La frayeur semble passée mais, moins qu’à une cure de démocratie directe, c’est à un pénible exercice de communication crise qu’ Att était contraint. Il n’a pas esquivé les questions -même si ses réponses en génèrent d’autres dont l’état dans lequel il a trouvé l’armée en arrivant au pouvoir. Il s’est expliqué dans la langue parlée par le plus grand nombre de ses compatriotes.
Et le calme qui a suivi indique, pour l’instant, qu’il a convaincu. Mais a-t-il vaincu ?
Les médias font leurs choux gras de nos militaires réfugiés chez des voisins avec des témoignages qui en disent long sur le moral des troupes et la confiance qui règne d’une part entre le commandement et les soldats et d’autre part entre les
soldats eux-mêmes. Les épouses des militaires du Sud l’ont dit : elles ne font pas confiance aux intégrés nomades et hélas, il est vrai que des désertions sont enregistrées au sein de cette catégorie pour rejoindre la rébellion.
Le président a raison d’appeler à relativiser ces défections et de rappeler que la nation est en train d’être défendue également par des militaires Kel Tamasheq et Arabes. Eux aussi tombent, eux aussi ont des femmes et des enfants et c’est une dizaine de mères et d’épouses qui portent le deuil de la dizaine de soldats nomades victimes des égorgements ignobles d’Aguel Hoc qui empruntent au type de sentence rendu par les islamistes qu’ils soient d’Aqmi ou auto-générés. Att peut convaincre, mais ni lui ni la nation ne peuvent vaincre si l’armée multiethnique issue du Pacte national est remise en cause. Ni lui ni la nation ne peuvent vaincre si à chaque rébellion, des compatriotes sont obligés de fuir leur pays parcede l’application qu’ils ont la mauvaise tête.
Or ils sont nombreux à nous avoir quitté, dont de véritables symboles et militants de l’intégration nationale. Ni lui ni la nation ne peuvent vaincre sur le seul agenda d’élections tenues à date. Le fait que ces échéances, plutôt que de relever de la routine constitueraient un exploits dans le contexte que nous vivons indique ce que nous savions tous mais que nos lâchetés ou nos calculs n’ont pas osé demandé : une conférence nationale d’évaluation dressant, sans complaisance l’état de la nation. Le 8 juin ne peut pas être une fierté si la République peut sauter le 9 juin.
Adam Thiam
Le Républicain Mali 06/02/2012