Sauf pour les juges qui, au nom de l’establishment, tiennent à sauver les meubles en offrant à la rue, non le corps entier du système mais son principal ordonnateur. Très généralement, un dieu brutal et arrogant, mais naïf et imprudent, ivre de son statut de parrain adulé ayant droit de vie et de mort sur tout ce qui bouge. Jusqu’au jour où de bouclier derrière lequel s’abritent les suceurs de peuple, il se découvre bouc émissaire. C’est pourquoi, malgré ses forfaits, Ben Ali crie au procès d’élimination. Alors même que le verdict semble d’une clémence évidente au regard de l’embrigadement de toute une nation et des conséquences que cela peut avoir sur une société. Le dictateur qui est disqualifié de toutes manières, aucune peine ne pouvant être plus infamante que celle qu’il a infligée à son propre peuple, a raison, d’un côté : son tribunal fut expéditif, partiel et parcellaire.
En plus, il n’était même pas là. Pas plus que ceux sur qui son terrible système reposait. En d’autres temps, ceux de sa toute-puissance, les procureurs qui ont prononcé des peines et sanctions solidaires contre lui et contre sa jadis omnipotente épouse, n’auraient sans doute pas hésité, à lui servir son thé. Et il le sait. Reste une consolation : c’est de voir qu’en si peu de temps, le roc est devenu un roseau, procédant par communiqué ou avocat interposés là où son simple toussotement avait rang de discours à la nation. La cure d’humilité qui lui est imposée, dès lors, est un avertissement pour tous ceux qui oublient que le pouvoir naît du peuple et retourne toujours à lui.
Adam Thiam
Le Républicain 22/06/2011