Dans la forme, à travers la fameuse «adresse à la nation », Cheick Modibo Diarra a fait un grand faux pas. En cette période d’intérim, et non de transition, il revient au Président Dioncounda Traoré de s’adresser à la nation, à chaque fois que cela s’avère utile et / ou nécessaire. Un Premier ministre, fut-il doté des pleins pouvoirs, n’a pas cette prérogative. De plus, il l’a fait de façon cavalière, sans dire un mot à l’endroit ni du Président intérimaire, encore moins du CNRDRE.
Cheick Modibo Diarra se doit de respecter les institutions de la République et surtout la première d’entre elle: le Président de la République, chef de l’Etat. Qu’on le veuille ou non, qu’on l’accepte ou pas, Dioncounda Traoré est pour l’instant la première institution du pays, garante de l’unité nationale, de la paix sociale et de la préservation de l’intégrité territoriale. C’est à ce titre qu’il a prêté serment le 12 avril dernier.
C’est donc en duo (Dioncounda – Cheick Modibo) que les affaires de la République doivent être gérées, avec la plus grande intelligence possible et non sous forme de cohabitation ou de tension. Le nouveau PM a fortement besoin de l’Assemblée nationale, qui l’accompagnera durant toute la durée de la transition. C’est un secret de polichinelle que de dire que Cheick Modibo Diarra n’exerce aucun contrôle sur l’Hémicycle. Il doit subséquemment faire attention pour éviter des blocages dans ses initiatives. Et, pour réussir sa mission, il doit compter avec l’ex premier des députés, devenu Président intérimaire du Mali. Sinon, en tentant de constituer une équipe avec la junte et ses alliés, sans porter la considération qu’il faut aux forces politiques significatives représentées à l’Assemblée nationale, Cheick Modibo Diarra ira tout droit à Canossa.
Dans le fond, il a parlé à la nation pour ne rien dire. Puisque, dans son «adresse à la nation», il n’y avait aucune information. Tout était connu et su du grand public. Il n’a apporté aucun élément nouveau par rapport à la situation dramatique que vivent les Maliens, surtout ceux du Nord. Excepté le fait de dire qu’il ne «négociera pas le couteau sur la gorge».
Et c’est pourtant ce qu’il va faire. Il n’a ni le choix, ni de marge de manœuvre pour faire autrement, s’il veut réellement négocier avec le MNLA et les autres mouvements, islamistes voire terroristes, qui occupent trois régions du Mali, estimées à au moins les deux tiers du territoire national. Il a déjà le couteau sur la gorge et la seule manière de s’en débarrasser est d’utiliser la méthode forte, celle de la guerre. Or, sur ce terrain, le Mali n’a pas d’armée capable de tenir une telle gageure. Et la force d’attente de la CEDEAO n’est pas pour demain, encore que sa venue annoncée soit contestée au sein de la classe politique et par nos voisins algériens et mauritaniens. Sans compter que le CNRDRE du Capitaine Sanogo est également hostile à la présence d’une force étrangère sur le sol malien.
Quand on est en position de faiblesse, on ne joue pas à la surenchère, à l’intimidation et aux menaces, lesquelles, dans ce contexte, sont plus destinées à se donner une image positive dans l’opinion publique qu’à faire peur à des combattants aguerris.
La seule information qui se trouve dans son «adresse à la nation» ne convainc pas. Il lui faut donc trouver d’autres propositions ou solutions, des actions concrètes, palpables, tendant à diminuer immédiatement la souffrance des populations du Nord – Mali. Avant même la composition du nouveau gouvernement. Autrement, qu’il se taise en attendant… Ou qu’il dénonce l’arbitraire du CNRDRE, qui emprisonne qui il veut et empêche des malades de voyager. Il aura fallu, vendredi soir, l’intervention à la fois de l’Ambassadeur de France au Mali et du nouveau Premier ministre à l’aéroport de Bamako pour que la junte accepte de laisser Soumaïla Cissé voyager à bord d’Air France pour aller se soigner à Paris. Alors, qui dirige le Mali?
Chahana Takiou
Le 22 Septembre 23/04/2012