Les deux missions confiées aux autorités de la transition sont connues de tous : la libération des deux tiers du territoire national et l’organisation d’élections libres et transparentes. Ce qui signifie que la phase de la transition politique s’achève avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement et d’une assemblée nationale. Pour y arriver sans anicroches, le niveau de développement du pays et l’expérience d’un régime démocratique antérieure à la situation actuelle comptent beaucoup. S’y ajoute la neutralité à tout point de vue des autorités en charge de diriger la transition : Président par intérim, Premier ministre, membres du gouvernement, forces armées et de sécurité.
Une transition partisane, politisée à des fins personnelles, régionalistes, ethniques ou communautaires, serait source de tous les dangers. Elle n’aurait alors rien réglé. Elle en rajouterait, au contraire, à la confusion, à la crise et favoriserait le conflit permanent. C’est en tout cas ce spectre qui se dessine avec la confirmation de la candidature du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, à l’élection présidentielle prochaine. C’est lui-même, qui a donné cette information à la délégation de l’Union européenne, quelques jours avant la fête de Tabaski. Il disait à ses hôtes qu’on ne lui avait pas dit le jour de sa nomination qu’il ne pourra pas se présenter à la présidentielle. Ce qui est faux et archifaux, parce que de retour de Paris, le président intérimaire, Dioncounda Traoré, dans son discours à la nation, avait clairement déclaré que les autorités de la transition (Président par intérim, Premier ministre, membres du gouvernement…) ne seront pas candidats à aucune élection. Ce discours avait précédé la reconduction du PM.
En affichant sa ferme volonté de se mettre dans le starting block de la présidentielle, Cheick Modibo Diarra met en danger la transition malienne. Parce que les autres prétendants verront, à travers tous ses actes, un jeu politicien, qui jure avec l’intérêt collectif, celui de la nation. C’est une décision gravissime. Elle mérite d’être revue et corrigée, le cas contraire, sa démission s’impose pour laisser le fauteuil à un autre plus compétent et moins bavard. Déjà, le FDR l’accuse de mener campagne avec les moyens de l’Etat, dans ses différents déplacements. Il est accusé également de placer les cadres de son parti dans la haute administration.
Une période de transition, encore une fois de plus, doit être impartiale. Le Mali a connu une transition démocratique (mars 1991-juin 1992) avec le duo ATT-Soumana Sako. On venait de sortir d’une dictature, c’était encore plus difficile. Aucun d’eux ne s’est présenté aux différents scrutins.
L’Afrique a connu beaucoup de transition démocratique, les unes différentes des autres. Dans tous les cas, le chef du gouvernement, qui a conduit la période transitoire, ne s’est présenté à aucune élection.
C’est le cas au Bénin, au Gabon, en Afrique du Sud pour ne citer que ceux-ci. Le cas de ce dernier pays est, quant à lui, particulièrement original. La transition démocratique a été une période de reconstruction complète de l’Etat et, peut-on dire, même de refondation de la société sud-africaine.
Dans tous les pays dits démocratiques, la démocratisation est un processus toujours inachevé. C’est un processus de très longue durée, qui implique à la fois des changements d’ordre institutionnel mais aussi d’ordre culturel. Même les systèmes démocratiques les plus anciens sont toujours en évolution avec l’amélioration progressive des conditions de vie des plus défavorisés.
Le Mali a déjà reculé. De grâce, ne continuons pas la marche à reculons. Il existe déjà des recettes, que nous-mêmes avions utilisées en 1991 pour la transition démocratique. Alors, pourquoi le Premier ministre veut-il changer les données ?
A lui de choisir : se soumettre à une transition impartiale ou se démettre.
Chahana Takiou
Le 22 Septembre 01/11/2012