vie, est la seule responsabilité du chef ».

IBK est « un inconnu connu et un connu inconnu »

Afin de mieux qualifier, l’actuel Président du Mali, il serait convenable de se référer à cette célèbre citation « L’homme est un inconnu connu et un connu inconnu » d’un Grand Homme intègre, Ahmed Sékou Touré, qui fut le premier Président de la République de Guinée Conakry. IBK devrait s’estimer comblé pour avoir occupé les plus grands postes de responsabilité dans les domaines politico-administratifs. C’est un grand record pour lui. Mais, il est un homme plein de contradictions.

Pendant la période de campagne présidentielle en 2013, Ibrahim Boubacar Keita était parmi les grands favoris. IBK a mis les traces de ses pieds presque partout, même à Kidal, pour dire aux maliens qu’il est capable de régler leurs dures affaires de sécurité, de pauvreté et de dignité devenues trop compliquées. Beaucoup de ses compatriotes, de l’intérieur et de la diaspora, ont pris les promesses de ce chercheur de Pouvoir comme de l’argent comptant. En politicien très malin, IBK a alors su manipuler ces deux grosses idéologies socioreligieuses : L’islamisme et le nationalisme, pour bien prendre les maliens dans son fin filet ( Djö nyè misèn) électoral. Sachant que plus de 95% de la population sont des musulmans et que tout citoyen est fier de son « Maliba », IBK s’est mis à réciter publiquement et régulièrement ces paroles coraniques : « Awouh Zoubilaye mina Shitane… Bissimilaye Rahamane…Allah Soubahana Wat Allah… » dans de grosses promesses joliment habillées de « In’Shah Allah » signifiant « Si Dieu le veut » pour tout nuancer. Des langages pieux bien utilisés pour tendrement toucher à la fibre patriotique des maliens qui ont été très sensibles à des propos comme ; « Le Mali d’abord… pour l’Honneur du Mali…le Bonheur des maliens… ». Ainsi, comme de l’Aimant dans un tas de brins de métal, il a attiré ainsi un grand nombre de ses  compatriotes pour se faire élire majoritairement avec 77,62% des votants.

En juillet 2013, le Mali était dans la boue jusqu’aux genoux, en janvier 2017, il est enfoncé jusqu’au cou : Pourquoi et comment le pays a été ainsi embourbé ?

Les divers grands postes qu’il avait occupés au sommet de l’Etat, ont été aussi déterminants dans sa brillante élection. Ces nombreuses pratiques devraient faire de lui le plus grand détenteur des meilleures expériences politico-administratives au Mali.  Malgré son long et beau parcours, IBK, n’arrive pas à bien mettre autour de lui, sans complaisance, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Il ne parvient, non plus, à faire la bonne mise en application de ses décisions confuses prises sous pressions familiales et amicales de ses proches collaborateurs maliens et étrangers. Par manque de temps et d’espace, il serait nécessaire de citer, parmi tant d’autres, deux de ses mauvaises décisions coûteuses et dangereuses pour les maliens : L’acceptation de l’anarchique Accord d’Alger et l’élaboration d’une monarchique nouvelle Constitution, tous deux encore inapplicables.

Il y a de cela une dizaine d’années, un des meilleurs journalistes maliens, feu  Ousmane Sow, ancien directeur de publication de votre journal Option, a ouvertement critiqué IBK qu’il a côtoyé pendant quelques années. Dans son livre titré : « Un para à Koulouba ; Chronique d’une nation à repenser » et publié en 2007 par les éditions Jamana, le talentueux journaliste, Ousmane Sow, a mentionné à la page 103 de son œuvre : «  Dans ses décisions politiques ou actes quotidiens, IBK a souvent fait preuve d’une naïveté étonnante pour un homme de son expérience ». Un an et demi après le décès de Ousmane Sow et au 10eme mois de l’élection de IBK à la présidence de la République, votre journal Option a publié à la Une de son numéro du 16 juin 2014 ce titre qui a beaucoup dérangé : « IBK, nos espoirs déçus seront-ils perdus ? Ça ne va pas. Les changements promis ne sont ni visibles ni sensibles » Depuis cette date, malgré les pressions du régime IBK, votre journal continue à informer, sensibiliser et dénoncer. A quelques jours de la signature de l’Accord d’Alger, le 15 mai 2015, Option a publié à sa Une : « IBK, I Kana signé, Ne signez pas s’il vous plait, Nbi déli. » « Par contre si vous signez cet Accord d’Alger 2015 dynamiteur, il sera dit dans l’histoire qu’un pays ouest africain qui s’appelait Mali a lamentablement disparu. Que ce Mali a été confirmé en septembre 1960 par son père fondateur, Modibo Daba Keita, avant d’être consumé en mai 2015 par son maitre démolisseur, Ibrahim Boubacar Keita » Malgré tout, il l’a signé. Et le Mali a saigné beaucoup plus qu’avant la fameuse signature. Croyant ramener la Paix par cet Accord d’Alger, IBK, n’a fait qu’attiser le feu de la discorde car lui-même, depuis son élection, ne peut toujours pas mettre les pieds à Kidal.

Au-delà de ce problème du nord, la plupart des citoyens maliens se grouillent, depuis septembre 2013 sous la détérioration continuelle de leur condition de vie à cause de la mauvaise gouvernance visible à l’œil nu dans tous les domaines. Sans revenir sur les détails ici, votre journal avait publié, en septembre 2015, à sa Une ce titre pertinent : « Souffrant de myopie politique, IBK a perdu les commandes du Pouvoir : Nos preuves avérées et chiffrées », pour souligner l’impact négatif de ses deux années passées à la tête du pays.

