Le puissant Procureur leur reproche des atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat, l’emploi illégal de la force armée, des associations de malfaiteurs, des assassinats, des coups et blessures volontaires, des vols, des détentions illégale d’armes de guerre et autres complicités. Il s’agit, pour rappel, de l’affaire dite des «bérets rouges contre bérets verts» pour certains ou «contre putsch» pour d’autres, survenue dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2012.
Cette confrontation, il faut le préciser, a fait plus de 20 morts et plus de 60 blessés, militaires comme civils. Conséquences: des arrestations extrajudiciaires ont été opérées par la junte. Une aubaine pour elle, afin de solder ses comptes, vieux ou récents. Ce n’est pas tout. Détentrice de la réalité du pouvoir à Bamako, elle vient aussi de mettre la justice à contribution, pour la mettre au pas, voire l’instrumentaliser, à des fins de vengeance. Et, une fois de plus, pour des règlements de compte strictement personnels et même internes à certaines promotions de l’armée, s’il vous plait!
Pour ne pas reprendre un à un tous les chefs d’accusation, intéressons-nous au plus important: l’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Cette inculpation ne tient pas du tout la route, puisque entre le 30 avril et 1er mai, ni le Président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, ni le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, ni aucun autre chef d’institution n’a été attaqué ou menacé dans son intégrité physique. Où est donc l’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat? Le CNRDRE n’est pas l’Etat. Il n’est, en outre, reconnu nulle part comme étant une institution de la République, même pas dans l’Accord-cadre, qui est et demeure son texte sacré.
L’affaire des «bérets rouges contre bérets verts» est une confrontation armée entre militaires de corps différents. Elle doit donc être traitée comme telle. Dans le pire des cas, c’est un tribunal militaire qui devrait statuer sur ce dossier. Mais, puisque l’on veut instrumentaliser la justice, allons-y! Contraint d’instruire ce dossier, à la demande de son ministre, Malick Coulibaly, pourtant réputé pour sa rigueur, Sombé Théra n’a eu qu’un seul choix: celui de désigner un juge d’instruction, qui est déjà à pied- d’œuvre, avec les premières écoutes. Espérons qu’il ait les mains suffisamment libres pour décider ensuite en âme et en conscience.
Si peu honnête qu’il soit, n’importe quel juge classerait ce dossier sans suite, parce que déjà mal emmanché, car truffé d’arrestations extrajudiciaires et de preuves matérielles supposées, exhibées à la télévision, qui n’en sont pas. Dans cette optique, il serait plutôt souhaitable de travailler à l’unité au sein de l’armée malienne, afin d’éviter qu’un autre groupe ne veuille venger un de ces jours ceux qui sont désormais sous les barreaux.
Le CNRDRE ne devrait pas être un obstacle à cette réconciliation, pour la bonne raison qu’il a également tué lors de ces évènements, pour finalement sortir vainqueur des combats. Il y va aussi des intérêts de ses membres et associés dans l’avenir, car n’importe quel régime, après la transition en cours, peut abroger la loi d’amnistie qui leur a été accordée pour un crime imprescriptible au regard de notre Constitution, le putsch perpétré un triste 22 mars 2012, même camouflé en «mutinerie ayant abouti à la démission du Président de la République». Une loi d’amnistie est une loi ordinaire, et, comme telle, on peut la modifier ou l’abroger. Comme le dit l’autre, il faut savoir raison garder et avoir la victoire, surtout lorsqu’elle est entachée de sang, modeste.
Chahana Takiou
Le 22 Septembre 04/05/2012