​​EDM-SA   Les changements de directeurs loin de résoudre la crise énergétique   Le 20 septembre 2023, l’ingénieur Abdoulaye Djibril Diallo a été nommé nouveau Directeur général de la Société Energie du Mali (EDM SA). Il succède ainsi à Koureissy Konaré qui occupait le fauteuil depuis juillet 2022 et qui a visiblement fait finalement (à peine installé que sa tête était réclamée par la clientèle dépitée par les coupures) les frais de son «incapacité» à juguler les délestages qui persistent depuis sa nomination.

Malgré ce changement, cela nous surprendrait que le consommateur malien
se fasse encore l’illusion d’une éventuelle inversion de cette mauvaise
tendance dans un meilleur délai. Et cela d’autant plus qu’il est conscient de la
complaisance qui entache souvent le choix des DG d’Énergie du Mal, pardon
d’Énergie du Mali, et surtout que ces changements fréquents (en catimini) sont
loin d’être les solutions pérennes au malaise de cette société qui croule sous
les dettes de production.

Dans tous les cas de figure, selon de nombreux observateurs, le choix du
Directeur général d’Energie du Mali (EDM-SA) tient généralement compte de
tout sauf de la compétence, de l’expérience, du mérite. On nomme
généralement un faire-valoir sur lequel on a la main mise et qu’on peut
aisément relever dès que la personne se montre gourmande sur les
dividendes à partager ou qu’elle tente de s’affranchir par une prise de
conscience favorable à une gestion efficiente.
Même s’ils sont nombreux à souhaiter aujourd’hui un directeur
ingénieur/économiste en énergie à la direction générale d’EDM, ils ne pensent
pas moins que les nominations ressemblent encore à un «jeu de chaise
musicale» qui laisse  beaucoup de consommateurs dubitatifs sur l’amélioration
dans un futur proche des performances de la société. Le problème de l’EDM
est dû aux choix stratégiques faits par les politiques à la place des techniciens.
Certes la mauvaise gestion plombe les comptes de la société. Mais nous
savons tous que la valse des DG (des fusibles qui résistent rarement aux
tensions des intérêts financiers en jeu) ne peut pas résoudre le problème
d’EDM qui est plus structurelle que conjoncturelle. C’est avant tout une
question de choix stratégiques et les DG n’ont que rarement les coudées
franches en la matière. Il est par exemple clair que ce ne sont pas des
groupes électrogènes qui peuvent contribuer à améliorer la fourniture
d’électricité dans notre capitale voire dans le pays car ils produiront toujours à
perte à cause du coût des hydrocarbures, des pièces de rechanges et des
entretiens périodiques.
Et pourquoi continuer à les payer et à les brandir comme des trophées ?
«L’achat des groupes est un vieux business consistant à payer des machines
épuisées au prix des neuves. Ce sont des poules aux œufs d’or qui profitent

presque à tous pour arrondir leurs revenus», nous confiait un cadre de la
boîte, il y a quelques années, lors de nos investigations sur la gestion de cette
société. Non seulement ce sont des Groupes usés que nous payons, mais
nous optons pour les moins économiques en termes de carburant. C’est sans
doute pour la raison évoquée plus haut par notre interlocuteur qu’EDM
commande des groupes qui marchent au gasoil et non au fuel (fioul) moins
cher.
Même au plus bas niveau du prix du gasoil, la société produit à perte à plus
forte raison en ce moment (864 F CFA à Bamako si non informations sont
exactes) où les prix des hydrocarbures sont abonnés à l’ascenseur. «Pour
sauver EDM l’Etat doit lui interdire d’utiliser du gasoil cher afin d’utiliser
exclusivement du fuel adapté à ses centrales ! La seule différence notable
entre le fioul domestique et le gazole est son taux de cétane, qui est moins
élevé que celui du diesel. Il est donc théoriquement possible de rouler au
rouge au fioul domestique qui est moins cher», défendait récemment un
spécialiste du domaine.
Ce qu’on ne dit pas souvent, c’est qu’EDM est aussi une vache laitière, une
boîte où chacun gère et couvre son propre business. Cela va des carburants
chiffonnés aux pièces détachées payées mais jamais livrées. En passant bien
sûr par ces releveurs qui s’entendent avec les gros clients (commerçants,
unités industrielles…) sur le dos de la société. Les DG qui se sont succédés
n’ont pu rien contre ces mauvaises pratiques. Tout comme, ils ont été
impuissants face aux nombreux recrutements imposés par les barons des
derniers régimes démocratiques. Ceux-ci ainsi que des membres des familles
présidentielles ont fait d’EDM une boîte pour caser les militants alourdissant
ainsi la masse salariale d’une société déjà moribonde. Et malheureusement,
on ne peut pas dire que l’actuelle transition a mis fin à cela.
Avec près de dix directeurs en autant d’années, n’est-il pas mieux de procéder
à un vrai un audit de l’EDM SA ou de libéraliser le secteur énergétique malien
en se basant sur l’exemple réussi de la Côte d’Ivoire ? C’est la question que
nous sommes aussi nombreux à nous poser aujourd’hui ! N’est-il pas temps
de raisonnablement miser aujourd’hui sur le mix-énergétique ? Mais cela
risque de tourner en une nouvelle désillusion tant que le choix des DG ne
répondra à d’autres critères que le copinage. Et c’est malheureusement le plus
grand mal qui continue à ronger et ruiner EDM ! Comme d’autres sociétés et
entreprises d’Etat avant elles ! Sans compter qu’il faudra aussi compter sur les
opérations de sabotage de ceux dont les intérêts seront sérieusement
menacés par cette évolution. Cela est devenu une tradition dans nos services
et sociétés, les responsables qui veulent sévir contre les mauvaises pratiques
sont sérieusement combattus par les travailleurs comme celui qui veut
s’immiscer entre eux et leur pain quotidien et non un sauveur qui veut
préserver une source de ressources budgétaires pour l’Etat et de revenus
garantis pour les travailleurs et les futures générations.
Comment sauver EDM et fournir le courant aux Maliens à plein temps et à
moindre frais ?​ ​Celui qui aura la réponse à cette équation mérite de diriger le
pays pendant les dix prochaines années !

Moussa Bolly