Et de celui-ci, le message est simple : c’est de lui dire « avant qu’il ne soit trop tard, lâche le livre vert et les comités populaires pour une vraie démocratie représentative, quitte pendant qu’il te reste encore quelque grandeur». Zuma ne serait pas en train, ce faisant, de bluffer. Car le Guide ayant commis l’outrecuidance de ne pas succomber aux premiers lancements de missiles, les insurgés de Benghazi sont passés au second plan et la cible ce n’est ni plus ni moins que Kadhafi en personne.
L’Otan, autant dire les Etats-unis, la France et l’Angleterre, veulent sa tête : il est devenu l’ennemi public No 1 depuis la mort de Ben Laden. Mais Kadhafi ne ressemble ni à Ben Ali ni à Moubarak. Ceux-ci qui n’avaient jamais été frontalement défiés avant, faisaient subitement face à un volcan populaire crachant chaque jour un peu plus de lave. A côté de Sidi Bouzid et de la place Tahrir, Benghazi est une nébuleuse locale derrière laquelle est prêtée la main d’un occident fantasmant sur les riches nappes pétrolifères de la Cyrénaïque à moindre coût. Autre argument de poids aux mains de Kadhafi : son armée. Les forces de sécurité sont le principal employeur de la Libye et la garde prétorienne sait se battre.
De grosses pointures occidentales se portent à son chevet, Vergès et Dumas notamment, même si ce n’est pas par pur humanisme. Et puis, Kadhafi a dit qu’il préférait mourir que de céder aux injonctions des « croisés » occidentaux. Il ne prévoyait sans doute pas que les croisés auraient des porte-voix africaines -car en dépit de son préambule indigné contre l’utilisation faite de résolution 1973 par l’Otan, la position de l’Union africaine ressemble fort à un subtil lâchage du Guide. Mais, il n’a jamais été aussi près d’être un martyr. Or ce n’est pas du tout ce que l’Occident veut.
Adam Thiam
Le Républicain 31/05/2011