Edito / Le sang des moutons demain, celui du Mali plus tard

Même par ces temps de honte, ce sont eux qui brandissent l’étendard. Et c’est nous qui le transperçons. Par nos appétits apatrides, nos petits jeux de faux patriotes qui jurent « Mali » quand le nombril est leur seule patrie, leur seule raison d’être. Or ce pays  ne peut pas continuer pas comme ça, dans la fourberie des uns, l’insouciance des autres, l’indigence de tous. L’un après l’autre, les garde-fous sont en train d’être démolis, et nous sommes trop nombreux à nous accrocher au parachute divin qui nous a jusque-là permis de retomber sur nos pieds malgré les sauts périlleux dans l’inconnue où le pays a été souvent entraînés.

Mais Dieu n’aime que ceux qui l’aiment, sans spectacle et sans calculs. Il ne veille pas le Mali de 2012 qui l’a trop pris comme paravent. Au Nord où l’indicible prend prétexte de lui. Au Sud qui prépare, pour bientôt et si rien n’est fait pour stopper la dangereuse spirale, une guerre bien plus insidieuse que celle du Nord : la guerre des confréries.  Elle s’est, certes, nourrie récemment du triomphe de Aqmi-Mujao, de l’impuissance de l’Etat face aux lieux de culte démolis.

Mais les lignes de fractures se dessinaient depuis bien des années déjà alors que les pouvoirs publics n’ont pas cru devoir affiner leur intelligence, par conséquent leur obligation d’anticipation, des périls qui leur sont inhérents. Très clairement, nous allons vers des temps dangereux où les islams locaux pourront s’affronter, certains au nom de la légitime défense, d’autres au nom d’une illégitime démence sur le terreau de l’instrumentalisation politique de tout ce qui peut-être marchepied, y compris les cadavres. Le sang des moutons demain, celui des Maliens après. Dans son excellent éditorial du 23 octobre, Abdramane Kéita a sonné l’alerte. A moins de vouloir être sourdes, nos autorités ne peuvent pas dire qu’elles ne l’ont pas entendue.

Adam Thiam

Le Republicain 25/10/2012