Les cinq chefs d’Etat mandatés par leurs pairs de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, ont échoué à trouver une issue favorable à la gravissime crise qui secoue le Mali. Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Mahamadou Issoufou du Niger, Macky Sall du Sénégal, Mahamadou Buhari du Nigéria et Nana Akufo Addo du Ghana ont pris leurs bâtons de pèlerin le jeudi 23 juillet 2020 pour voler au secours du Mali malade. Leur mission de 24 heures a été un échec cuisant, car ils ne sont pas parvenus à faire bouger les lignes. Pourquoi ont-ils échoué ? La réponse est soit, ils n’ont pas bien posé le diagnostic, ou bien, ils ont déployé la mauvaise volonté ou encore ils ont fait une très mauvaise lecture de la crise. En tout état de cause, le remède qu’ils ont proposé est loin d’être celui qui guérira cette maladie qui a eu le temps de se métastaser. Les propositions qui sont celles de la médiation conduite par l’ancien Président Nigéria GoodLuck Jonathan, qui, elles aussi tirent leurs origines des propositions du Président IBK, n’ont pas satisfait les opposants regroupés au sein du Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques, M5 RFP.
La délégation présidentielle de la CEDEAO, loin d’avoir tenu compte des aspirations profondes et légitimes d’une frange importante du peuple malien, est venue sauvée leur pair IBK au détriment du Mali, plongé dans une crise multidimensionnelle depuis 2012. Pourquoi n’ont-ils pas été courageux, alors même que le Président en exercice de l’Organisation sous-régionale, Mahamadou Issoufou du Niger a reconnu sans détour que le Mali est confronté à quatre crises majeures qui annihilent tous les efforts de développement, à savoir les crises sécuritaire, sanitaire, économique et politique. Pourquoi sur la base de ce constat les Présidents de la CEDEAO n’ont pas pu imposer à IBK une certaine ouverture, voir un partage de responsabilités avec ses opposants pour sortir le Mali de l’abime ?
Les cinq Présidents sont tout simplement venus soutenir IBK en dépit de son incapacité à sortir le Mali de l’ornière. Leur médiation ne pouvait qu’échouer parce qu’ils ont relégué au second plan les revendications légitimes du peuple malien, ce peuple qui s’est mobilisé sept ans au paravent pour élire celui qu’il conteste aujourd’hui avec véhémence, à savoir IBK. De quoi ont-ils peur du même scénario chez eux si jamais IBK venait d’être chassé par la rue ? Ne dit-on pas que ce sont les oiseaux du même plumage qui volent ensemble ? C’est certainement parce que tous ces chefs d’Etats sont contestés dans leurs pays qu’ils ont voulu soutenir IBK, mais ils doivent comprendre que la crise au Mali ne ressemble à aucune autre crise dans la sous-région, car elle touche les fondements mêmes de notre nation. Donc vouloir sauver un régime seulement sans apporter la thérapie nécessaire au pays tout entier, c’est rendre un mauvais service au vaillant peuple malien. Bon ! un échec des chefs d’Etat de la CEDEAO ne surprend guère quand on sait que cette organisation sous régionale n’a jamais réussi dans une médiation. Pour rappel, elle a échoué en Guinée Conakry, en Guinée Bissau, en Côte d’Ivoire et au Mali.
En somme, il est grand temps qu’elle change ses mécanismes de médiation. Qu’elle cesse d’être la CEDEAO des Présidents pour être celle des peuples. Que sa charte de la démocratie et de la bonne gouvernance intègre la dimension prévention des conflits et exigence des résultats pour les chefs d’Etats, afin de ne pas être là seulement à éteindre le feu.
Youssouf Sissoko