En ce mois de janvier 2018, après 4 ans et demi de tâtonnements, des grondements de colère continuent. Tous les secteurs socioprofessionnels ont fait leurs manifestations de protestation par des grèves ou des marches. Même les handicapés ont manifesté : Du jamais vu au Mali. Ces lourds tâtonnements dans la gestion du pays ont permis à IBK, de battre le triste record mondial d’incompétence gouvernementale en usant de 5 premiers ministres en 4 ans et demi de Pouvoir d’un régime démocratiquement élu. Des ministres de la République chassés pour mauvais comportements et insuffisances de rendements ont été, par la suite, replacés et rehaussés dans le gouvernement et à d’autres hauts postes de l’Etat. Conséquences : L’insécurité et la pauvreté restent grandissantes chez plus de 90% d’une population encore frustrée face aux luxes insolents d’une petite minorité abusant du Bien public. Une telle grosse frustration est une dangereuse bombe sociale très explosive à désamorcer à temps.

Après avoir promis, dans un message à la nation, que la démolition des voleurs de la République sera faite en 2014, IBK a fait de ladite année celle de la promotion de ces arnaqueurs officiels. Plusieurs centaines de milliards de francs cfa ont été volés dans les Caisses de l’Etat par des bandes de pillards qui se promènent librement. C’est normal, il faut le dire : Les moustiques, non seulement ne se piquent pas entre eux, mais ne participeront jamais, ni à la fabrication ni à l’installation des moustiquaires. Les rapports du Bureau du Vérificateur Général du Mali, de cette période à maintenant témoignent bien. Donc, pendant ce mandat du régime IBK, la délinquance financière et les violences meurtrières, comme des mauvaises herbes, ont rapidement poussé sous l’engrais de l’impunité. Sous ce soleil brulant de cette démocratie musclée de IBK, la presse nationale et internationale, tout comme la société civile qui osent critiquer, ont subi des menaces, des arrestations arbitraires, des violences physiques, morales et meurtrières inhabituelles sur le sol malien dont les plus monstrueuses sont : Les assassinats des journalistes Gislaine Dupont et Claude Verlon et surtout la disparition totale du journaliste malien Birama Touré. Des faits tragiques et inédits qui ne sont pas encore éclaircis. Ce 29 janvier 2018 marquera tristement le 2eme anniversaire de la disparition énigmatique (Kabakomatique), le 29 janvier 2016, de notre confrère Birama. En ce début d’année, notre cher Président a réitéré ses menaces envers ceux qui le critiquent : « J’ai trop encaissé, je me suis réveillé et je vais sévir » Ce réveil du président, n’est-il pas tardif après 4 ans et 6 mois de sommeil ?

Sans douter du patriotisme de l’homme Elhadji Ibrahim Boubacar Keita, son manque de clarté et de fermeté dans les prises de décision ne lui permet pas d’être le Président capable de bien diriger le Mali actuel. Aujourd’hui, de très nombreux maliens endurent leur douloureux passé des 4 dernières années, vivotant dans leur présent hasardeux en allant vers leur futur très dangereux dans les 6 prochains mois pouvant aboutir à des élections désastreuses. Car, si IBK se porte candidat à sa propre succession, par orgueil, il se fera déclarer vainqueur ayant sous son contrôle les structures qui proclament les résultats électoraux. De très nombreux maliens trop déçus par le déroulement de son premier mandat, n’accepteront jamais une telle tricherie électorale. Ce fort mandat avait été donné par le peuple à IBK en 2013 pour qu’il enlève le Mali coincé dans la boue jusqu’aux genoux. Au lieu de sortir le Mali de cette boue, IBK l’a progressivement enfoncé jusqu’au cou. Ainsi, IBK a battu le record du Président le plus contesté et détesté par la majorité de son peuple. La dernière manifestation historique de près d’un million de maliens contre sa réforme tendancieuse de la Constitution, est un grand signal de la grande impopularité du Président IBK. Et surtout ces derniers résultats de la Maison de sondages d’opinion du crédible Sidiki Guindo : « Entre 2013 et 2017 la cote de popularité de IBK a chuté de plus de 85% à moins de 40%. », prouvent aussi largement la déception populaire.

Ainsi, la corde de confiance entre le Président IBK et son peuple est complètement coupée. Sans vouloir rien forcer, IBK doit le comprendre et l’admettre en évitant d’être candidat à la présidentielle de 2018 dont il a promis publiquement et récemment d’organiser aux périodes prévues : Juillet et aout 2018.

Même dans l’hypothèse d’une impossibilité de tenir les élections aux dates prévues, les maliens n’accepteront jamais que lui IBK, maintenant si impopulaire et si détesté, soit à la tête d’une quelconque transition ici au Mali. 

A cause du « Mali d’abord » qu’il a prôné et surtout de « L’honneur du Mali et le bonheur des maliens » qu’il a dit haut et fort, IBK doit se comporter en bon stratège et grand sage en annonçant publiquement qu’il ne sera pas candidat à cette présidentielle de 2018. En promettant qu’il organisera, en bon arbitre, des élections démocratiquement transparentes.

En prenant courageusement une telle décision, IBK, sortira honorablement et dignement par la grande porte lumineuse de l’histoire tout en évitant intelligemment de quitter par la petite fenêtre ténébreuse du Pouvoir.

A bon entendeur !

 

Lacine Diawara, Directeur de publication et écrivain.

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