Pendant que les Maliens discutent des pouvoirs (autorités, organes, textes et fonctionnement) de la transition, après la chute du président IBK, les questions de consolidation de la démocratie, à travers une économique forte, où le secteur privé joue effectivement son rôle de moteur de la croissance, restent posées.
Des expériences réussies ont montré que la démocratie joue favorablement pour la croissance lorsque les changements politiques et institutionnels sont accompagnés par des réformes économiques. Au Mali, la transition politique en cours va-t-elle prendre en compte des reformes économiques majeures, vu la priorité donnée à la chose politique sur l’économique ?
Au Mali, une refondation radicale de l’économie est urgente. Selon les perspectives économiques en Afrique 2020, le Mali a enregistré une croissance de 5 % (tirée par les bonnes productions d’or et de coton), un déficit budgétaire de 3,1 % du PIB et une inflation de 0,4 %. L’endettement public était de 35,5 % du PIB fin 2018.
Cependant l’économie reste structurellement peu industrialisée et le secteur manufacturier peine à se développer. Cela entraine de forts besoins en importations et un déficit du compte courant (5,4 % du PIB en 2019). Du côté de la demande, l’investissement est particulièrement faible 9,5 % du PIB pour le secteur privé et 8,7 % pour le secteur public. L’économie est fortement dépendante de l’or et du coton (86 % des exportations) et les chaînes de valeur sont faiblement développées (3 % du coton est transformé). En raison de sa faible diversification, l’économie est dépendante des prix des produits de base sur les marchés internationaux. L’accumulation d’arriérés de paiement au titre de la dette intérieure constitue un risque de blocage de l’activité économique et du secteur privé.
Comment transformer l’environnement des affaires au Mali, afin de réécrire un nouveau contrat social, faisant du malien un citoyen qui tend vers la classe moyenne? Là est toute la question?
Il faudrait donc que l’économie du Mali produise davantage et valorise sa production. C’est dire que l’effort doit porter aussi bien sur le secteur primaire que sur le secondaire. Les conditions de production doivent être améliorées, et la formation professionnelle doit être un des principaux soucis du gouvernement de la transition. La nécessité d’utiliser la main-d’œuvre locale a été reconnue dans tous les secteurs, et les efforts tendent à faire un élément productif par la qualification.
Pour cela il importe que les nouveaux dirigeants maliens instituent un organisme de planification du type de celui du troisième plan de modernisation français, où serait analysée l’industrie secteur par secteur. De cela les dirigeants auront besoin d’une connaissance exacte des possibilités d’installation de nouvelles industries, ce qui, avec les perspectives d’établissement des ressortissants des pays du Marché commun, ne manquera pas de susciter des investissements.
Mais cela ne peut se faire que lorsque les acteurs de l’économie malienne, notamment le Conseil national du Patronat du Mali (CNPM) seront associés à toutes les étapes des négociations allant dans ce sens.
Espérons que les nouveaux dirigeants maliens sauront instaurer un contre-pouvoir économique en créant un marché de travail où chacun puisse produire un surplus, qui lui confère la possibilité de négocier ses conditions de travail. Il faut faire du travail une force de négociation. Et cela dépend de deux facteurs : la productivité et les prix sur le marché. Ainsi donc la transition politique sera renforcée et pourra déboucher sur l’émergence du Mali nouveau!
Philippe Charles le Bon MESSE