Mais Melesse était surtout un despote éclairé. A la tête d’un des pays les plus démunis et les plus précaires du continent, le tombeur de Mengistu avait pu engager l’Ethiopie sur le chemin d’une croissance frôlant les deux chiffres depuis une dizaine d’années. La pauvreté y est toujours criarde et l’urbanisation rapide de la ‘Nouvelle Fleur’ ou Addis Ababa met en relief le même type société à deux vitesses où l’opulence des élites bureaucratiques et de son vase communicant, la bourgeoise d’affaires, nargue les quartiers populaires et leurs marmailles en haillons. Mais, dans un Etat réputé discipliné et rigoureux, le projet d’émergence de l’Ethiopie de Melesse était articulé et crédible, transcendant les clivages ethniques, religieux et idéologiques.
La stratégie était déclinée, elle aussi et elle consistait, par réformes progressives, à arrimer le vieux bastion communiste au char néo libéral. C’est ce volontarisme qui a forcé le respect de l’Occident pour Melesse l’ancien guévariste qui deviendra, deux décennies plus tard, un avocat de la gouvernance démocratique. Même si c’est moins chez lui qu’à Davos ou dans les coulisses des multiples sommets sur l’Afrique dont il était souvent l’invité-vedette. Melesse disparu, que va être son système, comment sera l’Ethiopie et quel avenir pour la Corne de l’Afrique, cette poudrière à la base des angoisses sécuritaires de l’Occident ? Aucun leader ne ressemble identiquement à un autre et c’est sûr que l’après-Melesse se fera sentir.
Mais l’Ethiopie a des institutions fortes et une culture d’Etat. Elle devra pouvoir surmonter le clanisme tigréen reproché au défunt Premier ministre tout en continuant à être le fer de lance de la lutte contre l’islamise dans la Corne, d’abord pour contenir la question religieuse propre à l’Ethiopie elle-même. Les Shebab qui dansent de joie sur la dépouille de leur ennemi de toujours se trompent donc lourdement.
Adam Thiam
Le Republicain
22 Août 2012