Le Mali sous Moussa Traoré : c’est désormais en librairie, le titre du livre-bilan de la double décennie du tombeur de Modibo Keita, venu en 1968 dans la liesse populaire et parti en 1991 sous les huées d’un pays révolté. Publié sous la direction de l’emblématique Djibril Diallo avec la contribution de plusieurs caciques de l’ex Udpm, l’ouvrage collectif mesure le ton, pèse et soupèse chaque mot.
La volonté de proposer une plaidoirie plus qu’un réquisitoire est manifeste.Au demeurant, le genre n’est pas sans précédent sous nos cieux. Sous la direction d’Iba Ndiaye, l’Adema mitraillée par son opposition avait été en son temps, contrainte au bilan. Et si Att n’eut pas le temps de proposer un livre unique sur ses réalisations, celles-ci furent l’objet de présentations périodiques par ses Premiers ministres successifs. Même les inconditionnels de l’Usrda ont été entendus dire à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de notre Indépendance, que les huit ans de Modibo Keita dépassaient en résultats les quarante ans restants du Mali indépendant.
Ceci dit, si les auteurs du livre- bilan de l’Udpm agitent plus le drapeau blanc que la canonnière, un fait ne peut pas être sous-estimé : leur livre sort vingt cinq ans mois pour mois après ce que les Maliens appellent leur révolution. Celle qui eut raison de Moussa Traoré. Elle était quête de pluralisme et de démocratie. Elle était appel de justice sociale. Elle était désir d’avenir face à un dividende démographique faiblement anticipé par les décideurs. Dès lors, ce que l’ex parti unique fait et qui devrait faire réfléchir un mouvement démocratique débandé, c’est de parler d’une voix autour d’une gouvernance qui prétend avoir laissé au pays: une armée, une école, des infrastructures et une morale.
Le livre ne le dit pas mais il n’a pas été écrit sans avoir en filigrane les querelles intestines qui ont miné l’ère démocratique, de même que l’inquiétant boom de la corruption grimpée à une échelle quasi industrielle après Gmt malgré des mesures systémiques ayant eu l’effet de mettre fin aux cauchemardesques mois de 90 jours d’antan avant d’induire des décennies de taux de croissance économique positifs. Notre démocratie aurait dû être à son seuil d’irréversibilité, il est vrai. Or il n’en est rien. La compétence, il est vrai, aurait dû être le seul critère de gouvernance. Or à cet égard, Moussa Traoré a de meilleurs arguments. La démesure n’a pas lieu d’être disqualifiée car le pays tire la langue en dépit de la sollicitude de l’aumônier international.
L’Etat en crise multiforme est une menace pour lui même et pour les autres et cette tragédie est celle du Mali post-démocratique. Les faiblesses du parcours après 1991 ne sont donc pas niables. Pour autant, ce sont nos fils nos filles nos mères nos épouses qui sont tombées, les mains nues face à l’erreur d’appréciation. Le Général avait dit que ce n’était pas à lui de demander pardon. Là dessus il a été entendu. Pour son bilan, le débat est en route, parions-le!
Adam Thiam