Et c’est aujourd’hui l’ex-Etat néant du Liberia ouvert aux vertus de la bonne gouvernance qui offre des tentes et des biscuits vitaminés aux hordes venant du pays autrefois béni et envié d’Houphouët-Boigny. C’est l’affligeante ironie d’un continent abonné aux contre-performances. Mais si l’on n’y prend garde, la Côte d’Ivoire ne se contentera pas de manger ses enfants. Par sa crise et ses passions, ses surenchères et son orgueil, la Côte d’Ivoire a tout pour mettre en péril la sous-région. Elle est déjà pour ses voisins un manque à gagner irremplaçable de par son poids économique et son port.
Elle pourrait, en plus, être l’épicentre de plus grandes menaces sécuritaires pour le Mali, le Burkina Faso, le Ghana, la Guinée et le Libéria. Déjà elle a divisé la Région Cedeao dont des dirigeants sont inquiets des dérapages possibles d’une action militaire et ce ne sont pas les écarts de communication actuels d’un Nigeria un peu trop vocal pour un pays qui devrait, en ce moment, parler au nom d’un ensemble. Déjà, le pays aux deux présidents a aussi divisé l’Union africaine. Il ne sert à rien de se voiler la face : la cacophonie et les voltefaces au sein de l’organisation continentale sont bel et bien les prémisses d’une empoignade qui n’augure rien de bon pour l’Afrique dont les leaders se rencontrent à Addis-Adeba en fin de semaine. Ce ne sont pas les mesurettes hyper médiatisées du genre l’Ambassadeur d’Alassane Ouattara a occupé ses locaux parisiens qui règlent la crise ivoirienne. Pas plus que dans le moyen terme l’embargo sur l’exportation du cacao ivoirien qui est tout de même produit par des planteurs besogneux et pas forcément tous pro-Gbagbo.
Les voix discordantes, qu’il s’agisse de celle de Zuma, Museveni ou Dos Santos, symbolisent d’abord l’échec diplomatique de la Communauté internationale, notamment l’Europe et les Etats-unis. Pour ce qui est de l’Onu, disons-le clairement : ce n’est pas une défaite mais une déroute. Trois milliards de dollars plus tard, avec une certification dont le principe était accepté par toutes les parties, la voilà réduite à cacher ses voitures pour ne pas être fouillées et opter indûment pour la résistance à la suite du président élu. La Côte d’Ivoire n’est donc pas en train de mourir de l’entêtement de Gbagbo mais des contradictions du Conseil de sécurité de l’Onu que paieront les pauvres bougres à Bamako, Ouaga, Accra ou Monrovia.
Adam Thiam. 26/01/2011